La lecture chez des lycéens marocains et européens

Robert Laredo

L'enquête menée auprès de lycéens dans le cadre de la Bibliothèque de la mission universitaire et culturelle française de Casablanca permet de déterminer l'indice de fréquentation, les goûts et les désirs de jeunes lecteurs sous le double rapport de la nationalité et du niveau scolaire.

L'enquête dont on lira plus loin les résultats a été effectuée dans une grande bibliothèque de Casablanca 1 au début de l'année 1966. Indépendamment des enseignements pratiques que l'on peut tirer d'une telle enquête en vue d'une gestion plus rationnelle de la bibliothèque, il nous a semblé que les réponses à certaines questions pouvaient contribuer à une meilleure connaissance de l'indice de fréquentation des bibliothèques, des goûts et des désirs en matière de lecture de deux populations de jeunes lycéens de nationalité différente. Comparés entre eux, ces indices, ces goûts, ces désirs sont-ils, au niveau des nationalités 2, différents dans l'ensemble ou bien existe-t-il des affinités, voire des similitudes ? Dans quelle mesure peut-on expliquer les résultats obtenus ? C'est à ces questions que nous essaierons de répondre dans le cadre de cette étude; auparavant nous ferons quelques remarques sur les éléments qui ont servi à notre travail.

- Remarques générales.

Au 24. novembre 1965 le nombre de personnes inscrites à la bibliothèque s'élevait à 7 586 dont environ 50 % de Marocains et 50 % d'étrangers européens. La majorité des lecteurs est composée de jeunes des deux nationalités (5 310 soit 70 % du total, 66 % de Marocains contre 34 % d'Européens) âgés de 15 à 21 ans. Les lecteurs adultes (30 % du total) sont surtout des Européens (88 % contre 12 % de Marocains) 3.

Il nous a fallu distinguer entre personnes inscrites et personnes inscrites qui empruntent des livres 4, c'est sur cette dernière catégorie que notre enquête a porté. En dépouillant la documentation mise à notre disposition nous avons constaté que le nombre de personnes qui empruntaient des livres chaque quinzaine 5 était constant même lorsque le nombre des inscrits et des ouvrages proposés augmentait. Le nombre de lecteurs ainsi dénombrés varie entre 1 800 et 2 200; à ce niveau la répartition entre jeunes et adultes et entre nationalités est la même que précédemment c'est-à-dire qu'il faut compter environ 1 400 jeunes lecteurs (entre 15 et 2I ans).

I. Ouvrages proposés et ouvrages choisis :

Le nombre de livres proposés s'élevait, au moment de l'enquête, à environ 16 200, répartis comme l'indique le tableau III 6.

Il ne nous appartient pas ici de discuter du bien-fondé des genres de cette liste : donnons toutefois quelques précisions sur le contenu de certaines catégories. La catégorie Islam est composée d'ouvrages sur le Maghreb, surtout le Maroc (histoire, sciences sociales, organisation économique, religieuse, etc...) et de quelques livres sur le Moyen-Orient. La catégorie adolescents comprend surtout des ouvrages de collections de jeunesse, (Bibliothèque rouge et or, verte, etc...); la catégorie littérature comprend les classiques des XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles : théâtre, poésie, essai, contes à l'exclusion des romans, peinture, sculpture, architecture, musique.

En dépouillant les listes d'ouvrages lus chaque quinzaine nous avons pu établir un classement des genres les plus demandés par l'ensemble des lecteurs (jeunes et adultes). Nous avons par ordre décroissant :

2. Le questionnaire.

C'est un questionnaire écrit, relativement court, de 23 questions dont six d'identification, qui a été proposé. Nous avons procédé par inférence : cherchant à connaître les goûts, nous avons demandé de choisir parmi des genres, de citer des écrivains ou des titres d'ouvrages favoris. Les réponses étaient préétablies ou libres mais très brèves dans ce dernier cas. Le petit nombre de questions et leur simplicité ont permis d'obtenir des réponses plus sincères et plus nombreuses sauf pour les questions se rapportant aux souhaits où le pourcentage de non-réponse est élevé.

Les vingt-trois questions se décomposent ainsi : six questions d'identification dont une facultative concernant les noms et prénoms; trois questions concernant la fréquentation de la bibliothèque ; onze questions portant sur les goûts en matière de lecture (genres, écrivains, titres, revues), deux questions sur les souhaits et une question énumérant les facteurs pouvant avoir une influence sur le choix des lectures.

