Une Expérience d'automatisation à la Bibliothèque du Centre universitaire de Luminy

Geneviève Kœst

La Bibliothèque du Centre universitaire de Luminy a entrepris une expérience d'automatisation du catalogage avec production de catalogues imprimés. Après la mise au point d'un bordereau type de catalogage et l'élaboration des programmes de travail, 2 fichiers ont été constitués en ordinateur (fichier statistique et fichier de base). Ces fichiers ont permis d'imprimer d'une part l'inventaire, tenu à jour à la fin de chaque semaine, d'autre part les catalogues auteurs et matières ainsi que leur mise à jour mensuelle et cumulative. D'autres expériences sont également en cours : catalogue collectif de périodiques, prêt automatisé et recherche documentaire.

Introduction

La Bibliothèque universitaire d'AIX-MARSEILLE, Section de LUMINY, se trouvait dans des conditions particulièrement favorables pour tenter une expérience d'automatisation.

Son fonds, en cours de constitution, n'est pas encore important (6 ooo volumes environ, périodiques et thèses exclus) et, dans les conditions économiques actuelles, ne peut s'accroître que lentement. La possibilité de reprendre l'inventaire et le catalogage avec des méthodes nouvelles pouvait être envisagée.

Comme le Centre universitaire de Luminy est pluridisciplinaire et expérimental, sa bibliothèque serait nécessairement « encyclopédique », pour employer le terme autrefois consacré, tout en présentant les caractéristiques des nouvelles sections : deux niveaux, libre accès, secteurs spécialisés. L'automatisation aiderait à résoudre les problèmes que pose ce dilemne.

Enfin, un ordinateur IBM 360-44 existant à proximité immédiate, au Centre de calcul numérique de LUMINY, des relations seraient faciles à établir entre les deux services.

Conditions et déroulement de l'expérience

Premières démarches.

Dès janvier 1969, les premiers contacts furent pris avec le centre de calcul dont le directeur voulut bien accepter l'étude de l'automatisation du catalogage au nombre des thèmes de recherche proposés dans son service.

Avec une grande libéralité, un des ingénieurs informaticiens du centre fut mis à la disposition exclusive de la bibliothèque, avec tous les moyens matériels indispensables : ordinateur, machine à perforer, disques, bandes magnétiques et cartes.

Après une initiation à l'informatique et les premières approches du problème, une analyse des différents services fut entreprise qui mit en lumière la complexité des opérations à réaliser dans une bibliothèque et leur inutile répétition. Il apparut que, dans la perspective d'une future gestion intégrée, il fallait débuter par le traitement des notices d'ouvrages, puisqu'elles sont à la base de tous les travaux : commandes, inventaire, catalogage, prêt, reliure, etc.

Un projet anglo-saxon pour l'enregistrement de ces notices, élaboré par la « Library of Congress », ayant été traduit et adapté aux normes françaises, sous le titre de Monocle 1, par M. Marc Chauveinc, conservateur à la Bibliothèque universitaire de Grenoble, section sciences de Saint-Martin-d'Hères, l'équipe de recherche se rendit à Grenoble pour étudier sur place l'état des travaux d'automatisation de cette bibliothèque.

Bordereau de catalogage.

Au retour de ce voyage d'étude, qui eut lieu les 20 et 21 octobre 1969, l'ingénieur informaticien de Luminy mit au point un bordereau type de catalogage. Ce bordereau est destiné à présenter les données de la notice catalographique d'un ouvrage et les informations statistiques le concernant, sous une forme et sous des codes qui permettent leur enregistrement sur cartes perforées puis sur bande magnétique et leur tri par ordinateur.

Il est important de perdre aussi peu de place que possible sur la bande magnétique, support des données stockées, qui constitue la mémoire auxiliaire de l'ordinateur, de manière à épargner le temps de recherche de la mémoire centrale, organe capable de contenir simultanément, pendant le temps nécessaire au tri, toutes les données fournies par la bande magnétique.

