Compte rendu de mission du 9e congrès de l'ACURIL

Association of Caribbean university and research libraries

Jean-Claude Annezer

L'Association des bibliothèques universitaires et de recherche de la Caraïbe a tenu son ge congrès conjointement avec l'Association des archives de la Caraïbe (CAA), du 6 au 12 novembre 1977 à l'Hôtel Holiday Inn de Curaçao (Antilles néerlandaises). Le thème retenu concernait les modes de conservation et de reproduction (photocopie, microfilm, microfiche) des ressources bibliographiques de la Caraïbe.

La séance d'ouverture a été marquée par une allocution du Premier ministre des Antilles néerlandaises dans laquelle il a souligné l'importance culturelle de ce 9e congrès, pour l'unité des peuples de la Caraïbe et affirmé la pleine coopération du gouvernement de l'île.

Ensuite le président et le trésorier de chaque association ont présenté leur rapport.

Les mardi, mercredi et jeudi ont été consacrés à l'étude du thème ; conférences et débats étaient animés par deux représentants de la Bibliothèque du Congrès. Le dernier jour, les comités permanents ont fait le bilan de leurs activités, de nouveaux membres ont été élus au conseil exécutif, des motions et des résolutions ont été soumises à l'approbation de l'assemblée.

Quelque 150 bibliothécaires et archivistes, représentant une vingtaine d'îles et de pays, ont pris part aux travaux de ce congrès.

A titre indicatif en voici une répartition géographique sommaire :

Antilles néerlandaises (Curaçao, St-Martin, Saba, Bonaire) 47 ; Venezuela 22 ; Porto Rico 17 ; Trinidad 8 ; Jamaïque 7 ; Iles Vierges (St-Thomas, Ste-Croix) 7 ; USA 7 ; Barbade 6 ; Guyana 5 ; Surinam 3 ; Antilles françaises 3 (dont 2 archivistes) ; Pays-Bas 2 ; République Dominicaine 1 ; Colombie 1 ; Bermudes 1 ; Bahamas 1 ; Haïti I.

Depuis 1974 la Bibliothèque du Centre universitaire Antilles-Guyane prend part aux travaux de l'ACURIL et participe au congrès annuel, exclusivement bilingue (anglais-espagnol), avec l'espoir qu'une commission francophone puisse un jour y être créée.

1. Rapport du président.

Dans son exposé introductif M. Ingram, président en exercice (Bibliothèque universitaire de Jamaïque), a mis l'accent sur les difficultés rencontrées pour l'organisation de ce 9e congrès et a affirmé la nécessité de renforcer la coopération et la coordination entre tous les membres, personnes et institutions, de développer les possibilités d'action en commun (prêt, échanges, listes d'acquisition...) et d'entreprendre des travaux bibliographiques plus conséquents.

Il a saisi l'occasion de cette réunion commune avec l'Association des archives pour souhaiter qu'une collaboration plus effective ait lieu dorénavant entre les deux professions et les associations qui les représentent.

Il a informé l'assemblée des actions menées au cours de l'année pour étendre le programme de publication des travaux et des recherches de l'association et de la réalisation prochaine d'un guide des bibliothèques de l'Amérique latine et de la Caraïbe, en collaboration avec la SALALM (Seminar on the acquisition of Latin American library materials) dont le siège est à l'Université du Texas.

Il a conclu en précisant que le 10e Congrès se tiendrait vraisemblablement en Guyane et qu'il serait nécessaire de spécifier d'ici là les critères d'admission à l'Association d'une façon plus adéquate ; le conseil exécutif a d'ailleurs rappelé que d'autres types de bibliothèque de recherches pourraient être admis à l'Association, compte tenu de ces quatre exigences : personnel qualifié, collections organisées, service régulier, financement par une organisation (école, firmes, gouvernement...).

2. Quatre documents de travail ont été présentés et soumis à la réflexion des participants.

Le premier, rédigé par Mme Jordan de la Bibliothèque universitaire de Trinidad, était un examen des collections caraïbes dans les bibliothèques des territoires anglophones de la Caraïbe (Belize, Guyana, Trinidad et Tobago, Jamaïque, Porto Rico...). Cet inventaire a pris la forme d'une véritable déclaration de politique documentaire : les problèmes financiers, idéologiques et bibliographiques qui sont souvent des obstacles à la coopération effective (catalogue collectif, microfilmage, acquisition) peuvent être surmontés grâce à la mise en place d'une planification régionale et internationale.