3. L'échantillon.

Il nous était matériellement impossible 7 de convoquer ou de repérer à l'avance la population à interroger. Nous avons procédé à un échantillonnage parmi les 1 400 jeunes Marocains et Européens qui empruntaient des ouvrages. Nous avons interrogé le dixième de cette population soit 140 sujets, 92 jeunes Marocains musulmans et 48 Européens; en fait nous avons dénombré 129 réponses exploitables (89 de jeunes Marocains et 40 de jeunes Européens) (voir tableau V). Les questionnaires étaient remplis par les intéressés dans la bibliothèque même. Il est évident que nos résultats ne peuvent s'appliquer qu'aux élèves marocains et européens des établissements non techniques des plus grandes villes du Maroc, là où il existe des possibilités importantes de lecture en dehors des lycées ou collèges.

II. Résultats.

Nous analyserons les résultats par question en fonction tout d'abord de la nationalité. A titre de comparaison nous confronterons ceux de nos résultats obtenus auprès de la population de jeunes lycéens marocains avec ceux portant sur des questions similaires et publiés dans l'ouvrage d'Adam 8. Cette enquête, effectuée en 196I, portait sur 418 garçons et filles des lycées de Casablanca et de Fès dont 184 garçons des lycées et collèges de Casablanca de 4e à 6e année : ce dernier échantillon, comme on le voit, se rapproche beaucoup du nôtre.

A) En fonction de la nationalité :

Question 7 : Combien de fois par semaine venez-vous à la bibliothèque ?

Les jeunes Marocains se rendent plus souvent à la bibliothèque que les jeunes européens, 60 % s'y rendent deux fois et plus contre 30 % chez les Européens.

Question 8 : Aimeriez-vous y venir plus souvent ou bien estimez-vous suffisant le nombre de fois où vous vous y rendez ?

Les jeunes Marocains qui comme nous l'avons vu plus haut se rendent plus fréquemment à la bibliothèque que les jeunes européens aimeraient s'y rendre plus souvent encore. Détail intéressant et valable pour les deux groupes : ce sont les sujets qui se rendent le plus souvent à la bibliothèque qui désireraient y retourner davantage (26 des 32 jeunes Marocains s'y rendant deux fois, 8 sur 9 de ceux qui y vont trois fois et tous ceux qui s'y rendent quatre fois et plus contre 18 des 36 jeunes Marocains s'y rendant une fois).

Question 9 : Êtes-vous inscrit à d'autres bibliothèques ? Si oui dites auxquelles.

La grande majorité des élèves interrogés n'est pas inscrite à d'autres bibliothèques. Les jeunes Marocains inscrits à d'autres bibliothèques le sont à la Maison d'Amérique, les jeunes Européens se partagent entre la bibliothèque du lycée et la Maison de la jeunesse étudiante.

Question 10 : En moyenne, combien de livres empruntez-vous par mois ?

Si l'on compare dans les deux groupes ceux qui empruntent quatre livres et plus, la différence n'est pas significative. On ne peut pas dire que les jeunes Européens empruntent plus d'ouvrages que les jeunes Marocains. Les réponses à cette question ne nous renseignent pas sur le nombre de livres lus : « livres empruntés » ne signifiant pas toujours « livres lus ».

Question II : Est-ce que vous lisez des livres en dehors de ceux consacrés à vos études?

La réponse est affirmative dans les deux groupes (100 %).

Question 12 : Parmi les genres énumérés ci-dessous, tels qu'ils existent dans la bibliothèque, indiquez quels sont les deux que vous aimez le plus ? (suit la liste des genres)

a) Résultats (par rang)

Si nous confrontons ces deux classements avec celui valable pour l'ensemble des lecteurs (voir p. 179) quelques remarques s'imposent. Le genre adolescent qui vient au second rang dans la liste établie à partir des livres effectivement choisis n'occupe respectivement que les 8e et 12e rangs chez les jeunes marocains et européens. Les jeunes des deux groupes montrent une certaine gêne à avouer leur penchant pour cette catégorie d'ouvrages. Le genre littérature qui est au 6e rang dans la première liste se trouve au 4e rang dans les deux groupes : il y a tout lieu de penser que cette catégorie d'ouvrages n'est choisie que par la population jeune de la bibliothèque; au contraire le genre « sciences appliquées » est surtout choisi par la population adulte.