Le bordereau comporte donc une partie fixe, appelée fichier index et présentant 75 positions, pour les informations statistiques dont la longueur ne varie pas (langue, pays de publication, date de publication, fournisseur, prix, nombre d'exemplaires, etc...) et une partie variable, appelée fichier bibliothèque, pour la notice elle-même, dont la longueur est évidemment différente pour chaque ouvrage.

Cette notice est transcrite dans l'ordre traditionnel sur le bordereau et suivie, comme pour une fiche de base, du rappel des vedettes, mais ses différents éléments sont décomposés et séparés par des signes conventionnels pour permettre de serrer au maximum les données sur la bande magnétique, tout en fournissant à la mémoire centrale la possibilité de les lire et d'effectuer ses tris à partir de chaque élément.

Chacun de ceux-ci s'inscrit dans une zone donnée, qui lui est réservée et à l'intérieur de laquelle étiquettes et indicateurs permettent de signaler des cas particuliers et de préciser des caractéristiques. Enfin, des codes de sous-zones séparent entre elles les différentes parties d'un même élément.

Le type du bordereau une fois mis au point et adopté pour Luminy, le personnel de la bibliothèque commença à s'initier à ce nouveau mode de catalogage. Le travail, assez lent au départ, devient rapidement routinier, car les ouvrages courants ne présentent généralement que des cas tout à fait classiques pour lesquels les codes à utiliser peuvent être retenus de mémoire. Une grande minutie doit cependant y être apportée et il est indispensable de procéder à une vérification soigneuse des bordereaux pour éviter au maximum toute erreur, même matérielle. Si l'ordinateur est un outil merveilleux, aux possibilités presqu'illimitées, il est aussi impitoyable pour les défaillances humaines et exige une perfection absolue du travail de base. Une lettre omise, un point ajouté peuvent entraîner une grave erreur de classement et avoir des conséquences sans commune mesure avec l'importance de la faute initiale.

Programmes.

En même temps que se rédigeaient les premiers bordereaux, l'ingénieur informaticien abordait l'élaboration des programmes, c'est-à-dire des instructions précises données à la machine dans un langage symbolique, ici le Fortran, pour qu'elle exécute tel ou tel tri déterminé, en respectant les règles qui lui sont imposées

Pour chaque opération, un programme particulier doit être prévu : vérifications, composition des notices, tris divers et impression. Mais ces programmes sont établis une fois pour toutes et, lorsqu'ils ont été éprouvés et jugés satisfaisants, il ne reste plus qu'à les mettre en œuvre régulièrement, au rythme des besoins du service.

De ce travail fondamental de programmation dépend toute la valeur de l'expérience. La rapidité d'aboutissement du projet et la qualité du résultat sont fonction de la qualité des programmes et de l'habileté avec laquelle ils ont été conçus. Elles sont fonction, au même degré, de l'étroitesse de la collaboration entre informaticien et bibliothécaires. Ces derniers doivent exposer avec clarté à leur ingénieur les buts poursuivis, l'initier aux règles de catalogage et lui en expliquer les raisons d'être de manière à éclairer son travail. Ils doivent enfin et surtout procéder avec lui à des essais répétés pour découvrir l'origine d'erreurs, inévitables au début.

Il ne semble ni possible, ni même souhaitable de former des bibliothécaires à une technique hautement spécialisée, particulièrement délicate qui demande, pour donner des résultats sérieux, plusieurs années d'étude approfondie et doit rester le domaine propre de l'informaticien.

La solution la plus rationnelle serait, sans aucun doute, d'attacher à une expérience le spécialiste qui l'a mise au point, en créant un poste d'ingénieur-informaticien pour un groupe de bibliothèques intéressées, ce qui permettrait, par ailleurs, de développer d'année en année le projet, jusqu'au but proposé qui est la gestion totalement intégrée et la documentation. Faute de quoi il ne s'agirait plus que d'un jeu coûteux et non d'une expérience utile pour l'avenir.

