La formation professionnelle des bibliothécaires aux États-Unis

Mary Maack

Expliquer d'une façon simple et claire aux collègues d'autres pays la formation des bibliothécaires américains est toujours difficile parce que son organisation est aussi complexe que notre système de gouvernement fédéral. Selon la constitution des Etats-Unis, les pouvoirs réservés au gouvernement central sont uniquement ceux qui ont trait aux affaires d'un intérêt véritablement national, telles que la fiscalité générale, les relations internationales, les services postaux, la frappe de la monnaie. Il ne faut pas perdre de vue que l'instruction publique, de l'école primaire jusqu'au doctorat, est placée sous la responsabilité de chacun des cinquante états. Il n'existe aux Etats-Unis aucun système national de bibliothèques ou d'enseignement, par conséquent aucun ministère ou organisme fédéral n'exerce d'autorité sur le métier de bibliothécaire. Ce sont donc les institutions d'enseignement supérieur qui dépendent soit d'un état, soit d'un organisme privé, qui ont accueilli les premières écoles de bibliothécaires.

Melvil Dewey et les premières écoles

Dès la fin du XIXe siècle, l'expansion de la lecture publique et la croissance rapide des bibliothèques universitaires et spécialisées ont fait sentir le besoin en personnel ayant des connaissances techniques aussi bien que littéraires. En plus, la création de l'Association des bibliothécaires américains (ALA) en 1876 a favorisé la mise en oeuvre des techniques nouvelles. Onze ans plus tard, Melvil Dewey, novateur brillant et inlassable, a fondé la première école des bibliothécaires à Columbia College où il était bibliothécaire en chef. Mieux connu en Europe pour sa mise au point de la classification décimale à laquelle son nom est attaché, Dewey était également animateur de l'ALA et rédacteur en chef de Library journal, notre première revue en bibliothéconomie. Malgré le dynamisme de son fondateur, l'école a rencontré des résistances à Columbia, car Dewey exigea qu'elle soit ouverte aux femmes également, alors que cette université n'était pas mixte à l'époque.

Au lieu d'abandonner son expérience, Dewey quitta Columbia en amenant son école à Albany où il fut nommé directeur de la bibliothèque de l'état de New-York. Désormais cette école joua un rôle déterminant dans la formation des bibliothécaires, car les anciens élèves de Dewey fondèrent à leur tour d'autres écoles, à Chicago, à Philadelphie, à Brooklyn et à Boston, et vers 1910 on comptait une dizaine de programmes en bibliothéconomie.

Depuis la création de la première école, différents facteurs entrèrent en jeu pour rendre le développement de la formation professionnelle assez complexe. En fait, on peut distinguer assez nettement trois périodes dans l'histoire de son évolution.

1887-1925: des formations pratiques et dispersées

La première période, de 1887 jusqu'à 1925, se caractérise par l'accent mis sur la technique et par la diversité des programmes. L'instruction donnée par Dewey à Columbia était entièrement pratique : elle consistait en un cours de trois mois sur la classification, l'enregistrement des acquisitions, la dactylographie, et même des exercices d'écriture (les fiches de catalogue étant alors faites à la main). Suivaient ensuite un travail pratique dans une bibliothèque et un cours de trois mois de récapitulation des connaissances. Un ancien élève de Columbia a raconté que Dewey n'était ni un savant, ni un bibliophile mais un grand mécanicien qui a conçu le fonctionnement d'une bibliothèque comme celui d'une machine et qui a su la mettre en marche.

La plupart des écoles ont suivi le modèle pédagogique de Dewey, en adoptant plusieurs formules administratives : par exemple, quelques écoles dépendaient de grandes bibliothèques publiques tandis que d'autres étaient intégrées à une université ou un insti:ut de technologie. Il y avait, de plus, une prolifération des stages, des cours d'été et des programmes de courte durée.

Au début des années 20, la diversité et la contradiction entre les opinions exprimées par les enseignants et les bibliothécaires ont poussé la Commission Carnegie à subventionner une enquête sur la formation en bibliothéconomie. Cette enquête, menée par un professeur de sciences économiques, Charles Williamson, a marqué un tournant.

