Rapport sur un stage à la cartothèque de la Bibliothèque du Congrès, Washington D.C.

Edwige Archier

Les acquisitions de la plus grande cartothèque du monde sont remarquables par leur volume d'accroissement et par la variété des sources d'enrichissement. Le catalogage automatisé des cartes ne porte que sur les cartes isolées. Les cartes en séries, qui constituent les 9/10 des entrées, sont contrôlées manuellement sur des listes ou des tableaux d'assemblage

The acquisition program of the largest map library in the world is mostly interesting for its size of increase and the variety of its sources of map procurement. The automated system of cataloguing for maps uses the Marc format and only controls single-sheet maps. The series, which represent 9/10 of the accessions, are checked manually on lists or sheet-indexes

Le but de mon stage de trois semaines, en octobre 1980, à la cartothèque (Geography and map division) de la Bibliothèque du Congrès était d'étudier le service des acquisitions et celui du catalogage.

La cartothèque qui inaugurait au printemps 1980 de nouveaux locaux dans le James Madison Memorial Building, situé à Washington D.C., sur la colline du Capitole, abrite la collection de cartes la plus importante au monde. Elle compte plus de 3,5 millions de cartes, 40 000 atlas, 250 globes, 2 000 plans et cartes en relief et elle emploie 38 personnes.

Le service des acquisitions

Si l'on examine le volume des accroissements de la cartothèque, on constate une progression très rapide des chiffres après la deuxième guerre mondiale. Plus récemment, de 1965 à 1970, l'augmentation annuelle a dépassé les 100 000 entrées, avec une pointe de 200 000 en 1967 ; elle semble se stabiliser aujourd'hui autour de 70 000.

Ces chiffres énormes s'expliquent par le bond en avant, depuis 30 ans, de la production cartographique mondiale, mais aussi, par une politique d'acquisition qui a les moyens d'assurer l'enrichissement courant, le plus complet possible, d'une collection de documents cartographiques surtout modernes. Pour appiliquer cette politique ambitieuse, le service des acquisitions ne comprend que trois personnes - un chef de section, un bibliothécaire et un technicien -soutenues, comme nous le verrons plus loin, par une aide officielle très efficace.

Les sources d'acquisition sont variées, et à mon grand étonnement, les bibliothécaires semblent dédaigner la plupart des instruments de sélection (ou de pénurie) que l'on utilise dans les grandes cartothèques européennes. Comme le remarquait en plaisantant le chef de section : les documents sont reçus à la Bibliothèque du Congrès, bien avant d'être signalés dans les bibliographies spécialisées.

Les sources d'acquisition

Le copyright

Tout document publié avec notification du copyright doit être déposé en deux exemplaires au Copyright Office de la Bibliothèque du Congrès. Le matériel cartographique est décrit dans The Catalog of copyright entries, third series, part 6, maps and atlases. A partir de cette publication, le service des acquisitions de la cartothèque sélectionne les documents qui entreront dans les collections : il peut par exemple rejeter des plans de villes publicitaires, dans la mesure où des plans de meilleure qualité existent par ailleurs, ou retenir des documents à titre de modèles cartographiques.

D'octobre 1979 à septembre 1980, 2 523 atlas et cartes ont été acquis par le copyright, qui est la source principale pour les documents édités aux États-Unis par des firmes commerciales privées.

Le dépôt des publications officielles

La Bibliothèque du Congrès reçoit automatiquement le dépôt de toutes les publications officielles. D'octobre 1979 à septembre 1980, 17 490 atlas et cartes sont ainsi entrés à la cartothèque. En tête des déposants sont le Geological Survey et la Defense Mapping Agency.

Les transferts

De par la loi, les bibliothèques des services officiels sont tenues de verser à la Bibliothèque du Congrès tous les documents dont elles n'ont plus l'utilité. En 1976, le transfert de la collection Hauslab-Liechtenstein appartenant à l'US Air Force permit à la cartothèque de la Bibliothèque du Congrès un enrichissement de plus de 9 600 cartes manuscrites et gravées, de la fin du 16° siècle à la fin du 19e.

D'octobre 1979 à septembre 1980, les transferts ont porté sur 10 759 atlas et cartes.

Les dons

Même s'ils ne représentent qu'une faible partie des entrées, les dons sont vivement appréciés dans la mesure où ils comblent des lacunes dans les collections surtout anciennes. D'octobre 1979 à septembre 1980, plus de 2 000 atlas et cartes ont été donnés à la cartothèque.