La solution proposée ici semble préférable, par exemple, à celle qui consisterait à établir un contrat avec une firme spécialisée dans l'informatique mais dont les relations avec la bibliothèque risqueraient d'être trop lointaines et trop espacées, puisqu'il est indispensable, pour l'informaticien, d'avoir une bibliothèque à sa portée et pour les bibliothécaires de collaborer directement, au jour le jour, avec leur informaticien. Celui-ci, d'ailleurs, n'ayant pas simultanément des projets d'un autre ordre à traiter, deviendrait un spécialiste qualifié dans le domaine bibliothéconomique.

Exploitation des programmes.

Pour tester et mettre au point les programmes, les premiers essais d'entrée en machine et de sortie sur imprimante furent tentés à l'aide des bordereaux de catalogage remplis à la bibliothèque. Les tests portèrent sur 20, 50, 100, 200 puis 1 ooo ouvrages.

Pour permettre le traitement par ordinateur, les données de chaque bordereau doivent être reportées sur cartes perforées : pour le fichier index, une seule carte; pour le fichier bibliothèque, une ou plusieurs cartes par étiquette utilisée, suivant la longueur des données enregistrées.

Le travail de perforation, exécuté à l'origine au centre de calcul par un personnel spécialisé, dut, lorsque le rythme s'accéléra, être repris en charge par la bibliothèque, mais une machine à perforer reste, en permanence, à sa disposition. Une auxiliaire de bureau, habile dactylographe, a accepté d'être initiée à cette technique nouvelle et s'acquitte de la tâche avec une exactitude et une rapidité qui facilitent la correction.

C'est l'informaticien seul qui préside au traitement en machine, dont l'ensemble constitue un système, les diverses opérations se trouvant liées logiquement les unes aux autres. Ce traitement peut, très schématiquement, se résumer comme suit.

L'ordinateur procède, tout d'abord, à une première lecture des cartes, en détectant, parmi les erreurs éventuelles, celles qui peuvent être décelées mécaniquement. Il sort un listing, c'est-à-dire une première impression qui reproduit exactement les bordereaux dans leur ordre d'entrée en signalant les erreurs.

Le personnel de la bibliothèque relit ce listing, pour repérer, le cas échéant, d'autres erreurs, telles que fautes d'orthographes par exemple, dont la détection mécanique est impossible. L'ensemble des erreurs est alors corrigé par la mécanographe sur les fiches perforées, de telle sorte que, grâce à une duplication automatique, aucune faute nouvelle ne puisse être introduite.

La machine procède à une seconde lecture, puis à une vérification des cartes et établit un nouveau listing des erreurs, s'il en subsiste encore, pour qu'elles soient corrigées comme précédemment.

L'opération peut, dès lors, se poursuivre jusqu'à son terme. Les données sont d'abord montées sur bande magnétique. Ensuite, dans un premier temps, les fichiers sont constitués : fichier statistique pour les données statistiques permettant une sélection rapide, fichier de base pour les données générales. Dans un second temps, les notices catalographiques sont constituées et accompagnées des éléments qui permettront le tri. Enfin, la machine exécute ce tri lui-même, en fonction du programme qui lui est proposé et transmet le résultat à l'imprimante.

Résultats

Dès que les résultats parurent assez satisfaisants pour que la phase opérationnelle puisse être envisagée, la rédaction systématique des bordereaux commença. Trois sous-bibliothécaires y prirent part et un plan fut établi pour entreprendre simultanément le catalogage automatisé pour les nouvelles acquisitions et pour tous les ouvrages entrés antérieurement à la bibliothèque et figurant déjà aux catalogues traditionnels. Travail très lourd, puisque la rédaction et la multigraphie des fiches n'étaient pas, pour autant, abandonnées en ce qui concerne les acquisitions.