Williamson « critiquait sévèrement les quatorze programmes existants et faisait des suggestions pour élever le niveau de la formation des bibliothécaires. Son rapport a eu pour résultat la fondation par l'ALA en 1924 du Board of Education for Librarianship (Conseil de la formation en bibliothéconomie) qui a adopté en 1925 les normes applicables aux écoles de bibliothéconomie : « Minimum Standards for Library Schools ». » 1

1925-1950 : intégration aux universités

Pour les écoles de bibliothécaires, les années entre 1925 et 1950 marquent une période de consolidation et d'intégration aux universités. Désormais l'ALA a su suivre le modèle des professions libérales, dont les associations (comme The American Medical Association) jouent un rôle déterminant dans l'agrément des écoles de formation professionnelle.

Les normes adoptées par l'ALA dès 1925 exigent que seules les écoles faisant partie d'université aient le droit d'être agréées; par conséquent, les autres programmes dans les bibliothèques publiques furent peu à peu transformés ou supprimés.

Jusque dans les années 50, le premier diplôme professionnel était un certificat du niveau de la licence, le Bachelor of Library Science (BLS). Dans certaines écoles, il était possible d'aller jusqu'au Master of Library Science (MLS) après une année d'études supplémentaires, suivie d'un mémoire de maîtrise, et en 1926 l'université de Chicago a ouvert la première Graduate school, offrant des études approfondies en bibliothéconomie et comportant un programme de doctorat.

C'est après la seconde guerre mondiale que le nouveau modèle de Graduate education (c'est-à-dire formation au niveau de la maîtrise et du doctorat) a été adopté par d'autres écoles, qui voulaient améliorer le niveau des connaissances de leurs diplômés.

Après 1951, l'accession au doctorat

Les normes adoptées par l'ALA en 1951 marquent le début de la troisième période où le BLS a été remplacé par le MLS qui était désormais considéré comme le premier diplôme professionnel. La plupart des écoles déjà existantes ont amélioré leurs programmes afin de se conformer aux nouvelles normes, qui exigent plus d'instruction théorique, et une quinzaine d'écoles créées pendant les années 60 ont été également agréées par l'ALA.

En 1972, l'ALA a adopté des nouvelles normes qui portent sur les points suivants : les objectifs du programme, le cursus, la qualité des enseignants et des étudiants, la direction, l'administration et le financement, les installations et les équipements 2.

Bien que les normes soient qualitatives (elles ne suggèrent pas un niveau minimum), chaque école doit préparer un rapport fondé sur une documentation abondante et quantitative. Si ce rapport, soumis au Comité d'agrément (Committee on Accreditation) est satisfaisant, une équipe de cinq personnes recrutées parmi des bibliothécaires expérimentés et des professeurs de bibliothéconomie visitera l'école. Après avoir assisté aux cours et interviewé des professeurs et des élèves, l'équipe donne son avis au Comité qui décide si l'école sera agréée ou non. Après son agrément, l'école doit soumettre un rapport annuel au Comité pendant six ans. Même si ces rapports sont adéquats, l'école doit rédiger une « auto-évaluation » (self-study) la sixième année et se préparer à une visite d'une équipe qui décide si son programme mérite d'être agréé de nouveau.

Depuis 1951, une vingtaine de ces écoles ont introduit un cursus allant jusqu'au doctorat en bibliothéconomie, et trente-huit décernent un certificat de spécialisation obtenu après une sixième année d'études universitaires. Ce développement du troisième cycle a une influence importante dans le domaine de la formation professionnelle, et à l'heure actuelle la majorité des professeurs de bibliothéconomie sont pourvus de doctorat.

Plus de mille thèses de doctorat en bibliothéconomie ont été déposées dans les universités américaines depuis les années 50, et elles représentent une construction importante à la connaissance de notre métier. Mais il ne faut pas perdre de vue que les programmes de doctorat ne sont pas agréés par l'ALA; par conséquent, la qualité des thèses et la nature de cursus est très variable.

