Le livre et l'imprimerie en Extrême-Orient et en Inde

Colloque organisé les 9, 10 et 11 mars 1983 par l'Institut d'étude du livre, l'Institut de recherche et d'histoire des textes et la Direction du livre et de la lecture

Annie Le Saux

Le livre manuscrit, en Extrême-Orient, avant même l'utilisation du papier, avait pour support le bois ou le bambou. Le bois était utilisé pour les textes officiels et les lettres, le bambou pour les textes littéraires. La soie, d'un coût plus élevé, était appréciée pour sa légèreté et sa facilité à reproduire des illustrations et des cartes.

Tout comme les supports, la forme des textes en rouleau, en livret en cahiers ou en livret oblong en accordéon, varie suivant les types de textes ainsi que suivant les époques.

Autre changement, les caractères gravés, fixes, en pierre ou en bois, ont été remplacés petit à petit par des caractères mobiles métalliques, en fer, plomb, étain, cuivre, ou en matériaux tels que le bois, la terre glaise, la céramique. L'imprimerie à caractères mobiles, d'origine coréenne, concurrença au Japon la xylographie. Le choix du bois, dans la composition des caractères, n'avait pas la même finalité que celle du cuivre : l'impression de journaux se faisait à l'aide de caractères mobiles en bois, alors que les éditions impériales, d'une grande recherche typographique, étaient réalisées en caractères mobiles en cuivre. Au Musée Guimet, à Paris, on peut voir un millier de petits cubes de bois ayant servi à imprimer des textes en ouïgour, langue turque, datés du XIIIe ou du XIVe S.

Ce n'est que lentement que la technique de la xylographie réussit à supplanter les autres techniques de reproduction de l'écrit.

Les débuts de la xylographie sont difficiles à fixer dans le temps. Les premières mentions écrites de l'existence de textes imprimés en Chine, au Japon, ou en Inde ne suffisent pas aux historiens pour dater d'une façon scientifique l'impression de tel ou tel écrit.

En Chine, la 1re mention relative à un texte xylographié date du IXe s. Cependant, au Japon, l'existence de xylographes conservés dans de petits stûpa en bois parvenus jusqu'à nos jours, datés de la fin du VIIIe s., implique que la xylographie a dû naître en Chine, au plus tard dans la première moitié du VIIIe s. Il semblerait que les Coréens aient connu la technique de la xylographie dès le VIe s. Il est certain que cette technique a été utilisée par eux au VIIIee s. Au Vietnam, des éditions xylographiques de livres bouddhiques sont mentionnées dès le XIIIe s., mais la première impression existante ne date que de la fin du XVIIe s.

Très tôt, la xylographie a permis l'impression d'images bouddhiques. Le plus ancien livre chinois imprimé, parvenu jusqu'à nos jours et conservé à Londres, est illustré. Les illustrations étaient gravées soit sur la même planche que le texte, soit sur une planche indépendante. Textes bouddhiques, vies d'hommes célèbres, ouvrages techniques et scientifiques, littérature populaire de l'époque comportaient des illustrations confiées le plus souvent à des artistes de renom. A partir du XVIIe s. et jusqu'à nos jours, le livre d'art bénéficia de la technique d'impression xylographique en couleurs.

Face au développement du nombre des lecteurs, des éditeurs commerciaux firent leur apparition et eurent également recours à la xylographie qui, malgré son coût élevé, facilita l'impression et la réimpression à grand tirage.

Bien que le commerce du livre en Extrême-Orient soit une activité diffuse, difficile à cerner car des informations à ce sujet ne figurent que rarement sur les documents, dès le IXe s., en Chine est attestée l'existence d'un commerce du livre. Du xe au XVIII s., les éditions de livres se divisent en trois catégories :
- Les éditions officielles
- Les éditions privées qui sont souvent l'œuvre de bibliophiles et de mécènes. Leur goût des livres rares, leur compétence ont fait de leurs fonds la source la plus sûre des archives de l'État. De milieu élevé ou d'origine modeste, certains d'entre eux éditèrent eux-mêmes tout d'abord les ouvrages classiques puis des ouvrages d'histoire, de philosophie et de littérature.
- Les éditions commerciales ou des libraires, qui s'occupent de la diffusion de masse, de livres usuels, de manuels de lecture. Ils maintiennent bas les coûts et ne s'attachent pas à la qualité. La diffusion passe par des librairies urbaines, des courtiers parcourant le pays ou des échopes louant des livres.

Face au développement de l'édition naquit le problème des faux, des copies et des malfaçons. La xylographie permettait de reproduire des copies très proches de l'original, ce qui amena une certaine confusion dans la bibliographie en Extrême-Orient. Même lorsque l'imprimeur n'avait pas l'intention de faire un faux, un libraire peu scrupuleux pouvait aisément faire passer une copie pour un original, soit en supprimant des préfaces, des colophons ou des sceaux, soit en les remplaçant par des faux. Et il pouvait arriver qu'un travail médiocre soit attribué à tort à un auteur célèbre, et qu'une origine honorable soit fournie à un texte de peu de valeur.

La genèse et le développement de l'orientalisme en France et les débuts du Cabinet des poinçons ont clôturé ce colloque sur le livre et l'imprimerie en Extrême-Orient et en Inde, dont les communications, animées par des spécialistes français et étrangers, sont actuellement en cours de publication.