Histoire secrète de l'Alsace

par Jacques Betz

Paul Arnold

A. Michel, 1979. - 247 p. ; 23 cm. - (Histoire secrète des provinces françaises.) ISBN 2-226-00751-2

Avec le dernier ouvrage de Paul Arnold, haut-rhinois d'origine et magistrat se doublant d'un homme de lettres, le lecteur est convié à suivre une nouvelle histoire de l'Alsace ; cette histoire est d'ailleurs qualifiée de « secrète », à l'égal de celles des autres provinces de France, publiées dans une collection dirigée par Jean-Michel Angebert chez Albin Michel. D'aucuns penseront que cette œuvre d'historien vient s'ajouter aux précédentes, déjà nombreuses, sur cet espace limité aux deux départements du Nord-Est de l'hexagone. Mais, que l'on ne s'y trompe pas.

En effet, Paul Arnold conte l'histoire de sa province natale en précisant son point de vue dans son avant-propos, où il écrit : « ... Les historiens se persuadent en général que les Alsaciens sont des Germains auxquels se seraient fondus de rares survivants gallo-romains. Et de tirer tous les enseignements de ce postulat, que d'aucuns cherchent à conforter avec un zèle suspect... ». Or l'auteur de montrer que « nos ancêtres sont indiscutablement gaulois », et que « l'Alsace a été le berceau du monde celtique ». Il le prouve en redressant un certain nombre d'erreurs. Ce faisant, il cherche, en d'autres termes, à rétablir cette vérité, selon laquelle « l'ethnie alsacienne est une ethnie celtique » et reste persuadé que « seule, une avalanche de falsifications historiques a pu faire croire le contraire ».

Pour l'auteur, la race alsacienne est, sur le plan ethnique et culturel, essentiellement gallo-romaine, les éléments germaniques, déversés par « les invasions des Barbares » n'ont pas été plus nombreux que partout ailleurs en France ; de plus, le dialecte alémanique n'est venu que tardivement se substituer au gallo-romain. Au fil de sa plume, il apporte des éclaircissements sur les causes profondes de la cession de l'Alsace à Louis-le-Germanique et fait état de la résistance à la germanisation, qui a marqué les huit siècles suivants et les deux récentes annexions. Il analyse ensuite ce qu'il est convenu d'appeler le « malaise alsacien », né d'un rejet de la laïcisation et de l'intrusion de milieux étrangers, avec toutes leurs conséquences. Enfin, il fait état d'une nouvelle mainmise sur l'Alsace, « qui n'est que la réédition d'un vieux processus ».

Ces pages sont d'une rare densité, où sont avancés des faits sur une documentation solide et relevant d'une démarche historique sans faille. On mesure ainsi la nouveauté de son développement, auquel le lecteur prendra intérêt et dans lequel il ne manquera pas de découvrir une impressionnante somme de connaissances. C'est dire l'importance de la thèse avancée par Paul Arnold ; elle est matière à controverse, exposée à la critique, source de polémique, qui ne manquent pas de se manifester, en particulier dans la presse régionale, aussi bien de la part de dialectologues que d'autres plumes contestataires. Mais l'auteur, très averti de la « chose » alsacienne, a réponse à tout, et n'a pas, de son propre aveu, dit son dernier mot, qu'il mettra au service de son « histoire secrète de l'Alsace ».