En dehors des 63 écoles agréées au niveau de la maîtrise, il y a 17 écoles sans agrément qui décernent la licence. Il existe également 180 écoles qui offrent les programmes de formation post-secondaire pour les aide-bibliothécaires et techniciens. Bien que ces programmes non-agréés soient nombreux aux Etats-Unis, ils décernent moins de 20 % des diplômes en bibliothéconomie, et ils ne représentent aucun système cohérent pour la formation des cadres moyens. Les personnes employées comme sous-bibliothécaires et aide-bibliothécaires possèdent souvent une licence-ès-lettres, mais en matière de bibliothéconomie elles sont formées sur le tas.

Le contexte professionnel

Avant de parler des questions propres à la formation, il faut jeter un coup d'oeil sur l'« anatomie » de la profession aux Etats-Unis.

Aux Etats-Unis, « the professional librarian » (le bibliothécaire professionnel) est défini par l'ALA en fonction du niveau des tâches qui lui sont confiées, c'est-à-dire un travail qui demande les connaissances et le niveau d'instruction nécessaires pour être capable de définir les besoins d'une bibliothèque, d'analyser ses problèmes, de fixer des objectifs, d'imaginer des solutions originales et de savoir les formuler en intégrant la théorie et la pratique. Il doit aussi savoir planifier, organiser, expliquer et administrer avec succès les programmes touchant le service des usagers de la documentation 3. Les tâches courantes devraient être effectuées par des aide-bibliothécaires ou des techniciens. Comme M. Whitten en a fait la remarque dans un article récent, ce sont là « les directives générales de la profession, mais, dans la pratique, le bibliothécaire professionnel est celui qui possède un MastersDegree en bibliothéconomie (MLS) décerné par une école agréée par l'ALA » 4.

Quelques données chiffrées sont nécessaires pour dégager les tendances actuelles : la répartition démographique des bibliothécaires et les débouchés récents affectent profondément la nature, le contenu et la durée des études.

A l'heure actuelle, il y a aux Etats-Unis environ 142 000 bibliothécaires professionnels en activité qui se répartissent ainsi 5 :
Bibl. d'établissements scolaires 44 %
Bibl. municipales 23 %
Bibl. universitaires 18 %
Bibl. spécialisées 15 %

Deux remarques importantes s'imposent. D'abord, contrairement aux Européens, nous ne distinguons pas un groupe de professionnels sous le terme « documentaliste ». Aux Etats-Unis les services de référence dans les bibliothèques publiques, scolaires et universitaires englobent les principales procédures de la documentation - l'organisation des documents et leur diffusion aux lecteurs à l'aide de bibliographies, d'index, de résumés analytiques, de périodiques critiques et d'autres services de signalement. Même si ces fonctions sont plus poussées dans les bibliothèques spécialisées ou dans les centres de documentation, l'ALA affirme qu'une bonne connaissance des techniques documentaires est un élément essentiel à la formation professionnelle.

En deuxième lieu, il faut remarquer que la formation des bibliothécaires travaillant dans les établissements scolaires s'effectue dans les écoles agréées par l'ALA et qu'une section importante de l'association s'est consacrée aux bibliothèques scolaires. Ainsi donc, les schismes dans la profession sont moins profonds aux Etats-Unis, et la formation du bibliothécaire-généraliste est considérée comme le but principal des écoles agréées.

Si on regarde les emplois obtenus par les diplômés de ces écoles pendant les trente dernières années, on peut remarquer certains changements du marché du travail.

Environ un tiers des diplômés ont trouvé un poste dans des bibliothèques publiques : et entre un quart et un cinquième travaillent dans un établissement scolaire. Pendant les années soixante, l'époque de la grande expansion des universités américaines, plus d'un tiers des jeunes professionnels ont été recrutés par les bibliothèques universitaires tandis que les années 70 ont vu un mouvement vers les bibliothèques spécialisées et les centres de documentation.