Il apparut bientôt que les deux opérations ne pourraient plus être menées longtemps de front. Une décision s'imposait : abandonner l'expérience ou la poursuivre jusqu'à son terme. Dans le premier cas, tout le travail accompli jusque-là se réduisait à un exercice gratuit dépourvu d'utilité. Dans le second cas, il fallait accepter toutes les conséquences de l'expérience. Ce qui fut fait.

Deux éventualités se présentaient alors. Il restait possible de maintenir les méthodes traditionnelles, c'est-à-dire l'inscription aux registres et les catalogues sur fiches qui, dans ces conditions, seraient produites par l'ordinateur et intercalées manuellement, comme à la Bibliothèque royale de Belgique. Mais c'était maintenir la répétition d'une même opération que l'automatisation, justement, devait éviter et se priver de l'avantage essentiel de l'ordinateur qui est de coordonner et de trier.

Adopter les méthodes nouvelles, par contre, c'était utiliser au maximum les possibilités offertes par la machine qui se chargerait à la fois de l'inventaire et des catalogues. Désormais, la seule opération nécessaire à l'entrée d'un ouvrage à la bibliothèque consisterait à établir son bordereau de catalogage.

Inventaire.

Dans ces conditions nouvelles, le numéro d'entrée en machine, donné automatiquement par l'ordinateur, sert de numéro d'inventaire. Il s'inscrit dans une série numérique unique qui ne permet pas de tenir compte d'une différenciation par format ou d'une classification large, conforme aux Instructions concernant les nouvelles sections et les sections transférées des bibliothèques des universités du 20 juin 1962 2.

Les ouvrages appartenant à une collection sont traités comme des monographies isolées et, pour leur regroupement, le registre de collections sur feuillets mobiles est provisoirement maintenu, de même que celui des périodiques, qui continuent à faire l'objet d'un traitement spécial, en attendant l'établissement d'inventaires particuliers, automatisés.

L'inventaire général sort sous la forme d'un listing, de présentation améliorée, donnant la reproduction des bordereaux dans leur ordre d'entrée en machine, avec toutes les informations statistiques qu'ils contiennent et le rappel des vedettes. Inventaire donc beaucoup plus complet et plus précis que celui des registres d'autrefois, puisqu'on y retrouve l'ensemble des renseignements matériels et bibliographiques concernant un ouvrage donné et que des modifications peuvent toujours y être apportées. Cet inventaire est mis à jour à la fin de chaque semaine.

Catalogues.

Quant aux catalogues, ils sont désormais imprimés, ce qui permet de les diffuser et de les distribuer dans les salles des deux niveaux en nombreux exemplaires. Les fichiers traditionnels ont disparu et avec eux le problème de la multigraphie des fiches et de leur intercalation. Cependant, sous la forme imprimée, les catalogues ne peuvent plus être tenus à jour au fur et à mesure des intercalations. Il fallait donc prévoir un rythme de publication et une solution d'attente pour la période intermédiaire.

Deux catalogues ont été édités, l'un alphabétique d'auteurs, l'autre alphabétique des matières, contenant l'ensemble des ouvrages de la bibliothèque à la date de leur réalisation. Ces catalogues seront complétés, chaque mois, par une mise à jour mensuelle, elle-même cumulative et qui aboutira, à la fin de l'année, à la refonte générale de chacun des deux catalogues. Le délai de signalisation des ouvrages n'est donc pas plus élevé que la normale. Pendant la période d'un mois séparant deux mises à jour des catalogues, on dispose à la fois de l'inventaire hebdomadaire, par ordre numérique, et des bordereaux classés par noms d'auteurs qui permettent toute recherche éventuellement nécessaire sur les dernières entrées, soit pour la vérification des commandes, soit pour l'information des lecteurs.