Les échanges internationaux

Les échanges internationaux qui assurent près du tiers des entrées de la cartothèque, constituent pour les documents étrangers modernes la source d'accroissement la plus importante. Ils sont coordonnés par l'IMPAC (Interagency Map and Publications Acquisitions Committee), fondé en 1946 par la Bibliothèque du Congrès et le Département d'État, pour établir les échanges internationaux et nouer de nouveaux contacts. L'IMPAC comprend aussi des agents d'autres services officiels : Geological Survey, Bureau of the Census, National Ocean Survey, Department of Agriculture et Department of Defense. L'IMPAC est représenté à l'étranger par des attachés géographes qui sont chargés par grandes zones géographiques : Europe, Asie, Afrique, Amérique latine, de négocier des échanges ou de faire des achats.

D'octobre 1979 à septembre 1980, la cartothèque de la Bibliothèque du Congrès a reçu, grâce aux échanges internationaux, 18 182 documents cartographiques.

Les achats

Les achats sont une source d'accroissement beaucoup moins volumineuse que les dépôts, les transferts ou les échanges internationaux.

Les commandes de la cartothèque sont envoyées à l'Order Division de la Bibliothèque du Congrès qui a la responsabilité de les faire exécuter et de les contrôler. Sur un budget total d'acquisition de 5 596 613 dollars, l'Order Division a dépensé, de septembre 1979 à septembre 1980, 33 101,84 dollars pour l'achat de 5 771 documents cartographiques courants, et 9 424,69 dollars pour l'achat de 39 documents exceptionnels.

Les documents cartographiques sont achetés dans le cadre du NPAC (National Program for Acquisitions and Cataloging) dans plus de cent pays. Il arrive aussi que la Bibliothèque du Congrès envoie à l'étranger des représentants officiels pour faire des achats sur place. Mais la plupart des cartes éditées par les services officiels étrangers sont acquises par les représentants de l'IMPAC, dont nous avons déjà parlé. Enfin, les cartes et les atlas peuvent être achetés directement auprès des firmes commerciales, des antiquaires ou des particuliers.

Le service de catalogage

Cette énorme masse documentaire est traitée par le service de catalogage qui emploie 23 personnes, auxquelles s'ajoutent pendant les vacances universitaires des étudiants plus spécialement chargés de faire des tris.

D'emblée, il convient de faire une distinction entre le traitement des cartes en séries et celui des cartes isolées. Les cartes en séries, qui constituent les 9/10 des entrées, sont triées, répertoriées manuellement soit par un cochage sur tableaux d'assemblage, soit par l'établissement de listes, puis elles sont classées et rangées en magasin. Les cartes isolées et les atlas font l'objet d'un traitement beaucoup plus sophistiqué, lié à la mise en route, depuis 1968, du catalogage automatisé (MARC system). Or, ce sont justement les cartes en séries dont le volume implique un travail de contrôle et d'enregistrement fastidieux et répétitif, qui auraient dû faire l'objet, me semble-t-il, en priorité, d'un programme d'automatisation.

Le catalogage automatisé

Le programme d'automatisation de la cartothèque de la Bibliothèque du Congrès a été établi selon les grandes lignes suivantes :
- Les règles de catalogage appliquées aux documents cartographiques doivent être conformes aux règles de description employées à la Bibliothèque du Congrès pour les monographies et les séries.
- Le système automatisé de la cartothèque doit être compatible avec celui utilisé dans le reste de la Bibliothèque.
- Le système doit être suffisamment souple pour répondre aux besoins de la Bibliothèque du Congrès et des autres bibliothèques américaines et il doit être capable de stocker et de diffuser les données bibliographiques enregistrées, sous forme de listes, de fiches ou de bandes magnétiques.

En octobre 1980, l'ensemble des bandes MARC contenait 780 000 notices d'ouvrages et 60 000 notices de cartes et atlas. Ces dernières sont enregistrées, depuis 1968, au rythme de 5 à 6 000 entrées par an, limitées aux nouvelles acquisitions. Si l'on ajoute que jusqu'à la mise en place du système MARC, aucun travail de catalogage n'était effectué, sauf pour les cartes de la réserve et les atlas, on s'aperçoit que les collections ne sont réellement contrôlées que pour une toute petite partie.

Le catalogage automatisé d'une carte : déroulement des opérations

L'équipe de catalogage proprement dite comprend 11 bibliothécaires : 8 traitent les cartes isolées, les 3 autres les atlas. La répartition du travail se fait selon les compétences linguistiques de chacun.

