Dans le passé, au 19e siècle, les bibliothèques publiques anglaises ne sont pas nées d'un besoin exprimé par un public populaire, mais à l'initiative d'une poignée de réformateurs idéalistes. Cela continue à se traduire par le faible pourcentage d'usagers de ces établissements. Dans le présent, les effets néfastes d'une « Library association » rétrograde et de la réorganisation des collectivités locales (1974) 1 mal mise à profit par les bibliothèques sont tels que ces établissements, trop liés à l'éducation, sont laissés en dehors du vaste mouvement d'organisation des loisirs. Dans l'avenir, si la profession veut conserver une raison d'exister, il n'est que temps pour les bibliothécaires de faire le point de ce que le public attend d'eux, de s'insérer davantage dans la communauté, de renouveler et de diversifier leurs méthodes et leurs buts.

Voilà le bilan très noir qu'établit Paul Sykes, qui a dirigé plusieurs bibliothèques (Rochdale, Nottingham, etc.). Il fournit une étude remarquablement documentée où, en commençant au 19e siècle, les responsables politiques et administratifs coupables de manquements ou d'indifférence à la cause des bibliothèques publiques sont stigmatisés. De même les grands hommes qui, d'origine modeste, ont omis par la suite de marquer leur reconnaissance à la bibliothèque nourricière sont désignés sans sympathie. Au pilori, les professionnels qui ont sclérosé leur tâche et se sont préoccupés plus de formation prestigieuse, mais inadaptée, et d'image de marque que d'utilité.

C'est avec une passion très tonique, en répétant ses propositions pour être plus sûrement entendu, que l'auteur présente ses suggestions pressantes pour une réorientation des bibliothèques publiques de son pays. Mais, parce que ces propositions sont basées sur des réalités (et des contraintes) économiques, culturelles et sociales que l'on retrouve hors de Grande-Bretagne, la lecture de cet ouvrage devrait être particulièrement stimulante et génératrice de réflexion chez nous aussi. Un questionnaire, suscité par la Direction du livre avec le concours de la BPI du Centre Pompidou, a été diffusé en 1978 afin « de connaître l'image qu'ont de la bibliothèque municipale ceux qui sont responsables de son fonctionnement ». Cette première démarche précédant une plus large enquête sur « l'image de la bibliothèque publique chez les Français », prévue pour 1979. Puisse la formulation des questions ne pas insister sur la susceptibilité des bibliothécaires, leur haut niveau de compétence, la précision de leurs normes... mais nous révéler plutôt grâce à quels services la bibliothèque publique de demain attirera de plus en plus d'usagers (et pas seulement des lecteurs).