Programmes : principes et exemples

Afin de permettre à leurs diplômés de s'insérer sur un marché du travail changeant, les écoles offrent un grand éventail d'options possibles. Un étudiant peut choisir de se concentrer sur un sujet ou, au contraire, de diversifier au maximum ses connaissances, mais le programme de toute école doit comprendre les sujets suivants :
« - rôle de la bibliographie comme organisme éducatif et la diffusion de l'information,
- principes d'acquisition, de sélection, de classification de la documentation,
- connaissance des sources d'information et des moyens d'orienter les lecteurs vers la documentation qui répondra à leur recherche,
- principes de gestion et d'administration des services de communication de l'information » 6.

Dans la pratique, ces instructions de l'ALA Committee on Accreditation se traduisent par des cours obligatoires et des options, accompagnés parfois d'un stage obligatoire dans une bibliothèque désignée par l'école.

Parmi les six écoles reconnues pour avoir les meilleurs diplômés (d'après une enquête récente) le nombre de cours obligatoires varie de trois à neuf. Tout étudiant peut choisir des options selon son goût et dans la plupart des écoles des programmes d'études sont suggérés mais non imposés.

A cet égard, la situation à Columbia University est assez typique. Pour obtenir le MLS il faut douze cours qui sont généralement pris de la façon suivante (5 pendant le semestre d'automne, 5 pendant le semestre de printemps et les 2 restants pendant l'été).

En principe, la scolarité dure environ 11 mois, mais plusieurs élèves-bibliothécaires suivent des cours à temps partiel, ce qui peut les amener à prolonger leurs études de trois à quatre ans.

Deux écoles parmi les six dont je viens de parler ont déjà adopté un programme de MLS en deux ans de scolarité à plein temps.

Le plus ancien, celui de l'Université de Californie comprend neuf cours obligatoires suivis par un programme de spécialisation comportant neuf autres cours, des stages, un mémoire dans la spécialité choisie et un examen couvrant la bibliothéconomie et la science de l'information.

Un autre programme de MLS en deux ans, à North Carolina, comprend six cours obligatoires dont 4 forment un « tronc commun » comportant les connaissances de base de la profession. Ces quatre cours doivent être suivis ensemble pendant le premier semestre de scolarité.

Les étudiants

Dans la majorité des écoles, on peut donc obtenir le MLS après un an d'études à plein temps : cela représente entre 550 et 600 heures de cours magistraux et quelques heures de travaux pratiques pour le catalogue et l'interrogation en ligne. Mais il faut dire que la proportion entre cours et travail personnel est très largement en faveur de ce dernier. En principe, un étudiant à plein temps a environ douze heures de cours par semaine, mais on attend de lui à peu près deux heures de travail personnel pour chaque heure d'enseignement. Cela représente un horaire hebdomadaire d'environ 40 heures, souvent dépassé car les devoirs fréquents exigent beaucoup de recherches personnelles.

Les étudiants paient des droits de scolarité assez élevés et doivent chercher un emploi eux-mêmes, une fois obtenu leur diplôme, ce qui les amène à prendre leurs études très au sérieux.

Avant de commencer leurs études en bibliothéconomie, 10 % de nos étudiants ont déjà obtenu une maîtrise dans une autre discipline et presque 4 % sont munis d'un doctorat. Au niveau des licenciés environ les deux tiers ont fait leurs études en lettres. Seulement 3 % sont pourvus d'une licence-ès-sciences.

Presque 80 % des étudiants au niveau de la maîtrise sont des femmes, et cette proportion est restée stable pendant les années 70; en revanche la proportion des femmes ayant obtenu un doctorat en bibliothéconomie s'est élevée de 36 % en 1974 jusqu'à 51,8 % en 1979.

Les enseignants

A l'heure actuelle environ 40 % des professeurs de bibliothéconomie sont des hommes, et cette proportion risque de ne pas changer au moment où peu de nouveaux postes sont prévus. D'après une enquête récente, une école moyenne engage 10 professeurs à plein temps, mais parmi les écoles agréées il y a un grand écart, la plus petite ayant 5 professeurs à plein temps, la plus grande en ayant 24.

