L'islam en Éthiopie des origines au XVIe siècle

par Paule Brasseur

Joseph Cuoq

Nouvelles éditions latines, 1981. - 287 p. ; 22 cm.

Cet ouvrage, à l'érudition si solide, comme tous les travaux de son auteur, étudie un fragment d'histoire particulièrement obscur.

Il se divise en deux parties. Après un rappel des liens étroits qui unissaient l'Abyssinie et l'Arabie du Sud, la première envisage les débuts de l'expansion musulmane dont les côtes de la corne de l'Afrique furent les lieux privilégiés, notamment les îles : Dahlak, Zaila, puis Mogadiscio, qui servirent de têtes de pont. Nous sommes renseignés par Ibn Battûta qui s'y rendit en 1330. A la différence de ce qui se passa en Méditerranée, cette expansion fut pacifique ; motivée par les besoins économiques des Somali, notamment la nomadisation, elle fut facilitée par l'effondrement de la puissance éthiopienne. La dynastie des Zagwe (1135-1270), dont le roi le plus célèbre fut Lalibela, dut rendre le pouvoir aux Salomonides, non sans avoir arrêté cette décadence. Mais outre les îles, la menace essentielle venait d'une poussée en provenance du sud-est.

Dans la première moitié du XIVe siècle, le royaume chrétien d'Éthiopie fut étroitement limité aux hauts plateaux du Tigré, de l'Amahara et du Godjam. Les guerres d'Amda Syôn (1314-1344) desserrèrent l'étreinte. Par ailleurs, l'empire éthiopien entretenait des relations de plus en plus difficiles avec l'Égypte pour des raisons religieuses et cherchait à nouer des liens avec l'Occident pour lutter contre l'encerclement des musulmans (ambassades diverses, concile de Florence de 1438 à 1445, missionnaires et voyageurs venus d'Europe). Parallèlement à la lutte de la croix et du croissant en Méditerranée, Portugais et Turcs s'affrontaient en Mer Rouge.

A partir de 1529 et jusqu'en 1543 - et c'est la deuxième partie -, l'imàm Ahmad Grañ ravagea l'Éthiopie en tentant de la soumettre au joug de l'islam. Cette histoire est bien connue, mais a généralement été étudiée du point de vue éthiopien. J. Cuoq l'envisage du côté du conquérant musulman et de ses compagnons, plutôt que du negus Lebna-Dengel qui fut le symbole pendant trente ans de la résistance chrétienne. En 1541, quelques mois après sa mort, les Portugais qu'il avait appelés au secours débarquèrent à Massawa, mais furent défaits dans le Tigré. La mort du Grañ en 1543 fut le signal de la débandade de ses troupes, probablement lasses de la guerre et de la résistance du peuple abyssin, et de l'effondrement quasi immédiat de son empire. Les derniers fidèles regroupés dans la région de Harar autour de l'émir Nur, d'abord victorieux, furent victimes d'une terrible famine en 1567-68, année de la mort de Nur, qui marque l'échec définitif des musulmans face au royaume du Prêtre Jean.

Faisant appel à des sources très variées et notamment arabes, le livre de J. Cuoq ne modifie pas fondamentalement nos connaissances sur ces mille ans d'histoire éthiopienne, mais apporte un éclairage plus appuyé sur le rôle de l'islam, à la fois jihad et continuité d'un balancement entre les versants africain et asiatique de la Mer rouge.