La chambre fédérale du livre de l'U.R.S.S

Marie-Louise Bossuat

Monique Pelletier

Créée en 1917, transformée en 1936 et actuellement installée à Moscou, la Chambre fédérale du livre est organisée en quatre départements : bibliographie, bibliothéconomie, édition et commerce du livre. Le contrôle du dépôt légal, la rédaction et la diffusion de la notice bibliographique, la conservation des exemplaires du dépôt légal dont elle a la charge, ainsi que le fonctionnement des chambres du livre des républiques de l'U.R.S.S. sont plus particulièrement examinés ici.

Une première Chambre du livre fut créée à Pétrograd en mai 1917. Elle devait rédiger les statistiques de l'édition russe et publier la Chronique littéraire qui fonctionnait alors depuis dix ans. Elle fut transformée en Chambre fédérale du livre à la fin de 1936. Cette dernière est actuellement située à Moscou sur les bords de la Moskova, dans un ancien hôtel classé monument historique maintenant trop exigu.

La Chambre fédérale du livre est organisée en quatre départements : Bibliographie, Bibliothéconomie, Edition, Commerce du livre. Nous ne pouvions en une seule visite faire le tour de toutes ses activités. Nous avons essayé de faire une mise au point des problèmes suivants : contrôle du dépôt légal, rédaction et diffusion de la notice bibliographique, conservation des exemplaires du dépôt légal, fonctionnement des chambres du livre des républiques de l'U.R.S.S.

Chaque jour parviennent à la Chambre fédérale du livre 15 000 exemplaires de livres, brochures, journaux, revues, estampes, etc... publiés sur l'ensemble du territoire de l'Union soviétique et assujettis à la loi du dépôt légal, ce qui correspond à environ 1 500 titres. 14 exemplaires des livres et revues sont distribués aux bibliothèques russes, en priorité à la Bibliothèque Lénine, à la Bibliothèque Saltykov-Schédrine, à la Bibliothèque nationale publique, scientifique et technique, un exemplaire restant à la Chambre fédérale du livre.

Le dépôt légal est obligatoire, le refus de déposer est assimilable au délit de vol. Il existe dans les chambre du livre un service spécialisé dans le contrôle du dépôt légal, qui a différents moyens d'action. Il peut examiner la comptabilité des éditeurs et voir si les ouvrages mis en vente ont été déposés. Il dépouille aussi les catalogues d'éditeurs, ce qui est un moyen très classique. En U.R.S.S., le procédé le plus efficace semble être le contrôle des plans des maisons d'édition. Ces plans proposés par les éditeurs doivent être approuvés par le Comité d'impression de l'U.R.S.S. Il existe quatre types de plans : pour les sciences sociales, les belles lettres, les publications scientifiques et techniques, et les éditions des républiques. S'il y a, par exemple, trop d'ouvrages sur un sujet ou si un autre n'est pas traité, le Comité d'impression peut dans le premier cas refuser certains projets et dans la seconde alternative encourager les éditeurs à combler les lacunes constatées. Les plans des maisons d'édition sont déposés à la Chambre fédérale du livre et sont pour elle un excellent moyen de contrôle. Ce sont des inspecteurs de la Chambre du livre qui sont chargés des vérifications chez les éditeurs.

La principale fonction de la Chambre fédérale du livre est de conserver toute la production imprimée de l'U.R.S.S. et d'en faire l'enregistrement bibliographique. Les notices sont d'abord rédigées manuellement, les volumes étant décrits selon les normes russes de catalogage qui ont été élaborées après la seconde guerre mondiale. Un département de classification donne ensuite l'indice numérique, avant que ne soient établis les mots-matières. Puis les notices sont imprimées sous forme de bibliographie ou de fiches. La Chambre fédérale du livre joue le rôle d'un institut d'information dont les abonnés peuvent être des bibliothèques ou des particuliers : son imprimeur envoie chaque année 300 millions de fiches dans les pays socialistes ou capitalistes. Parmi les abonnés figure la Bibliothèque du Congrès à Washington. Les bibliothèques de l'Union soviétique utilisent les fiches de la Chambre fédérale dans leurs catalogues généraux sans les modifier : elles les complètent lorsqu'il s'agit de catalogues spécialisés. Les abonnements aux fiches se font par séries qui correspondent à des spécialités. Il y avait à l'origine 30 séries, il y en a maintenant 47, et on envisage d'aller jusqu'à 130, ce qui est peut-être un nombre trop élevé. On peut obtenir autant d'exemplaires de fiches que l'on veut, mais dans la limite des possibilités actuelles il est difficile de satisfaire entièrement toutes les demandes. En principe, les notices bibliographiques sont rédigées six jours après l'arrivée des documents qu'elles décrivent. En réalité il faut vingt jours pour que le volume soit catalogué.