Si maintenant nous comparons les classements des deux groupes (jeunes Européens et jeunes Marocains) une identité de goût apparaît clairement. Les deux genres qui viennent en tête sont identiques (romans et philosophie) dans les deux classements et les genres occupant la 4e et 5e place sont les mêmes (littérature et histoire). Les seuls écarts importants proviennent de la place de la géographie : au 3e rang chez les jeunes Européens et au 8e rang chez les jeunes Marocains et de celle de l'Islam au dernier rang chez les jeunes Européens et au 7e chez les jeunes Marocains encore que chez ces derniers on aurait pu s'attendre à un meilleur classement. Les deux groupes montrent une préférence marquées pour les genres ittéraires aux dépens des genres scientifiques.

b) Pourcentage et différences significatives :

Dans les deux classements la proportion des sujets ayant choisi les mêmes genres est la suivante pour les cinq premières places.

Les genres qui recueillent le plus grand nombre de voix sont les mêmes, et il n'y a pas de différence « d'intensité » significative dans les goûts pour les mêmes genres. Si nous regroupons les choix qui, dans chaque groupe, se sont portés sur les genres littéraires et les genres scientifiques, nous constatons qu'il n'existe pas de différence significative entre les groupes. On ne peut donc pas dire que les jeunes Européens aiment plus les genres scientifiques que les jeunes Marocains comme pourrait le laisser croire le classement où cette tendance se dessine.

c) Comparaison avec les résultats publiés dans l'ouvrage Une Enquête auprès de la jeunesse musulmane.

Question 52 (page 72) : « Quel est le genre de livre que vous préférez (roman, histoire, voyage, technique, etc...) ? » Notons le biais introduit par ce type de question; les quatre genres les plus souvent cités sont les quatre proposés en exemple et dans le même ordre le plus souvent. Aussi, le fait que le roman arrive en tête comme dans notre classement n'est pas probant. De même la 3e place qu'occupe l'histoire chez les garçons de Casablanca, ce résultat étant en contradiction avec les réponses faites à la question 31 (page 34) où selon l'auteur « ... l'histoire a peu de succès : 2 à 3 % » (page 36). Les réponses à cette même question 31 montrent que les sciences sont considérées comme les disciplines les plus importantes 9, ce qui ne correspond pas à nos résultats. Ce désaccord est peut-être dû au plus grand nombre d'élèves fréquentant des établissements techniques dans l'échantillon d'Une Enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc ; mais peut-être nos résultats confirment-ils que les affinités du lycéen marocain pour les disciplines « littéraires » sont toujours aussi vivaces au moins au stade des préférences. Il est sans doute prématuré de conclure.

Question 14 : Quels sont, par ordre d'importance, vos trois écrivains favoris ?

Si nous avons demandé aux sujets de classer leurs écrivains favoris, c'était plus pour les obliger à un effort de réflexion avant de répondre que pour tenir compte du classement proprement dit.

Les jeunes Marocains ont cité 85 auteurs différents et les jeunes Européens 59, les choix de ceux-ci sont plus variés en égard à leur nombre dans l'échantillon. Les deux groupes ont en commun 26 auteurs qui sont parmi les plus cités.

Dans les deux groupes, Hugo est en tête mais plus largement chez les jeunes Marocains où il est choisi par 39 % des sujets contre 25 % chez les jeunes Européens. Les trois auteurs ayant recueilli le plus de voix sont les mêmes pour les deux groupes (Hugo, Camus et Sartre). En étudiant de plus près les listes d'auteurs choisis on voit qu'elles se composent en très grande partie d'écrivains du XIXe et du xxe siècle, les premiers pouvant être considérés comme plus proches des programmes scolaires que les seconds.

Si maintenant on range dans chaque groupe les choix selon l'appartenance des écrivains à l'un ou l'autre siècle, on obtient les pourcentages suivants par rapport au total des choix :

Entre a) et a') la différence n'est pas significative : on ne peut pas dire que les jeunes Européens aiment plus les écrivains du xxe siècle que les jeunes Marocains. Entre b) et b') par contre la différence est significative : les jeunes Marocains aiment plus les auteurs du XIXe siècle que les jeunes Européens.