En 1982, 629 professeurs de bibliothéconomie ont enseigné à plein temps, tandis que les 63 écoles ont engagé entre 750 et 800 professeurs à temps partiel. Ce dernier chiffre comprend les candidats de doctorat qui donnent un cours ou dirigent les travaux pratiques et les bibliothécaires expérimentés qui travaillent ailleurs mais qui donnent au moins un cours magistral à l'école. D'habitude, le nombre de professeurs à temps partiel est supérieur ou égal au nombre de ceux engagés à plein temps. Il y a beaucoup de différences entre les écoles, et plusieurs facteurs entrent en jeu : la philosophie de l'école, les crédits disponibles, et les possibilités de recrutement. Le cas extrême est celui de la Catholic University à Washington D.C. où l'on engage 43 professeurs à temps partiel tandis que l'équipe permanente ne compte que 16 personnes.

Entre 1960 et 1978 le nombre de professeurs s'est élevé de 168 à 689 et, en même temps, il y a eu une amélioration de leur niveau de formation. A l'heure actuelle la majorité des professeurs ont obtenu un doctorat, et de plus en plus ceux-ci continuent à poursuivre leurs recherches.

Bien que les professeurs représentent moins de 0,5 % de la population totale de bibliothécaires, ils écrivent presqu'1/3 des articles publiés dans Library Quarterly, la revue de bibliothéconomie la plus prestigieuse aux Etats-Unis, et environ 1/5 des articles dans quatre autres revues importantes.

Du fait de l'intégration des écoles de bibliothécaires aux grandes universités orientées vers la recherche (comme Illinois, Michigan, Colombia), les jeunes professeurs doivent être munis d'une liste de publications sérieuses avant d'être nommés Associate Professor (maître de conférences). Et parmi les professeurs récemment recrutés, on trouve en plus grand nombre des spécialistes des statistiques, de l'informatique et des sciences de l'information.

De la « Library science » à l'« Information science » ?

A l'heure actuelle le programme de chaque école, comprend au moins un cours intitulé Information Science. La définition proposée par le Professeur Neelamaghan est celle qui est généralement acceptée aux Etats-Unis. Il dit que la Science de l'information est une science interdisciplinaire traitant de l'étude des propriétés et du comportement de l'information, des facteurs qui influent sur le flux de l'information en vue d'en faciliter l'accès et l'utilisation à des coûts raisonnables.

Il s'agit d'une science interdisciplinaire qui puise ses éléments dans des disciplines telles que les mathématiques, la logique, la linguistique, la recherche opérationnelle, la gestion, la systémique, la bibliothéconomie.

Dans ce domaine, les études portent :
- sur l'origine, la sélection, l'organisation, le stockage, le dépistage, l'interprétation, la transmission, la diffusion et l'utilisation de l'information,
- sur la présentation de l'information dans un langage naturel ou d'autres symboles, le codage en vue de la transmission et les méthodes et techniques du traitement de l'information telles que l'ordinateur et la mise au point du logiciel.

Le professeur Neelamaghan précise que lorsqu'il emploie le terme « Science de l'information », il l'utilise dans son acception élargie et inclut la bibliothéconomie et la documentation.

Depuis les années 70, les professeurs américains ont dû résoudre plusieurs questions: Comment enseigner cette nouvelle science de l'information ? Comment intégrer la théorie et la pratique, la psychologie et la technologie ? Comment élargir la connaissance scientifique des élèves-bibliothécaires sans perdre de vue le fondement humaniste de notre métier ?

Chez nous comme en Grande-Bretagne, il n'y a pas de consensus. En effet, nous traversons une période de réflexion et de transition.

La plupart de mes collègues souhaitent éviter une scission entre bibliothéconomie et science de l'information, mais il est très difficile, par ailleurs, d'aborder les disciplines nouvelles et de faire connaître les possibilités de la technologie moderne dans un enseignement sur une seule année, sans sacrifier des éléments traditionnels de notre métier. Et il est encore plus difficile de préparer les bibliothécaires pour leur travail futur quand les rythmes des changements sociaux, économiques et technologiques sont rapides et parfois imprévus.

