XIe Congrès de la Fédération des centres culturels communaux. Pau. Avril 1970

La Fédération nationale des centres culturels communaux, à laquelle adhèrent nombre de municipalités de toute appartenance politique, avait mis au programme de son XIe Congrès « La lecture dans la cité ». Le choix par des élus municipaux de ce thème de réflexion, deux ans après l'approbation par le Comité interministériel du Plan de développement de la lecture publique et l'année même où s'amorcent les travaux du VIe Plan, ne pouvait que susciter satisfaction et intérêt chez tous ceux qui sont professionnellement responsables, à quelque niveau que ce soit, des bibliothèques publiques. Aussi bien les bibliothécaires participèrent-ils nombreux aux travaux qui se déroulèrent à Pau les 23, 24 et 25 avril. M. l'inspecteur général Masson y représentait le Directeur chargé des bibliothèques et de la lecture publique.

Cinq bibliothécaires avaient été chargés par la F.N.C.C.C. de préparer les rapports qui serviraient de base de travail. Quatre de ces rapports, largement diffusés avant le Congrès, ont été publiés dans la partie Chronique de la Bibliographie de la France (n° 2I, pp. 122 à 130; n° 22, pp. 13I à 150; n° 23, pp. 153 à 158).

Dans son rapport de synthèse, M. Fuchs, adjoint au maire de Colmar et vice-président de la F.N.C.C.C., justifiait le parti que l'on avait pris de limiter le sujet à la « lecture publique », aspect du problème qui concerne directement les municipalités et qui s'intègre dans la politique culturelle des communes.

Les quatre commissions mises en place examinèrent les thèmes suivants : comment toucher les lecteurs? lecture pour enfants (rapport de Mlle Patte), lecture pour adultes (rapport de M. Richter); les moyens nécessaires (rapport de M. Baudin); liaisons entre les bibliothèques et autres activités culturelles (rapport de M. Ronsin); le livre et le VIe Plan (rapport de M. Bouvy).

Dans chaque commission collaborèrent bibliothécaires, élus et fonctionnaires municipaux, animateurs. De ces rencontres entre les hommes du métier, plaidant passionnément la cause de la bibliothèque publique moderne avec normes et chiffres à l'appui de leurs exigences, et des responsables politiques quelque peu méfiants - faut-il le dire - à l'égard des « technocrates », fermement attachés à l'autonomie de leur cité, mais très soucieux de la promotion culturelle de la population, naquirent des discussions souvent approfondies et des échanges d'informations et de points de vue très fructueux, sans aucun doute, pour tous et pour la cause de la lecture publique.

Outre les débats, on apprécia l'exposition fort instructive présentée par M. Goasguen, conservateur de la Bibliothèque municipale de Pau, sur quelques bibliothèques publiques en France; au nombre des réalisations récentes et exemplaires, chacun put voir la nouvelle succursale de la Bibliothèque municipale de Pau ouverte dans un Centre social.

A l'issue des travaux, l'Association plénière prit connaissance des rapports des quatre commissions et adopta la motion suivante :

Le Congrès de la F.N.C.C.C. a constaté que le livre est un des éléments essentiels de l'information et de la formation culturelles.

A ce titre, les bibliothèques font partie de l'équipement de base dont doit disposer toute collectivité.

La mise à la disposition de l'enfant, dès l'école maternelle, d'un choix varié de livres et autres documents sonores et visuels est le fondement du développement de la lecture. Il est donc nécessaire qu'avec le concours d'animateurs spécialisés, ces documents soient offerts dans les différents milieux de vie de l'enfant : l'école et les centres de loisirs.

La création de bibliothèques d'établissements scolaires par l'attribution d'un crédit pour l'achat d'un fonds important de livres, par l'attribution d'une allocation lecture de 2 F par élève et par an par le Ministère de l'éducation nationale, la mise à la disposition de locaux et la formation d'un personnel spécialisé en sont les moyens indispensables.

