La documentation en anthropologie

Un colloque s'est tenu à Paris du 18 au 22 avril 1977 sur «la situation et l'avenir de l'anthropologie en France ». Les organisateurs avaient retenu ce terme de préférence à celui plus restreint d'ethnologie. Une des dernières séances devait être consacrée à la documentation et à la muséologie, avec un rapport de synthèse par Britta Rupp (École des hautes études en sciences sociales), et l'intervention d' « auditeurs actifs » qui avaient pris connaissance de ce rapport. Ces auditeurs actifs étaient, pour la documentation, MM. et Mmes Brunet (Centre national de la recherche scientifique, Centre de documentation sciences humaines), Meyriat (Fondation nationale des sciences politiques), P. Richard (responsable de l'informatique au Musée des arts et traditions populaires), G. Rouget (département d'ethnomusicologie du Musée de l'Homme) et F. Weil (Bibliothèque du Musée de l'Homme). Un débat devait suivre, qui malheureusement ne put avoir lieu à cause du programme trop chargé et des exigences de l'horaire.

Britta Rupp avait intitulé son rapport « Les ethnographes, les bibliographes et les documents : plaidoyer pour une cause difficile». Avant de rédiger son rapport, elle avait envoyé un questionnaire aux membres (environ 400) de la section 30 des électeurs du Comité national de la recherche scientifique. Elle se proposait en effet de savoir qui sont les destinataires des instruments de travail et si ces instruments de travail arrivent à destination ; enfin, s'ils n'arrivent pas à destination, pour quelles raisons.

Environ un tiers des interrogés répondirent et seules les 100 premières réponses furent exploitées. Les réponses proviennent pour l'essentiel de Parisiens (68) et de chercheurs bien installés dans la vie scientifique : 33 ont des thèses d'État et 31 des thèses de 3e cycle.

Près des deux tiers croient bien connaître les livres et publications françaises, mais mal le contenu des périodiques et encore moins les publications étrangères ; 40 % sont satisfaits des services rendus par les bibliographies offertes, 52 % ne le sont pas, 8 % ne se prononcent pas... Il faut souligner l'importance des moyens d'information informels : contacts personnels, correspondance, littérature souterraine, ou semi-formels comme les colloques. Bien entendu ces moyens d'information sont surtout à la portée des chercheurs avancés. On constate ainsi une inégalité dans l'information, qu'il s'agisse de la position personnelle ou de la résidence.

En ce qui concerne les reproches adressés aux bibliographies telles qu'elles sont, on trouve, par ordre décroissant :
- délais de publication trop longs (46 % des réponses);
- difficulté à se procurer les documents signalés (41 % des réponses);
- absence de résumés (36 % des réponses);
- raisons diverses : cadre trop limité ou trop large, présentation, prix...

Les chercheurs interrogés affirment qu'ils utilisent les bibliothèques (86 % des réponses) : les utilisateurs parisiens fréquentent la Bibliothèque du Musée de l'Homme et 23 bibliothèques spécialisées diverses, entre autres par aires culturelles ; 39 % des réponses font état de bibliothèques encyclopédiques parmi lesquelles 15 bibliothèques universitaires et des bibliothèques municipales de province. Rappelons qu'une enquête menée aux États-Unis en 1968 révélait que 50 % seulement des anthropologues avaient recours aux bibliothèques qu'ils jugeaient d'ailleurs inadaptées à leurs besoins.

En guise de conclusion, nous n'ouvrirons pas un débat sur la valeur de ces témoignages ni sur celle des « sondages » en général, mais citerons cette remarque de Britta Rupp qui nous semble particulièrement importante : « si le chercheur non-comparatiste ne doit connaître (et il insiste là-dessus) que la fraction des publications qui intéressent directement soit le thème de sa recherche, soit la zone où elle se déroule... le bibliographe, lui, doit en principe reconnaître, accumuler et organiser intelligemment (c'est-à-dire en connaissance de cause) la totalité des produits pour en construire des ensembles raisonnables. Ces ensembles sont censés répondre à des questions qui n'auront pas encore été formulées... Ne participant pas à l'élaboration des produits très particuliers dont il traite, le bibliographe est souvent mal à l'aise dans son rôle. L'intervention des machines ne change rien à cette condition ».