M. Black, archiviste de la Jamaïque, s'est surtout intéressé dans son rapport aux problèmes de la conservation des livres et des microfilms dans les régions tropicale et subtropicale.

M. Frazer Poole, de la Bibliothèque du Congrès, a accompagné son rapport sur la protection du matériel des bibliothèques et des archives, d'une séance de diapositives. Il a d'abord analysé les causes de la détérioration du papier : acidité, contaminants métalliques, polluants atmosphériques, agents biologiques, agents humains (souvent bibliothécaires et archivistes ont une attitude apathique à l'égard des problèmes de la conservation !). Puis, à partir d'une expérience récente réalisée à la Bibliothèque du Congrès, il a esquissé un programme de prévention pour contrôler les dommages et faciliter la conservation : plastification, « encapsulation » polyester, boîte de protection, utilisation de vernis et d'acétate de polyvinyl, contrôle de l'acidité. Mais le problème de la conservation n'est pas simplement un problème de matériel et d'équipement ; il s'agit surtout de créer un environnement favorable et de bonnes conditions d'emmagasinage.

M. Charles La Hood, responsable du service de photoduplication de la Bibliothèque du Congrès, a orienté son propos dans deux directions : la photoduplication au service de la diffusion de l'information et la photoduplication au service de la conservation. Il existe sur le marché des appareils très au point et de nombreuses recherches s'intéressant à la technologie du microfilm. S'il y a des impératifs techniques (fiabilité du matériel), il y a aussi des impératifs financiers (rentabilité) et des impératifs humains (formation des utilisateurs).

L'utilisation du microfilm présente aujourd'hui la solution la plus rationnelle face aux problèmes de l'accroissement du volume d'informations. M. La Hood à l'aide de diapositives a montré la méthode d'organisation utilisée à la Bibliothèque du Congrès : procédés et équipement de prise de vue, espaces de stockage, traitement des microformes. La discussion a porté sur les dommages subis par les livres qu'on photographie, sur l'exploitation des microformes, sur les appareillages de lecture et la restitution sur papier.

A la suite de cette conférence-débat nous avons pu visiter une exposition de matériel de reprographie. Enfin les bibliothèques et archives du Venezuela, des Bermudes, des Iles Vierges, des Antilles néerlandaises, de la Jamaïque ont présenté brièvement leur programme en matière de microfilmage : analyse technique du matériel et du personnel, raisons pour lesquelles la micrographie est utilisée (prêt interbibliothèque, conservation...) et liste des documents microfilmés (textes anciens, histoire, périodiques). Tous les intervenants ont souligné que l'enregistrement photographique sur microfilm est très utile : rigueur documentaire, gain de place, manipulation facile. Mais beaucoup ont admis que le matériel est souvent inutilisé et que les usagers ont du mal à se faire à ces techniques nouvelles. Ne serait-il pas possible de coordonner les efforts car certains établissements sont sur-équipés d'autres sous-équipés. Le comité permanent du microfilm a d'ailleurs lancé une enquête à ce sujet, afin de faire l'inventaire du matériel utilisé dans les bibliothèques de la Caraïbe. Les réponses seront dépouillées d'ici avril 1978.

3. Comités permanents. Motions et résolutions.

Chacun des 9 comités permanents (acquisitions, microfilm, indexation, personnel, publications, constitution et règlements, bibliographie, planification, relations publiques) a dressé le bilan de ses actions, précisé ses projets et donné la liste de ses membres. La bibliothèque du Centre universitaire des Antilles-Guyane fait à présent partie du Comité des relations publiques dont la fonction est d'organiser de façon plus systématique les contacts entre les établissements et les personnes (échanges de documentation intéressant la réalité caraïbe...).

Le comité des publications dont la fonction est de rassembler, d'éditer, de publier et de distribuer toutes les publications officielles de l'ACURIL, afin de maintenir informés tous les membres de l'Association, a annoncé que 4 numéros de la Carta informativa, bulletin de liaison de l'Association, étaient parus au cours de l'année. Des problèmes techniques et financiers ont retardé la publication des travaux des deux précédents congrès. L'aide de l'Unesco est vivement souhaitée et attendue.