Ces bibliothèques scolaires ne peuvent être isolées. Tout en restant à la charge de l'État, elles doivent s'intégrer dans un réseau de bibliothèques publiques (municipales ou d'État) comprenant obligatoirement des sections enfantines, ce qui permettra de normaliser et d'harmoniser les services et de développer leurs moyens d'action.

Le développement de la lecture repose ensuite sur l'extension du réseau des bibliothèques publiques. Celles-ci ont pour fin de mettre à la disposition d'un public de tous âges et de toutes catégories socio-professionnelles, dans un secteur géographique à déterminer en fonction de la densité de la population, que celle-ci soit rurale ou urbaine, par des techniques appropriées, l'ensemble des livres et des documents susceptibles de satisfaire les besoins généraux de loisirs, d'information, d'étude, de culture. A ce titre, la bibliothèque publique se situe à la base de l'éducation permanente et pour cette raison doit être gratuite.

Pour toucher le lecteur en puissance sur les lieux de travail, de loisir et dans les cadres de vie habituelle, pour que la bibliothèque participe pleinement à l'animation culturelle de la Cité dont elle est un élément, pour que le livre puisse s'associer aux préparation et déroulement des activités culturelles de la Cité, la bibliothèque centrale doit avoir des relais : annexes de quartiers intégrées éventuellement dans les centres culturels et de foyers socio-éducatifs, entreprises, hôpitaux, armée, bibliobus...

Une quadruple fonction incombe à la bibliothèque publique : la collecte, la communication et la distribution des documents, l'organisation et l'entretien des collections, le service au lecteur et l'animation.

Ces fonctions, dont aucune ne saurait être négligée sans compromettre gravement les résultats d'ensemble, supposent la mise à la disposition de la bibliothèque de certains moyens.

- En personnel stable et qualifié : la proportion d'un agent pour 3 ooo habitants est un objectif à atteindre, ce qui nécessite la formation par l'Éducation nationale d'un personnel qualifié.

- En locaux conformes aux normes de surface totale établies par la Direction des bibliothèques et de la lecture publique et en équipement moderne, fonctionnel et suffisant. A ce propos, l'attention est attirée sur des solutions de type global impliquant le regroupement de plusieurs éléments culturels ou éducatifs. De même il est recommandé d'envisager des solutions inter-communales.

- En livres, mettre en circulation un volume par habitant (moyenne nationale) est un objectif raisonnable.

- Augmentation des incitations en faveur des communes dans le VIe Plan, en particulier, subventions étendues à l'achat des terrains destinés aux constructions de bibliothèques.

- Ces moyens exigent, pour être mis en œuvre, des ressources financières. Alors qu'en 1968, les dépenses effectuées en faveur de la lecture publique atteignaient (population urbaine et rurale) 10,50 F par habitant et par an en Grande-Bretagne, 12,60 F aux États-Unis, et 17,50 F au Danemark, les sommes consacrées à la lecture en France (population urbaine seulement) s'élevaient à 4,10 F par habitant, dont 3,77 F financés par les villes, et 0,23 F par l'État.

Il est indispensable que dès 197I, en une première étape, l'État attribue aux bibliothèques publiques un financement correspondant à 1 % du budget de fonctionnement de l'Éducation nationale sans qu'il soit porté préjudice pour autant aux autres types de bibliothèques et à l'Éducation nationale en général.

A partir de cet effort, et progressivement, les villes encouragées à intensifier encore l'action déjà menée par elles dans ce domaine, doivent dégager avec l'aide de l'État, les moyens permettant d'atteindre un objectif de 20 F par habitant et par an. Cette somme comprend l'effort des communes et de l'État dont la participation ne saurait être inférieure à 50 % étant entendu que la répartition des charges variera selon la situation des communes.

Un plan décennal de développement de la lecture publique avait été arrêté par le Gouvernement en 1968, à l'issue des travaux d'un groupe inter-ministériel, saisi de ce problème.

Le congrès de la F.N.C.C.C. demande avec insistance que ce plan prévoyant le dégagement de moyens importants puisse entrer en vigueur sans délai, sans porter préjudice à l'effort prévu par ailleurs dans le cadre du VIe Plan.