D'autres possibilités auraient pu être envisagées : catalogue-dictionnaire, par exemple, ou catalogue alphabétique d'auteurs avec table des sujets. Ni l'une, ni l'autre n'ont été retenues. Dans le premier cas, les notices auraient nécessairement figuré au complet sous chaque vedette matière, en même temps que sous la vedette principale d'auteur, ce qui représentait une dilapidation inutile du temps-machine. Dans le second cas, le lecteur aurait été contraint de consulter la table par sujets et de se reporter au corps du catalogue. La réponse à sa question ne serait pas directe.

C'est donc une troisième solution qui a été adoptée : à côté du catalogue d'auteurs fondamental dans toute bibliothèque, c'est un catalogue abrégé des matières qui a paru satisfaire à la double exigence économie du temps-machine et renseignements directs suffisants.

Ce catalogue s'apparente au type connu sous le nom de Kwoc (Key word out of context), mais l'informaticien de Luminy l'a rendu plus satisfaisant, plus lisible et mieux adapté aux besoins d'une bibliothèque. Chaque référence est donnée sur une seule ligne de 130 caractères. A chaque ligne, 30 caractères sont réservés pour le mot-clé, ce qui permet une certaine différenciation, 80 pour les nom et prénom de l'auteur et le titre réduit à son premier élément, enfin 20 pour la cote et le numéro d'inventaire. De cette manière le lecteur a, dans la plupart des cas, des renseignements suffisants qui lui évitent de consulter le catalogue d'auteurs. Il peut, s'il le désire, trouver immédiatement l'ouvrage sur les rayons.

A côté de ces catalogues et pour l'information des chercheurs, ou, d'une manière générale, de tous les usagers de la bibliothèque, une liste systématique des nouvelles acquisitions sera diffusée, chaque mois, dans tous les services du Centre universitaire. Elle ne donnera lieu à aucune refonte.

Autres réalisations.

Enregistrement et catalogage sont les travaux de base d'une bibliothèque, que l'ordinateur prend simplement en charge, mais il offre aussi toute une gamme de possibilités nouvelles. Il exécute, notamment, dans un temps record les calculs statistiques les plus variés (100 à la fois à Luminy). Il est capable de répondre presque instantanément aux questions posées en sortant, par exemple, un tableau de pourcentages portant sur les ouvrages étrangers, les traductions, les ouvrages publiés dans telle ville ou telle langue, fournis par tel libraire, dépassant tel prix ou tel nombre de volumes, etc.

A la demande il établira, de même, une liste des ouvrages placés dans telle salle, dépassant tel format, existant sur tel sujet, appartenant à telle grande branche des sciences etc... Il fournit ainsi, et tient à jour à Luminy, des concordances entre numéros d'inventaire et cotes systématiques, dans l'ordre des salles et de la disposition sur les rayons, qui rendent inutiles un catalogue topographique et facilitent considérablement le récolement, toujours très lourd en libre accès.

C'est dans ce domaine que la machine présente des possibilités originales, exploitables soit pour l'administration, soit pour la documentation, et que son apport à la bibliothéconomie sera déterminant.

Impression des catalogues.

Une décision aussi grave que celle d'abandonner registres d'inventaire et catalogues sur fiches ne pouvait être prise avant qu'une démonstration pratique de l'efficacité des nouvelles méthodes n'ait été faite.

Les catalogues sortent de l'imprimante sur papier continu de grand format (36,5 X 48 cm) en exemplaire unique. Pour pouvoir les diffuser et surtout en mettre de nombreux exemplaires à la disposition des lecteurs dans les salles des deux niveaux, de manière à juger de leur commodité, il fallait réduire chaque page et la reporter sur un cliché offset qui en permettrait le tirage dans le format et le nombre d'exemplaires désirés.

La section ne disposait pas de l'appareil indispensable à ce travail. Contact fut donc pris avec la maison KODAK de Marseille. Elle accepta d'exécuter gratuitement 20 clichés qui furent tirés sur la petite AB-DICK 320 de la bibliothèque par un magasinier. Les exemplaires furent assemblés à la main et reliés à l'aide de l'ORPO-PLANAX du service.