Comparaison avec Une Enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc.

Question 53 (page 73) : « Quel est votre auteur préféré ? »

Si la grande majorité des auteurs cités sont européens, les auteurs arabes recueillent cependant près d'un cinquième des voix, surtout à Casablanca, alors que dans nos résultats nous n'avons qu'un seul auteur arabe cité qui reçoit deux voix. La classification par siècle ne distingue pas entre les villes et selon le sexe, de plus elle ne tient pas compte du nombre de suffrages recueillis par chaque auteur 10. Le classement des auteurs préférés par les jeunes Marocains de Casablanca offre de nombreuses similitudes avec le nôtre, sauf en ce qui concerne les places de Sartre 11 et de Taha Hussein.

Question 15 : « Quels sont par ordre d'importance les titres des deux livres que vous aimez le plus ? »

Dans les deux groupes les ouvrages qui sont en tête ne recueillent pas un pourcentage élevé de voix.

Les Misérables de V. Hugo et L'Étranger d'A. Camus se retrouvent dans les deux groupes. Si l'on compare ces classements avec ceux des auteurs (question 14) on voit que V. Hugo n'obtient pas le pourcentage des suffrages de la question 14 (Les Misérables étant le seul ouvrage de V. Hugo cité dans les deux groupes). Dans cette optique on s'aperçoit que la seconde place de Sartre dans la liste des auteurs préférés par les jeunes Marocains n'est pas confirmée, tant s'en faut, par la liste des ouvrages cités où il ne recueille que deux voix. Nous sommes là en présence d'une réponse stéréotypée plus sensible au prestige d'un auteur qu'à la lecture de ses œuvres. Aussi pensons-nous que les titres d'ouvrages sont plus révélateurs des goûts réels que les noms d'écrivains.

a) Analyse

Si l'on applique les épreuves de signification selon l'appartenance des ouvrages au XIXe ou au xxe siècle, les résultats sont beaucoup plus nets que ceux de la questions 14.

- entre les deux groupes : Comme pour les auteurs, les jeunes Marocains aiment plus les ouvrages du XIXe siècle que les jeunes Européens. Mais alors que pour les auteurs du xxe siècle, il n'y avait pas de différences significatives entre Marocains et Européens, pour les titres d'ouvrages préférés, en revanche, la différence est très significative, les jeunes Européens aimant plus les ouvrages du xxe siècle que les jeunes Marocains.

- à l'intérieur des groupes : Si les Marocains aiment autant les ouvrages du XIXe que ceux du xxe, en revanche les jeunes Européens préfèrent les ouvrages du xxe siècle. Le nombre d'ouvrages cités en dehors de ceux d'écrivains du XIXe et du xxe siècle est faible : 17 % pour les Marocains et 13 % pour les Européens.

b) Comparaison avec les résultats de l'Enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc.

Question 53 : « Quel est votre auteur préféré et quel ouvrage de cet auteur » ?

L'analyse ne tient pas compte de la distinction villes/sexes. Les quatre ouvrages qui viennent en tête sont presque les mêmes dans les deux enquêtes.

Nombreux titres d'ouvrages arabes dans les résultats de l'Enquête auprès de la jeunesse musulmane au Maroc et aucun dans les nôtres.

Les questions 16-17-18 demandaient de citer les ouvrages dont on ne terminait pas lecture et d'en donner les raisons. Le taux élevé de non-réponse rend les résultats difficilement exploitables. Notons, à titre indicatif, que les jeunes Européens trouvent difficiles les ouvrages de Nietzsche, les jeunes Marocains ennuyeux le Procès de Kafka, La Force de l'âge de Simone de Beauvoir, et sans intérêt les ouvrages d'Anatole France.

Question 19 : « Lorsque vous êtes à la bibliothèque vous arrive-t-il de lire des revues 12?

La différence est très significative entre les deux groupes.

Question 20 : « Quelles sont les revues que vous lisez ? Citez les titres ? »

Paris-Match est en tête dans les deux groupes, cependant il est apprécié par un plus grand nombre de jeunes Marocains 34 % que de jeunes Européens 17 %. Science et vie est en seconde position chez les jeunes Européens et en 3e chez les jeunes Marocains. La revue Historia occupe la 4e place dans les deux groupes. Ainsi les deux groupes ont trois revues en commun aux quatres premières places. On notera la seconde place de la revue Top chez les jeunes Marocains et sa quasi-inexistence chez les jeunes Européens où elle ne recueille qu'une voix.

