Note sur les actions de la Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique en matière d'informatisation des bibliothèques universitaires
Introduction
Les bibliothèques universitaires françaises utilisent encore des procédures essentiellement manuelles pour la gestion de leurs fonds documentaires. Cette situation est de plus en plus préjudiciable à leurs différents utilisateurs et aux bibliothèques elles-mêmes (répétition de tâches fastidieuses, accès de plus en plus difficile aux documents possédés par les bibliothèques et insuffisamment répertoriés).
Pour des raisons diverses, les BU françaises accusent un important retard en matière d'informatisation par rapport à leurs homologues étrangères. En effet, elles ne connaissent encore l'informatisation que sous deux aspects, certes très utiles, mais aussi très limités :
- la participation à un ou plusieurs catalogues collectifs de périodiques : AGAPE (Application de la gestion automatisée aux périodiques), CPI (Catalogue collectif de périodiques informatisé) ou IPPEC (Inventaire permanent des périodiques étrangers en cours) ; la Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique (DBMIST) développe actuellement un projet d'unification de ces différents catalogues collectifs qui se sont créés et développés indépendamment et sans concertation ;
- l'implantation de terminaux permettant la recherche documentaire automatisée sur les bases et banques de données françaises et étrangères ; mais la recherche documentaire automatisée n'est que la modernisation de la recherche bibliographique manuelle et ne représente donc qu'un aspect particulier et très limité de l'informatisation des bibliothèques.
Un système informatisé de bibliothèque inclut l'ensemble des tâches de gestion bibliothéconomique des fonds documentaires (commandes, acquisitions, catalogage, circulation des documents et suivi statistique des différentes transactions). Il permet un traitement plus efficace de ces tâches et notamment :
- évite la répétition des tâches fastidieuses (par exemple, disparition du travail de duplication et d'intercalation des fiches) ;
- offre un accès généralisé et facilité aux catalogues de la bibliothèque ;
- permet une circulation accélérée et mieux contrôlée des documents et une gestion du prêt local plus efficace ;
- enfin et surtout, autorisera le catalogage partagé et offrira un prêt entre bibliothèques beaucoup plus développé, notamment si l'informatisation des bibliothèques est conçue dans la perspective d'un réseau de coopération et de partage des ressources.
Face à cette situation, la DBMIST a élaboré un plan d'informatisation des bibliothèques universitaires qui permette de mettre rapidement à leur disposition un système opérationnel répondant à l'ensemble des besoins.
Etant donné le retard déjà accumulé, il ne pouvait être question de refaire une étude globale pour concevoir le système idéal, mais il était au contraire nécessaire de partir des réalisations existantes, nombreuses à l'étranger, et de choisir celle(s) qui répondrai(en)t le mieux à la demande actuelle.
Après étude de l'existant (Europe, États-Unis, Canada), la DBMIST a articulé ses projets d'informatisation sur trois pôles.
I - Le choix du logiciel MEDICIS
Ce logiciel conçu par un bibliothécaire français, Michel Boisset, directeur de la bibliothèque de l'Institut universitaire européen situé à Florence, est d'une conception moderne sur les plans bibliothéconomie et informatique. Il reprend et développe les réflexions menées par un groupe de bibliothécaires français dans les années 1970 pour le projet CAPAR (catalogue partagé).
I.1 - Plan bibliothéconomique
- C'est un système intégré articulant autour de quelques fichiers (les documents, les « partenaires » : bibliothécaires, fournisseurs, lecteurs de bibliothèques, etc.) l'ensemble des fonctions d'une bibliothèque : gestion des commandes, acquisitions, bulletinage (gestion de l'arrivée des fascicules de périodiques), catalogage et circulation des documents. C'est un des rares systèmes existants (avec ILS : Integrated Library System, développé par la National Library of medicine, USA) qui présente une approche globale des fonctions à informatiser dans une bibliothèque.
- Les dialogues du système sont fondés sur les méthodes de travail manuelles des bibliothécaires (notamment catalogage respectant l'application française des normes internationales ISBD ou description bibliographique internationale normalisée) alors que la plupart des systèmes existants introduisent des notions très différentes (format et codification sophistiquée des données bibliographiques) impliquant une formation lourde au système.