Le test fut très satisfaisant, mais restait un simple test. Pour passer à l'exploitation régulière, il fallait des appareils importants, dont l'acquisition dans l'immédiat ne pouvait être envisagée.

C'est alors qu'une fois encore le projet fut favorisé par la chance. Un technicien, appartenant à un gros atelier de reprographie d'une autre faculté de Marseille et travaillant à mi-temps au centre universitaire, offrit de faire exécuter temporairement le travail, au prix coûtant des clichés et fournitures diverses, dans cet atelier bien équipé pour la réduction-reproduction, l'offset, l'assemblage et la reliure.

Désormais, le projet pouvait entrer dans sa phase opérationnelle. Les notices de tous les ouvrages acquis par la bibliothèque avant le début de l'expérience ayant été stockées sur bande magnétique, le nouvel inventaire est complet. Les catalogues généraux, alphabétiques d'auteurs et de matières, vont être diffusés et leur mise à jour régulière commencera, en même temps que la publication des listes systématiques de nouvelles acquisitions. Le travail prendra alors son cours normal, au rythme des entrées d'ouvrages, et le développement de l'expérience dans de nouvelles directions se poursuivra.

Prêt automatisé

Sur la base de ces résultats, une première expérience de gestion automatisée pouvait être tentée. Elle a porté sur le prêt à domicile, qui pose actuellement un problème dans toutes les bibliothèques. Son automatisation devait simplifier les opérations, pour le service comme pour les lecteurs, et améliorer le contrôle des ouvrages empruntés.

Deux types de bordereaux ont été établis pour l'entrée des données en machine et la constitution de deux fichiers sur bandes magnétiques : fichier des lecteurs et fichier des ouvrages empruntés.

Le premier bordereau comporte tous les renseignements concernant un lecteur donné : numéro d'inscription à la bibliothèque, nom, prénom, qualité ou scolarité, adresse, etc.

Le second bordereau est destiné à l'enregistrement des ouvrages empruntés au cours d'une journée. Pour chaque ouvrage sont indiqués le numéro du lecteur emprunteur, le numéro inventaire de l'ouvrage emprunté et, éventuellement, le tome, le fascicule ou l'exemplaire. Chaque volume fait l'objet d'une inscription distincte, même s'il s'agit de plusieurs tomes d'un même ouvrage. Plusieurs bordereaux peuvent être remplis le même jour à différents bureaux de prêt, par différents gardiens ou magasiniers.

Au début de l'année scolaire, le fichier des lecteurs est constitué et une carte individuelle établie pour chacun d'entre eux. Désormais, pour emprunter, le lecteur n'a plus aucun bulletin à remplir. Il présente au bureau du prêt sa carte individuelle en même temps que les ouvrages qu'il désire emporter. Le gardien note sur son bordereau les indications nécessaires et rend les ouvrages à l'emprunteur. Un système de jetons permet un contrôle rigoureux à la sortie.

A la fin de la journée, les données des bordereaux sont transférées sur cartes perforées. Ces cartes sont conservées dans un fichier au service du prêt pour être retirées au fur et à mesure des restitutions.

Chaque jour sont communiquées à la machine les cartes des ouvrages sortis et celles des ouvrages rendus. Elle fait alors le bilan journalier sous forme de listes imprimées, contrôle le délai de prêt, établit les réclamations et peut, à tout moment, répondre à toute question posée par le service.

Ce système entrera en vigueur dès la rentrée universitaire 1970-7I. Il ne nécessite l'acquisition d'aucun matériel. Dans l'avenir, une Addressograph 9600 devrait permettre la simplification des opérations, chaque lecteur et chaque livre étant représentés par une carte plastique directement lisible par le lecteur optique qui établira lui-même la carte perforée de prêt, éliminant toute source d'erreur humaine.

Projets

Le but de l'expérience restant l'automatisation progressive de toutes les opérations réalisées à la bibliothèque par les moyens traditionnels et le développement d'autres activités, la recherche se poursuit avec deux objectifs nouveaux : catalogue collectif des périodiques des différentes sections d'Aix-Marseille et documentation, but ultime de tout projet d'automatisation dans une bibliothèque.

