La télématique des autres

les expériences de vidéotex en Europe

par Roland Bertrand

Serge Gauthronet

préf. de François Régis Hutin. - La Documentation française, 1982. - 164 p. ; 24 cm. - (Information et société ; 13.)
ISBN 2-11-000879-2 : 50 F.

A l'heure où se manifeste un foisonnement d'expériences de systèmes vidéotex à travers le monde, il était souhaitable de disposer d'un exposé comparatif sur ces systèmes quant à leurs fonctionnalités ainsi qu'à leurs finalités.

L'âpreté et la vigueur des débats menés en France autour de l'introduction (hâtive ?) de la télématique - un marché potentiel de 30 millions de terminaux est à l'horizon 1990 - rendait indispensable la publication des bilans des opérations menées à ce jour par les différents partenaires de ces expériences.

Ces informations sont maintenant disponibles dans l'ouvrage de Serge Gauthronet qui a choisi de présenter et d'analyser les expériences réalisées par quatre pays européens qui sont la Grande-Bretagne, l'Allemagne fédérale, la Suède et la Finlande et dont les stratégies propres sont suffisamment diversifiées pour que nous puissions passer en revue les multiples facettes des problèmes soulevés.

Analysant tout d'abord les conditions socio-économiques qui ont présidé à la naissance de ces expériences, ce livre indique clairement que les administrations des télécommunications concernées ont été amenées à élaborer des stratégies de rentabilisation et de diversification d'un marché téléphonique en voie de saturation. Il apparaît aussi qu'elles ont été rapidement confrontées à la nécessité de se proclamer « simple transporteur » d'informations pour faire face aux critiques les accusant d'altérer la nature et le contenu de celles-ci. La neutralité de la technique est en effet souvent utilisée comme paravent à ce qui relève en fait de la politique de l'information.

Les systèmes vidéotex de la Grande-Bretagne (PRESTEL), de l'Allemagne (BILD-SCHIRMTEXT), de la Finlande (TELSET) et de la Suède (DATAVISION) sont ensuite successivement abordés. Des tableaux statistiques relatifs tant au media, qu'à ses utilisateurs contribuent à situer ces expériences dans leur environnement et à évaluer l'état de leur avancement. On y trouve aussi, utilement rassemblées, des données sur les autres expériences en cours dans le monde dont les plus significatives sont celles du Japon (CAPTAIN) et du Canada (TELIDON). A noter que les Américains sont en retard en matière de vidéotex public.

En Europe, seules la Grande-Bretagne et la Finlande ont franchi le pas de la commercialisation du produit. Leur expérience nous intéresse donc au tout premier chef.

Le projet allemand s'inscrit dans une problématique proche de celle de la France, tandis que le projet suédois, au contraire, présente l'intérêt d'un développement très récent ayant en partie intégré les acquis des expériences étrangères. Il est enfin intéressant de découvrir que la France (TELETEL) se tourne largement vers le grand public alors que ses homologues ont abandonné le marché (PRESTEL) ou ébauchent à peine leur réflexion.

Sont ensuite abordés les rapports entre l'outil et les fournisseurs d'informations et notamment avec la presse qui est la plus sensibilisée par ces expériences nouvelles. Il n'existe pas de réponse unique de la presse dont les réactions vont de la participation active (Finlande) au combat défensif acharné (presse régionale en France). L'auteur ne décèle pas un réel intérêt pour les journaux électroniques qu'il juge structurellement trop rigides.

L'analyse de l'aspect politique du débat concernant le contrôle institutionnel des projets vidéotex révèle de manière assez surprenante qu'à l'instar de la presse, aucune stratégie commune ne peut être dégagée. Les causes de cette disparité sont exposées par l'auteur. Apparaît ainsi un balancement entre le vide juridique complet et le contrôle total et conséquemment, une prise en mains par les professionnels de la technique ou par la sphère politique.

L'intérêt de la comparaison des bilans de ces quatre systèmes européens est indéniable. Tout au plus peut-on regretter l'absence de réflexion sur l'impact du vidéotex dans l'éducation. Un autre aspect de cet ouvrage mérite cependant de retenir l'attention : il s'agit de la volonté de Serge Gauthronet de s'inscrire dans une perspective sociologique pour analyser la fréquente inadéquation des nouvelles techniques à leur utilisation sociale en regard du modèle culturel dominant de notre société. Il nous convie à la concertation et à la transparence pour, comme il l'écrit lui-même « éviter à la société d'entrer dans son futur à reculons ».