Pour avoir une meilleure image des ressemblances et des différences de goûts nous avons procédé à un regroupement et à un classement par genre :

Ce classement montre une similitude de goûts dans les deux groupes pour les quatre premières catégories mais si l'on tient compte des pourcentages de voix qui se sont portées sur chaque catégorie, des inégalités apparaissent. Alors que pour les magazines illustrés, les revues d'art et littérature, les pourcentages sont les mêmes dans les deux groupes, pour les revues scientifiques et techniques il existe une différence, celles-ci recueillant 24 % de la totalité des choix des jeunes Européens contre 17% pour les jeunes Marocains. La tendance qui se dessinait question 12 b) se précise ici.

Question 21 : « Est-ce qu'il y a des livres que vous ne trouvez pas et que vous aimeriez voir figurer dans la bibliothèque ? Si oui, dites lesquels ? »

Comme nous l'indiquions plus haut, le nombre de non-réponse à cette question est élevé : 70 % pour les jeunes Européens et 33 % pour les jeunes Marocains. De nombreux sujets se sont trouvés embarrassés au moment d'exprimer les souhaits en matière de lecture. Il est vrai que l'éventail des ouvrages proposés par la bibliothèque est déjà très large. On peut, pour les jeunes Marocains dégager quelques grandes lignes : en tête des souhaits viennent des romans surtout étrangers (seulement deux d'écrivains arabes) ensuite des traductions sans autre précision, enfin des demandes de manuels scolaires (physique, chimie, etc...).

Question 22 : « Quelles autres revues aimeriez-vous trouver en bibliothèque ? » (si vous ne connaissez pas de titres précis, dites quel genre de revues).

Le pourcentage de non-réponse est moins élevé que celui de la question 21. 75 % des choix exprimés chez les jeunes européens vont à des revues scientifiques et techniques accentuant ainsi la tendance observée dans de précédentes questions, la demande pour le même genre de revues est faible du côté marocain. Ces derniers désirent surtout des magazines et des hebdomadaires d'informations politiques et sociales (type Jeune Afrique) certains même de langue anglaise. Viennent ensuite les revues littéraires, socio-économiques. A noter ici l'apparition chez les jeunes Marocains d'une forte demande en hebdomadaires et magazines sportifs et de cinéma.

Comparaison avec les résultats d'Une Enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc.

Question 49 : « Qu'est-ce qui vous intéresse le plus dans les publications ? »

Les problèmes sociaux et politiques arrivent au Ier rang, comme ils apparaissent en tête des souhaits dans notre enquête, de même pour les hebdomadaires et magazines consacrés aux sports dont la demande est importante dans notre enquête et qui occupent le 3e rang dans l'Enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc. Pour ce qui est des sciences et des techniques la part semble être la même dans les deux études. Les arts, la littérature, le cinéma occupent une place plus importante dans notre enquête.

En dépit de l'intervalle de cinq années qui sépare les deux études, les réponses concordent en général lorsqu'il s'agit des auteurs et des titres d'ouvrages les plus appréciés. Les divergences portent sur la place des disciplines scientifiques et sur le nombre d'auteurs et d'ouvrages arabes cités. Dans notre enquête les disciplines scientifiques tiennent une place moins grande que dans l'Enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc où leur importance, il est vrai, n'apparaît clairement que dans les réponses à une seule question. N'oublions pas non plus que le nombre d'élèves des établissements techniques est plus important que dans notre échantillon. Sur le deuxième point il est incontestable que les auteurs arabes sont plus lus que dans notre échantillon, où ils n'apparaissent même pas dans les désirs par exemple de traductions.

Question 23 : « Lorsque vous choisissez un livre êtes-vous influencé en général, par : (donnez la cause principale)

- des camarades qui ont lu le livre et vous en ont parlé;

- les conseils d'un professeur;

- parce que le titre du livre vous plaît;

- parce que le nom de l'auteur vous est connu;

- parce que vous avez déjà lu des livres de cet auteur.