Il y a plusieurs bibliographies émanant de la Chambre fédérale, deux ont particulièrement retenu notre attention. L'une concerne les livres 2; créée en 1907, elle est exhaustive et paraît chaque semaine par fascicules qui sont repris dans un volume annuel 3. L'autre qui date de 1926, dépouille et sélectionne les articles de périodiques 4, elle est mensuelle. La première recense les livres publiés dans toute l'Union soviétique, la seconde est limitée aux seules publications parues en langue russe. Il existe d'autres bibliographies : pour les articles de journaux (hebdomadaire 5  6), pour les comptes rendus d'ouvrages (trimestrielle 7), pour les cartes atlas et plans (trimestrielle 8), pour les publications artistiques 9. C'est à la Chambre fédérale du livre qu'est rédigée la Bibliographie des bibliographies soviétiques 10. Depuis 1957, paraît Matériaux méthodiques 11, qui traite des problèmes propres aux bibliographies nationales.

La Chambre du livre qui, comme n'importe quel abonné, reçoit de l'imprimeur les fiches qu'elle a précédemment rédigées, gère deux fichiers : auteurs et mots-souches qui renfermaient, en septembre 1970, 25 millions de fiches. Ces catalogues sont à usage interne et servent également à répondre aux nombreuses demandes de renseignements, 30 000 par an; certaines, par exemple, émanent de chercheurs étrangers qui les envoient par le canal des ambassades.

La Chambre du livre, centre bibliographique, a la mission de conserver un exemplaire de toute publication imprimée paraissant sur le territoire de l'U.R.S.S. Le dépôt légal existait avant la Révolution, mais il était alors assez irrégulier.

L'un des exemplaires déposés à la Bibliothèque Lénine ne doit pas être communiqué, mais ce principe admet quelques exceptions, alors que l'exemplaire de la Chambre du livre n'est jamais prêté. Les réserves de la Chambre fédérale du livre renfermaient en 1970, 35 millions de pièces. Comme dans toutes les réserves d'imprimés le problème de la durée de conservation du papier est très préoccupant. En outre, la place manque pour stocker dans un seul bâtiment de Moscou toute la production de l'U.R.S.S. Neuf bâtiments répartis dans Moscou reçoivent les livres et une partie des revues déposés à la Chambre fédérale du livre, des regroupements sont faits par catégories de documents et par tranches chronologiques.

En U.R.S.S., les exemplaires du dépôt légal ne peuvent servir d'exemplaires d'échange avec les pays et les institutions étrangères. Les grandes bibliothèques, comme la Bibliothèque des littératures étrangères de Moscou, disposent de stocks spéciaux dont elles peuvent disposer à cette fin.

Les bibliothèques font leurs achats auprès d'organismes dépositaires, appelés collecteurs. Ceux-ci, comme les chambres du livre dépendent du Comité des imprimés. Ils rassemblent toute la littérature éditée en U.R.S.S. et la présentent aux bibliothécaires. Chaque semaine, ceux-ci visitent les collecteurs et prennent connaissance des nouveautés qui intéressent leurs spécialités. Ils choisissent les livres qu'ils peuvent acquérir dans la limite de leur budget.