Catalogue collectif des périodiques.

Un catalogue des périodiques semble la première réalisation collective souhaitable, sur la base de l'expérience de Luminy, et la première extension possible du système à d'autres bibliothèques. Il constituerait, sur place, un instrument de travail d'un grand intérêt pour les chercheurs et déchargerait chaque section du soin de mettre régulièrement à jour son propre catalogue. Dans une seconde étape, le recensement s'étendrait, plus tard, aux bibliothèques des services et laboratoires des U.E.R. d'Aix-Marseille et à toute autre bibliothèque universitaire intéressée.

Des réunions entre responsables du service des périodiques dans les différentes sections sont prévues pour répartir et organiser le travail et pour mettre au point les règles à suivre dans la rédaction du catalogue et la présentation des notices. Deux bordereaux de catalogage spéciaux seront mis au point. L'un pour l'histoire du périodique, avec ses changements de titre et les périodes qu'il couvre, l'autre pour l'état des collections dans chaque bibliothèque. De nombreux problèmes se poseront et devront être résolus par une recherche commune.

Documentation.

Quant à la documentation, deuxième objectif des études en cours, elle constituerait une des étapes de l'automatisation les plus utiles pour les lecteurs en permettant une meilleure exploitation des ressources de la bibliothèque, grâce à une analyse des ouvrages beaucoup plus poussée que pour le catalogue matières et, plus tard, grâce à l'analyse d'articles de périodiques.

L'ingénieur informaticien de Luminy ayant assisté au congrès de documentation automatisée qui s'est tenu à Bordeaux en avril 1970 a établi, dès son retour, les grandes lignes d'un projet.

La documentation constituera, naturellement, un problème tout à fait distinct de celui du catalogage. Il s'agira, cette fois, d'entrer en mémoire, sur un fichier particulier, les mots-clés renvoyant aux numéros d'inventaire des ouvrages, avec référence aux chapitres et pages intéressants. Ces informations ne donneront lieu à aucune publication régulière, mais seront simplement stockées sur bande magnétique pour être sorties à la demande sous forme de listes de références sur un sujet donné.

Là encore, les problèmes seront nombreux et particulièrement délicats. Le travail le plus urgent consistera à élaborer le lexique, c'est-à-dire, pour chaque domaine de recherche, la liste des mots-clés utilisés. Ces mots seront alors regroupés en notions abstraites, par relations d'équivalence, pour former le thesaurus particulier de Luminy. Entre ces différentes notions, de nouvelles relations d'inclusion et de voisinage seront établies pour permettre à l'ordinateur de répondre, avec une précision satisfaisante, aux questions qui lui seront posées.

Frais de fonctionnement et matériel

L'expérience de Luminy ne saurait être exposée sans que les incidences budgétaires de l'opération soient envisagées. Elle s'est déroulée, au titre de la recherche, dans des conditions de gratuité totale, tant pour l'élaboration des programmes que pour les heures d'utilisation de la machine. Les frais de fonctionnement ne débuteront qu'avec l'exploitation régulière des programmes et l'ouverture de la phase opérationnelle.

Frais de fonctionnement.

Quelques chiffres seront cependant donnés ici pour fixer un ordre de grandeur. La réalisation de l'inventaire et des catalogues auteurs et matières de 5 000 ouvrages exige dix heures de travail de l'ordinateur, à 800,00 fr l'heure, soit une dépense de 8 000,00 fr.

L'accroissement des collections et, par conséquent, celui des catalogues élèverait progressivement le prix de revient de ceux-ci. Indépendamment de toutes les opérations préalables, la seule impression du catalogue de 100 000 ouvrages représenterait le montant de 30 heures de travail-machine, soit une somme de 24 000,00 fr.