- Le système MEDICIS est fondamentalement conçu en vue de la coopération entre bibliothèques (partage du catalogage, prêt interbibliothèque, coordination des acquisitions).
I.2 - Plan informatique
- Le système MEDICIS est de conception informatique avancée :
. il utilise un système de gestion de base de données moderne de type CODASYL (TEMIS développé par la société TITN), ce qui le rend très modulaire et évolutif ;
. il est totalement conversationnel ;
. l'architecture du réseau repose sur un concept de base de données répartie, qui permet toutes les fonctions de communication et de partage des ressources nécessaires à la coopération, tout en évitant la centralisation des fonctions de gestion locale, garantissant ainsi une disponibilité maximale pour chaque bibliothèque.
- Le système MEDICIS fonctionne sur la gamme MITRA de la société SEMS. Un projet d'implantation de TEMIS sur MINI 6 est actuellement à l'étude.
I.3 - État actuel et développements prévus
- Le système actuel (version 0) est opérationnel à la bibliothèque de l'Institut de Florence, mais n'est pas généralisable en l'état : manque de documentation, messages en italien, fonctions à compléter, maintenabilité insuffisante.
- La bibliothèque du futur musée national des sciences et de l'industrie du Parc de la Villette ayant choisi d'utiliser le même système pour son informatisation, il a été décidé une industrialisation conjointe de ce logiciel en France par une société de services et de conseil informatique pour qu'il soit maintenable et diffusable avec les meilleures garanties de fonctionnement.
- La documentation (spécifications fonctionnelles) pour la version 1 (version française) est en cours d'achèvement.
- Une première implantation pilote est prévue par la DBMIST à l'automne 1982 à la bibliothèque universitaire du campus scientifique d'Orsay.
- La DBMIST prévoit d'implanter ensuite progressivement ce logiciel dans différentes bibliothèques universitaires à partir de 1983.
- Les développements futurs concerneront, d'abord, des compléments à apporter à la version 1 (interrogation du catalogue par les lecteurs, nouvelles transactions, utilisation du crayon optique pour la circulation des documents, etc.) qui sera donc remplacée par une version 2 puis la mise au point d'une version 3 qui mettra en œuvre le fonctionnement en réseau (dialogue entre machines).
- La transposition du logiciel MEDICIS sur d'autres matériels est envisagée, notamment par la Bibliothèque nationale italienne de Florence sur DPS 7.
II - Le choix du logiciel SIBIL
Il n'a pas paru souhaitable à la DBMIST d'orienter toute son action en matière d'informatisation sur un seul logiciel n'ayant pas encore été exploité en dehors du site où il a été conçu. En conséquence, la DBMIST a également décidé de mener une expérience pilote d'implantation d'un système de conception plus classique, utilisant un ordinateur centralisé, mais qui présente l'avantage d'avoir été rôdé sur plusieurs sites : le système SIBIL développé par la bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.
II.1 - Plan bibliothéconomique
- Parmi les systèmes de ce type (fonctionnement sur des ordinateurs puissants et centralisés), le système SIBIL est certainement mieux adapté au contexte français :
. le format de structuration des données bibliographiques est très proche du format utilisé par la Bibliothèque nationale de Paris,
. l'ensemble des dialogues est en français, ainsi que toute la documentation existante (dont un ouvrage complet sur le système).
- Le système est de conception plus traditionnelle : intégration relative des fonctions par rapport aux fichiers (acquisitions, catalogage et prêt).
- L'équipe de la bibliothèque cantonale et universitaire connaît bien les problèmes des bibliothèques universitaires : le système SIBIL a été développé dans un contexte de collaboration très concrète entre bibliothécaires et informaticiens.
- Plusieurs responsables de bibliothèques universitaires françaises ont eu l'occasion de suivre des présentations du système SIBIL et un rapport favorable à l'utilisation de ce système avait été rédigé en 1980.
II.2 - Plan informatique
- Le système SIBIL fonctionne sur un ordinateur IBM 4341.