Un rapport publié par le Docteur Ralf Connant en 1980 suggère quelques réformes du système de formation des bibliothécaires afin de faire face aux problèmes soulevés aujourd'hui. Quatre des recommandations de ce rapport sont particulièrement intéressantes :
- d'abord une collaboration plus étroite entre les écoles et le monde du travail et entre les professeurs et les bibliothécaires praticiens,
- la création pour les écoles d'un système cohérent de formation permanente afin d'anticiper sur l'évolution du monde du travail et le besoin de recyclage,
- le développement des possibilités de spécialisation au niveau de la maîtrise et des diplômes d'études avancées (post graduate certificate-course).
- la réforme du programme de MLS qui devrait prévoir une année consacrée aux connaissances de base dans les domaines traditionnels et nouveaux et une deuxième année consacrée aux cours de spécialisation et à un stage dans une bibliothèque.

Aux Etats-Unis, il est généralement admis dans la profession que la formation à la maîtrise en une année n'est plus adaptée. Trois écoles ont déjà adopté un programme comprenant deux années de scolarité, mais il y a beaucoup d'écoles qui hésitent à cause des difficultés financières auxquelles sont confrontées les universités. Personnellement, je pense que ce mouvement vers un programme élargi et enrichi sera lent et difficile mais inéluctable.

Dès les années 70 nous avons essayé de diminuer le nombre de cours obligatoires, mais en continuant dans cette direction nous risquons de perdre de vue notre identité professionnelle, notre mission de préserver le savoir du passé en même temps que nous diffusons les publications les plus récentes aux chercheurs qui bâtiront l'avenir.

Pour moi, quatre lignes d'un poète anglo-américain T.S. Eliot expriment l'essence de notre métier :

Ici l'union impossible

Des sphères de la vie est réalisée

Ici le passé et l'avenir

Sont vaincus et se sont réconciliés.

  1. (retour)↑  Exposé présenté à la Journée de réflexion de l'ENSB sur la formation professionnelle (27 avril 1983) par Mary Maack, professeur de bibliothéconomie à l'Université de Minneapolis.
    Une autre intervention, celle de Jacques Cordonier concernant la formation des bibliothécaires suisses, a déjà été publiée dans le Bulletin des bibliothèques de France, 1983, n° 6.
  2. (retour)↑  Exposé présenté à la Journée de réflexion de l'ENSB sur la formation professionnelle (27 avril 1983) par Mary Maack, professeur de bibliothéconomie à l'Université de Minneapolis.
    Une autre intervention, celle de Jacques Cordonier concernant la formation des bibliothécaires suisses, a déjà été publiée dans le Bulletin des bibliothèques de France, 1983, n° 6.
  3. (retour)↑  Benjamin WHITTEN, Christiane LAUDE, La Formation des bibliothécaires et documentalistes aux Etats-Unis, dans : Documentaliste, vol. 20, n° 1, janvier-février 1983, P. 26.
  4. (retour)↑  Cf. ALA World encyclopaedia oflibrary and information services, Chicago, 1980, p. 322. - Cité par Benjamin WHITTEN, Christiane LAUDE, op. cit., p. 26.
  5. (retour)↑  Library education and manpower ALA policy proposal, dans : American libraries, avril 1970, p. 341-345.
  6. (retour)↑  Benjamin WHITTEN, Christiane LAUDE, op. cit., p. 25.
  7. (retour)↑  Données extraites de Occupation outlook Handbook : 1980-1981, US Bureau of labor statistics. - Cité par Benjamin WHITTEN, Christiane LAUDE, op. cit., p. 25.
  8. (retour)↑  Instructions de l'ALA Committee on accreditation, dans : ALA World encyclopaedia of library and information services, Chicago, 1980, p. 322. - Cité par Benjamin WHITTEN, Chnstiane LAUDE, op. cit., p. 26.