Au rythme actuel des acquisitions dans les bibliothèques universitaires françaises, le prix de revient annuel de l'inventaire, des mises à jour et des listes d'acquisitions s'élèverait à environ 20 000,00 fr par an.

Il faut signaler, cependant, que les heures d'utilisation de la machine peuvent être réduites au temps d'entrée et de tri en mémoire grâce à un appareil appelé imprimante off-line, capable de lire les bandes magnétiques et d'imprimer les données qu'elles contiennent, sans intervention de l'ordinateur.

Si l'on se rappelle qu'une bibliothèque nouvelle à deux niveaux dépense, en moyenne, 20 000,00 fr pour le nettoyage de ses locaux et souvent plus de 50 000,00 fr pour le chauffage et l'éclairage annuels, sans parler de l'entretien des espaces verts, la somme qui serait consacrée, chaque année, à un fonctionnement plus rationnel semble relativement modeste.

Matériel.

Comme il a été dit précédemment, l'expérience n'a exigé l'acquisition d'aucun matériel. Il n'est pas question, pour une bibliothèque française, de travailler, sur son propre ordinateur, mais, dans des conditions moins favorables qu'à Luminy, elle devrait posséder un appareillage auxiliaire.

Pour l'entrée des données en machine, selon le type de l'ordinateur utilisé, il est indispensable de disposer soit d'une perforatrice de cartes, soit d'une génératrice de bandes magnétiques, soit encore d'un terminal à liaison directe, ce qui représente une location d'environ 400,00 fr à 640,00 fr par mois.

Par contre, pour la reprographie, beaucoup de bibliothèques disposent déjà d'appareils de réduction du type Platemaster Kodak et de machines offset AB-Dick ou Rotaprint.

De grosses machines assembleuses ou encolleuses Super-Gater Matic (30 000,00 fr environ) ou Auto-Minabinda (35 000,00 fr environ) ne seraient nécessaires, pour l'assemblage et la reliure des exemplaires des catalogues et listes publiés, que dans la perspective d'un atelier travaillant au profit de plusieurs bibliothèques.

Conclusion

A la lecture de ce compte rendu, certains estimeront peut-être que les méthodes nouvelles ne feront que grever le budget d'une bibliothèque pour des travaux que son personnel a toujours exécutés sans frais. D'autres n'y verront qu'un moyen, pour les bibliothécaires, d'éluder leur tâche quotidienne dans une bibliothèque « presse-bouton ». Ce serait, dans l'un et l'autre cas, méconnaître entièrement le problème et porter un jugement sommaire.

L'automatisation n'allège pas le travail, elle ne fait que le transformer, limitant la routine et favorisant l'initiative. Au stade de la recherche, elle exige un personnel choisi, un surcroît d'efforts, le sens du travail en équipe et une tension continue vers le but à atteindre.

Par la suite, au stade de la gestion intégrée, les bibliothécaires, libérés de beaucoup de travaux matériels, pourront consacrer plus de temps à la partie propremen scientifique de leur travail, à l'analyse aboutissant au choix des mots-clés et de la classification, à la recherche documentaire au profit des chercheurs, à l'orientation des lecteurs et, éventuellement, à l'enseignement de la bibliographie aux étudiants.

L'automatisation d'une bibliothèque va beaucoup plus loin que la simple exécution mécanique de son inventaire et de ses catalogues. Ce n'est là qu'une première étape qui doit aboutir à une organisation plus rationnelle, supposant une meilleure coordination des opérations, une division plus logique et un contrôle plus rigoureux du travail, enfin et surtout une planification générale, en particulier dans le domaine des achats. L'automatisation ne pourra pas se limiter à tel ou tel établissement, mais s'étendra sur le plan régional et national pour porter les bibliothèques françaises à un niveau d'efficacité plus élevé que permet d'espérer l'évolution de la technique contemporaine.

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Annexe 1

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Annexe 2

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Annexe 3

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Annexe 4

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Annexe 5

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Annexe 6