A la Chambre fédérale s'ajoutent 17 chambres du livre réparties dans les républiques : 14 dans les républiques de l'Union et 3 dans les républiques autonomes faisant partie de la fédération russe. Les chambres du livre nationales dont plus de la moitié furent fondées dans les années 20, fonctionnent de la même façon que la Chambre fédérale; les réunions périodiques des directeurs des chambres du livre permettent d'uniformiser les méthodes de travail.

Chaque livre est catalogué deux fois : une fois à la Chambre fédérale, sous la forme russe, une deuxième fois par la chambre de la république où est publié le livre, dans la forme originale. La bibliographie arménienne, par exemple, recense toutes les publications en arménien dans la langue originale, alors que la bibliographie centrale de l'U.R.S.S. annonce les livres arméniens sous leur titre russe en précisant que la langue de l'ouvrage décrit est l'arménien. Ainsi chaque citoyen de l'U.R.S.S. peut-il prendre connaissance des publications des autres républiques, le russe étant la langue de communication. Les bibliographies des républiques nationales annoncent en plus des publications parues dans la langue nationale, toute la littérature concernant chaque république. Ainsi la bibliographie arménienne publie-t-elle la bibliographie des livres arméniens auxquels s'ajoutent les livres sur l'Arménie publiés dans les autres républiques de l'U.R.S.S.

A la bibliographie des livres, est parfois joint le dépouillement des périodiques. Mais à l'instar de la Chambre fédérale, certaines chambres nationales publient séparément deux bibliographies : celle qui recense les articles des principales revues et journaux complète la bibliographie publiée par la Chambre fédérale qui ne dépouille que les articles écrits en russe.

Les chambre nationales reçoivent aussi le dépôt légal. Depuis la loi du 30 juin 1920, les éditeurs envoient directement à Moscou les exemplaires destinés à la Chambre fédérale.

Comme dans beaucoup de pays, la bibliographie de l'U.R.S.S. rédigée par la Chambre fédérale du livre est donc la description des publications soumises au dépôt légal. S'il est vrai que la rédaction d'une bibliographie dans un état multinational pose des problèmes, le contrôle du dépôt légal par les plans d'édition est un avantage très réel. La « conservation éternelle » assurée par les chambres du livre est aussi un élément positif dans le système soviétique. Si la croyance en une « conservation éternelle » des supports, papiers ou microfilms, peut paraître utopique, il est sage de mettre hors du circuit des bibliothèques qui, nous l'avons constaté, sont très fréquentées, au moins un exemplaire des différentes publications.

  1. (retour)↑  Les renseignements contenus dans cet article ont deux sources : I° Un entretien avec M. P. A. Chuvikov, directeur de la Chambre fédérale du livre, qui nous a fort aimablement reçues en septembre 1970, au moment du Conseil de la F.I.A.B. à Moscou. 2° Une communication faite au Conseil de Moscou par L. O. Verisova : « Bibliographie nationale dans un état multinational, expérience de l'U.R.S.S. »
  2. (retour)↑  Les renseignements contenus dans cet article ont deux sources : I° Un entretien avec M. P. A. Chuvikov, directeur de la Chambre fédérale du livre, qui nous a fort aimablement reçues en septembre 1970, au moment du Conseil de la F.I.A.B. à Moscou. 2° Une communication faite au Conseil de Moscou par L. O. Verisova : « Bibliographie nationale dans un état multinational, expérience de l'U.R.S.S. »
  3. (retour)↑  Kniznaja letopis'. - Moskva.
  4. (retour)↑  Ezegodnik knigi. - Moskva.
  5. (retour)↑  Letopis' žurnal'nyh statej. - Moskva.
  6. (retour)↑  Letopis' gazetnyh statej. - Moskva.
  7. (retour)↑  Letopis' recenzij. - Moskva.
  8. (retour)↑  Notnaja letopis'. - Moskva.
  9. (retour)↑  Kartografičeskaja letopis'. - Moskva.
  10. (retour)↑  Letopis' pečatnyh proizvedenij isobrazitel'nyh iskusstv. - Moskva.
  11. (retour)↑  Bibliografija sovetskoj bibliografii. - Moskva.
  12. (retour)↑  Metodiceskie materialy po gosudarstvennoj bibliografičeskoj registracii. - Moskva.