S'il existe une autre raison dites laquelle :

60 % des jeunes Marocains ont déclaré être influencés par leur professeur contre 27 % des jeunes Européens; ces derniers lisent surtout des ouvrages du même auteur, 51 % contre 30 % chez les jeunes Marocains.

Conclusion de la première partie.

Au terme de cette analyse comparative faite à partir d'un questionnaire exploratoire on constate que les deux groupes étudiés ont de nombreux points communs. La similitude des préférences est même frappante au niveau des choix qui occupent les premiers rangs. C'est ainsi que nous avons vu que les genres romans, philosophie, littérature et histoire sont respectivement au Ier, 2e, 4,e et 5e rang dans les deux groupes où l'on préfère les disciplines littéraires; les trois écrivains les plus goûtés sont les mêmes. Les Misérables et l'Étranger sont parmi les ouvrages les plus souvent cités, les mêmes genres de revues se retrouvent en tête dans les deux groupes. Par delà les nationalités, les catégories et les préoccupations sociales différentes, les goûts en matière de lecture semblent donc avoir dans les deux groupes un dénominateur commun. Certes, la langue française, les ouvrages et les auteurs français sont si répandus qu'il eût été étonnant de ne pas les rencontrer dans notre enquête 13.

Cependant ces modèles culturels nous paraissent trop larges pour expliquer à eux seuls les ressemblances constatées, car à l'intérieur d'une même culture les goûts peuvent être très dissemblables surtout lorsqu'on est en présence de nationalités différentes. C'est plus spécialement à la culture scolaire qu'il faut se référer pour expliquer ces ressemblances.

En effet entre les programmes des différents établissements scolaires du pays il existe de nombreux points communs même dans les disciplines littéraires. L'influence de cette culture scolaire nous semble déterminante pour expliquer les similitudes de goût dans les deux groupes 14. Mais les différences dans les goûts, car il en existe, peuvent se comprendre aussi par l'influence de la culture scolaire. C'est ainsi que la préférence des jeunes Marocains pour les ouvrages du XIXe siècle trouverait son explication dans le fait que la moyenne d'âge des deux groupes étant la même (17 ans et demi), le nombre moyen d'années d'étude, lui, n'est pas le même : 4 ans et demi pour les jeunes Marocains contre 6 ans pour les jeunes Européens; les ouvrages et les auteurs du XIXe siècle étant plus spécifiques de ce niveau de scolarité que ceux du xxe siècle plus proche des programmes de 6e année d'étude.

La question que nous nous poserons pour vérifier l'influence de la culture scolaire est celle de savoir si à niveau d'étude égal les réponses sont les mêmes dans les deux groupes, s'il existe un changement dans les goûts lorsqu'on passe d'un niveau à un autre ou si les réponses sont indépendantes du niveau d'étude traduisant alors l'influence d'autres facteurs.

B) Analyse selon le niveau d'étude :

Nous avons distingué deux niveaux d'études : la quatrième année secondaire et la sixième année; nous comparerons les réponses aux principales questions des jeunes Marocains et Européens de quatrième année, et des jeunes Marocains et Européens de sixième année et plus.

Examen des résultats de la question 12 :

Nous avons vu plus haut (Ire partie des résultats) qu'il existait une similitude de réponses dans les deux groupes.

En quatrième année les deux premiers genres sont les mêmes dans les deux groupes, cinq des six premiers genres cités sont communs aux deux groupes.

L'Islam, au 4e rang chez les jeunes Marocains occupe la dernière place chez les jeunes Européens; les sciences pures, au 4e rang chez les jeunes Européens occupent la dernière place chez les jeunes Marocains.

Lorsqu'on passe de la 4e à la 6e année les classement changent pour les deux groupes, montrant une évolution des goûts avec les niveaux. Comme changements intéressants on notera le passage de l'Islam de la 4e place à la dernière en 6e année chez les jeunes Marocains; les deux premières places pour la philosophie et les sciences sociales (6e et 8e place en 4e année, 2e et 3e place chez les jeunes Européens) montrent bien l'influence du niveau d'étude : ne sont-elles pas en effet les disciplines propres à la sixième année d'études et plus? Dans les deux groupes, en 6e année, les deux dernières places sont occupées par les mêmes genres : Islam et religion. Les sciences pures se trouvent à la dernière place chez les jeunes Marocains qui sont en 4e et en 6e année.