Les résolutions et les motions qui ont été proposées à l'approbation de l'assemblée reflétaient les préoccupations de la plupart des participants :
- Créer une conscience de l'identité de la profession : les différences de dénomination « bibliothécaire », « conservateur », « Docteur ou Maître en bibliothéconomie... » correspondent à des différences de formation, tradition espagnole d'un côté, anglosaxonne de l'autre.
- Constituer un comité des ressources des caraïbes (ACURIL et CAA) pour coordonner le développement des collections et stimuler la publication de guides et de listes descriptives des collections les plus importantes.
- Attirer l'attention du gouvernement de Porto Rico sur la situation de la Bibliothèque régionale des caraïbes, tant en ce qui concerne la sauvegarde et le développement de ses collections, que la sauvegarde de la profession. Si aucune aide substantielle n'était apportée, il faudrait envisager le transfert de la Bibliothèque dans un autre pays qui favoriserait son développement.
- Remercier le Premier ministre des Antilles néerlandaises et son gouvernement pour l'aide apportée à l'organisation de ce ge congrès.
- Remercier les deux conférenciers de la Bibliothèque du Congrès pour leur active contribution.

Lors du banquet de clôture, le nouveau président, M. Gustave Harrer, élu pour un an, a repris les grands thèmes de coopération au sein de l'ACURIL et souhaité que le 10e congrès soit préparé par tous.

M. Harrer est directeur de la Bibliothèque universitaire de Floride.

4. Bilan et réflexions.

La tenue d'un congrès est l'occasion pour toute association de se reconnaître comme l'unité, fût-elle relative, d'un groupe professionnel compétent. Celui-ci pratique une activité spécifique et tient sur elle un discours justificatif à partir d'un savoir techniquement partageable.

Le Congrès est un espace fascinant mais il est aussi un espace de déception : après l'effervescence des échanges, l'adhésion à des promesses d'action, à des projets, il y a souvent un effritement progressif. La participation n'est peut être que métaphorique et nous renvoie à notre impuissance.

Pour être opérationnelle, la coopération implique la mise en place de dispositifs relationnels (économiques et culturels).

Une logique du développement n'est possible qu'en se donnant des moyens techniques : les pressions économiques, l'ambiance culturelle, l'évolution des techniques appellent une stratégie de la coopération caraïbe qui soit autre chose qu'échange académique de bons procédés.

Comment évaluer la présence de la Bibliothèque du centre universitaire des Antilles-Guyane dans le tissu caraïbe ? Sans doute l'évaluons-nous assez mal, peut-être par une sorte de méconnaissance (par manque d'information ?) et par une motivation insuffisante. Pourtant, et cela a déjà été dit, la coopération inter-caraïbe est une nécessité pour notre bibliothèque. Son identité, sa cohérence, devraient pouvoir se reconnaître dans une insertion plus étroite dans la réalité caraïbe, sans pour autant oublier ou occulter ses problèmes propres. Ses expériences et ses références doivent pouvoir s'y exprimer.

L'hésitation devrait faire place à une solidarité. Est-il raisonnablement possible d'envisager l'organisation d'un prochain congrès de l'ACURIL aux Antilles ? La question mérite d'être posée.

Il est certain que le modèle américain, sans être perçu comme normatif, contribue à souligner nos manques compte tenu des conditions économiques et institutionnelles qui sont les nôtres. Mais c'est à partir de cette butée où s'aveuglent les chances d'une action, qu'il importe aujourd'hui de s'interroger.

Nos relations inter-caraïbes existent. Elles n'ont pas encore de contenu bien structuré. Elles sont encore au stade d'une tension paradoxale entre des placements imaginaires et des contraintes objectives (de langue, d'argent, d'aire culturelle...). La fragmentation insulaire de la réalité caraïbe, les systèmes politiques qui la structurent peuvent être perçus comme des obstacles au décloisonnement et à la coopération mais aussi comme une chance de confrontation des expériences et des attitudes, convergentes ou contradictoires. La communauté d'intérêt entre les membres de l'ACURIL est une réalité vivante qui nous concerne. Nous souhaitons pouvoir continuer à participer aux travaux de l'Association et à bénéficier du soutien de l'AUPELF et du Ministère des universités, afin de pouvoir y jouer un rôle plus actif.

Beaucoup de participants ont d'ailleurs souhaité que Mme Bernabé, directeur de la Bibliothèque du centre universitaire des Antilles-Guyane, fasse acte de candidature lors du prochain renouvellement des membres du conseil exécutif. Il serait bon que cela puisse se faire car nous pourrions dès lors faire entendre notre voix en prenant part aux orientations et aux décisions du Conseil.