- La conception du logiciel est plus ancienne que celle de MEDICIS et ne repose pas sur l'utilisation d'un système de gestion de base de données.
- Le système met en œuvre un nombre important de traitements en différé et, jusqu'à ses plus récents développements actuellement en cours, n'était véritablement conversationnel que pour la gestion des achats et le prêt des documents.
II.3 - État actuel et développements futurs
- Une première implantation de SIBIL est prévue par la DBMIST sur le Centre national universitaire Sud de calcul (CNUSC) pour la BIU de Montpellier en 1982. Équipé de matériel IBM, le Centre dispose de la configuration nécessaire pour cette implantation.
- Il est envisagé de l'étendre ensuite aux BIU de Bordeaux et éventuellement de Toulouse, en reliant ces bibliothèques au CNUSC.
- La bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne poursuit le développement de SIBIL et offrira prochainement le catalogage en conversationnel et ultérieurement l'interrogation du catalogage en ligne par les lecteurs, puis la fonction du bulletinage.
- Parallèlement, elle étudie le fonctionnement de SIBIL au sein d'un réseau (projet REBUS).
III - L'utilisation de micro-ordinateurs dans les bibliothèques
La généralisation d'un système tel que MEDICIS ou SIBIL s'échelonnera sur plusieurs années (problème de coût, de formation du personnel et de charge de travail pour la mise en place, d'organisation et d'état d'esprit des BU pour recevoir un système global d'informatisation). C'est pourquoi, parallèlement à l'utilisation des systèmes MEDICIS et SIBIL, la DBMIST a décidé d'offrir aux BU des solutions complémentaires, transitoires et modulaires. Ainsi, le développement d'applications limitées et autonomes (saisie du catalogage, système de gestion locale du prêt ou encore du bulletinage) est à l'étude et a pour but :
- de répondre à des besoins ponctuels urgents (saisie et reproduction facilitée des fiches de catalogue, gestion plus efficace du prêt, etc.),
- d'introduire l'informatique « en douceur» dans les BU en permettant l'apprentissage de l'utilisation de l'outil informatique sans présenter la complexité d'implantation d'un système intégré,
- de préserver l'avenir en offrant des systèmes permettant le stockage de l'information pour son chargement ultérieur sous MEDICIS ou SIBIL.
Ces systèmes ne sont donc pas concurrents des systèmes tels que MEDICIS ou SIBIL permettant la gestion de fichiers volumineux (de 100 000 à 2 millions de références bibliographiques), mais peuvent apporter une aide précieuse aux BU sous forme de systèmes autonomes, limités, plus proches de la bureaucratique que de l'informatique classique.
Le premier projet en cours (spécifications fonctionnelles rédigées) concerne la saisie du catalogage et le système devra assurer à la fois la production des différentes fiches nécessaires aux bibliothèques et le stockage de cette information selon un format d'échange de données bibliographiques permettant une récupération ultérieure sur un système plus puissant. A terme, les micro-ordinateurs disposant de ce programme de saisie pourront éventuellement être utilisés en périphérie des systèmes intégrés (notamment MEDICIS) comme terminaux « intelligents » (par exemple, fonction de saisie et de contrôle syntaxique du catalogage). La réalisation de ce premier logiciel sur micro-ordinateur est prévue pour l'automne 1982.
Conclusion
La DBMIST prépare donc l'implantation de deux systèmes similaires, mais de générations et de conceptions différentes. Cela permettra de maîtriser les deux approches en matière d'informatisation des bibliothèques : l'approche centralisée et l'approche répartie. Le problème de l'interconnexion future de ces deux systèmes sur le plan national se posera. Mais, quoi qu'il en soit, cette interconnexion devra être étudiée également sur le plan européen et les concepteurs de ces deux systèmes, Michel Boisset et Pierre Gavin, ont toujours fixé ce but dans leurs projets. Enfin, la mise en place rapide d'un système plus limité sur micro-ordinateur répond également à de nombreuses demandes ponctuelles tout en s'insérant de manière cohérente dans les projets futurs où l'informatique répartie et la connexion des réseaux joueront un grand rôle.