Pour chaque carte à traiter, le catalogueur assure le catalogage descriptif et le catalogage matière. Au préalable, il cote le document en utilisant la classe G de la classification de la Bibliothèque du Congrès. Il s'agit d'un système alphanumérique qui indique, par un nombre, l'aire géographique du document traité, par un code combinant des nombres et des lettres, le sujet de la carte et son auteur ; le tout étant complété par la date de publication. Puis, le catalogueur attribue au document un numéro de contrôle (Map control number) qui permettra de faire, en machine, un grand nombre d'opérations : recherches, établissement des listes, commandes de fiches, etc. Ensuite, il remplit un bordereau de catalogage en appliquant des règles qui nous sont familières, puisqu'elles suivent les principes de l'ISBD. Mais contrairement aux usages de la plupart des cartothèques qui construisent pour l'entrée principale une vedette géographique, la cartothèque de la Bibliothèque du Congrès établit une vedette auteur. Le caractère inhabituel de cette démarche intellectuelle appliquée à une carte de géographie, est gommé par l'automatisation qui permet la réversibilité des différentes vedettes choisies pour un même document.

Les fichiers d'autorité

La vérification de 'la vedette auteur et éventuellement la création d'une nouvelle vedette est une opération extrêmement longue. A la cartothèque, le catalogueur dispose de 2 fichiers d'autorité :
- un fichier manuel qui double une partie du fichier central de la Bibliothèque du Congrès, où sont intercalées des notices bibliographiques et des notices d'autorités ;
- un fichier automatisé qui doit remplacer ce fichier manuel, en 1981. Il contient les notices enregistrées par MARC.

L'US Board on Geographic Names

Dans ces fichiers d'autorité, je mentionnerai plus particullièrement les noms géographiques qui sont utilisés pour la construction des collectivités-auteurs et pour les mots-matières. C'est un organisme officiel spécialisé, l'US Board on Geographic Names, Defense Mapping Agency, qui a la responsabilité d'établir et de maintenir la forme des noms de lieux étrangers. Pour les noms de lieux des États-Unis, en attendant la publication par le Domestic Geographic Names, US Board on Geographic Names, National Center, de dictionnaires géographiques, état par état, l'instrument de référence reste l'atlas commercial Rand Mac Nally.

Pour terminer, le catalogueur complète le bordereau en utilisant pour l'analyse du sujet de la carte, la liste des mots matières de la Bibliothèque du Congrès, dont la 9e édition est parue en 1980. Le bordereau dûment rempli est révisé par deux responsables du service de catalogage, puis il est envoyé à l'enregistrement sur bandes MARC, auquel quatre opératrices sont affectées.

Les terminaux et les fichiers

Plusieurs terminaux équipent la cartothèque. Dans la salle du service de catalogage, six terminaux servent d'outils de travail : un terminal simple, un terminal OCLC (Ohio College Library Center) qui donne accès à un réseau important de bibliothèques américaines, et quatre terminaux MUMS (Multiple Use Marc System) utilisés par les catalogueurs pour interroger l'ensemble des données contenues dans les bandes MARC, et par les opératrices pour enregistrer les nouvelles entrées. Dans la salle de lecture, les lecteurs peuvent interroger quatre terminaux dont trois MUMS.

A partir des bandes MARC sont imprimés des jeux de fiches (entrée principale et entrées secondaires), qui sont intercalées dans les fichiers manuels de la cartothèque. Dans la salle du service de catalogage, ces fiches imprimées alimentent le fichier par cote, qui contient aussi des fiches anciennes préMARC, et le fichier d'autorité, progressivement gelé par l'extension du fichier d'autorité automatisé. Dans la salle de lecture, elles sont insérées dans le catalogue des cartes, qui ne contient que des fiches MARC, et dans le catalogue des atlas, qui comprend des fiches anciennes et des fiches MARC.

En guise de conolusion, j'aimerais faire ces quelques remarques. L'importance du volume des acquisitions, l'automatisation du catalogage et ses implications dans la recherche documentaire, accentuent le rôle prépondérant joué par la Bibliothèque du Congrès, sur le plan national et international. Mais, une ombre majeure demeure : le contrôle automatisé des grandes séries cartographiques, possible à réaliser techniquement, n'est pas encore mis à l'étude.

Il reste que l'on ne peut s'empêcher de nourrir quelques complexes à l'égard de la grande cartothèque américaine. Ils me semblent cependant assez faciles à combattre par une mise en valeur scientifique de nos collections anciennes, aux trésors inestimables, par une politique d'acquisition très sélective et par une collaboration encore plus étroite entre cartothécaires français et européens.

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Annexe : Exemples de fiches imprimées à partir de l'enregistrement sur bandes MARC (1/2)

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Annexe : Exemples de fiches imprimées à partir de l'enregistrement sur bandes MARC (2/2)