Genres littéraires et genres scientifiques :

Nous avons vu plus haut qu'il n'existait pas de différences significatives entre les goûts pour les deux genres quoiqu'on notât une légère tendance des jeunes Européens à aimer les disciplines scientifiques plus que les jeunes Marocains. A niveau d'étude égal (4e ou 6e année) les jeunes Marocains et les jeunes Européens préfèrent les genres littéraires aux genres scientifiques. Ainsi en 4e année 61 % et 53 % des voix des jeunes Européens et des jeunes Marocains se portent sur les genres littéraires contre 15 % et 12 % pour les genres scientifiques. En 6e année les genres littéraires recueillent 5I et 54 % des voix contre 36 et 28 % pour les genres scientifiques. On notera qu'en passant de la 4e à la 6e année le goût pour les genres scientifiques augmente dans les deux groupes avec une prédominance chez les jeunes européens comme on l'a vu plus haut.

Examen des résultats de la question 14 :

- Quatrième année : V. Hugo est en tête dans les deux groupes; chez les jeunes Européens, les auteurs du XIXe siècle alors que chez les jeunes Marocains ce sont des auteurs du XIXe siècle. Les jeunes Marocains ont des goûts plus fidèles aux programmes scolaires que les jeunes Européens.

- Sixième année : Les choix des deux groupes évoluent de la même manière : I. Sartre, 2. Camus, 3. Zola-Hugo pour les jeunes Marocains et I. Camus, 2. Sartre,

3. Hugo pour les Européens.

Si, à niveau d'étude égal, on distingue entre les auteurs du XIXe siècle et du xxe on obtient les pourcentages suivants :

Dans les deux groupes le nombre de voix en faveur des auteurs du XIXe siècle diminue lorsqu'on passe de la 4e à la 6e année; celui qui est en faveur des auteurs du xxe augmente, de la 4e à la 6e année, chez les jeunes Marocains seulement. En 6e année, dans les deux groupes, le XXe siècle recueille plus de voix que le XIXe. L'influence du niveau d'étude apparaît dans les goûts des deux groupes, mais elle est plus marquée chez les jeunes Marocains.

Examen des résultats de la question 15 :

Nous avons vu précédemment que Les Misérables étaient l'ouvrage qui avait recueilli le plus grand nombre de suffrages tant chez les jeunes Marocains que chez les jeunes Européens. Une analyse des voix par niveau de scolarité montre que 100 % des choix des jeunes Marocains et 90 % de ceux des jeunes Européens qui se sont portés sur cet ouvrage proviennent d'élèves de 4e année. Ce « classique » de la fin du primaire et du début du secondaire connaît encore un grand succès en 4e et 6e année dans les deux groupes.

En 4e année les titres d'ouvrages du XIXe siècle représentent 40 % (jeunes Européens) et 45 % (jeunes Marocains) de l'ensemble des titres cités à ce niveau de scolarité, alors qu'en 6e année ce même XIXe siècle ne recueille que 14 % (jeunes Européens) et 34 % (jeunes Marocains) des voix. Dans les deux groupes donc le nombre de titres du XIXe siècle est en baisse lorsqu'on passe de la 4e à la 6e année.

En quatrième année les titres d'ouvrages du xxe siècle représentent 55 % (jeunes Européens) et 37 % (jeunes Marocains) de l'ensemble des titres cités à ce niveau de scolarité alors qu'en sixième année ce même XXe siècle recueille 67 % (jeunes Européens) et 50 % (jeunes Marocains) des voix. Dans les deux groupes le nombre de titres d'ouvrages du xxe est en hausse lorsqu'on passe de la quatrième à la sixième année d'étude.

Les réponses à cette question et à la précédente montrent qu'il existe dans les deux groupes une évolution des goûts selon le niveau d'étude et soulignent l'importance des programmes et de la culture scolaire. Cependant cette adéquation des goûts au niveau de scolarité est moins marquée, surtout lorsque le niveau scolaire augmente, chez les jeunes Européens dont le goût pour les ouvrages du XXe siècle est aussi grand en quatrième qu'en sixième année.

Examen des résultats de la question 19 :

Dans les deux groupes, les élèves de sixième année lisent plus de revues que ceux de quatrième année.

Examen des résultats de la question 20 :

Le classement des différents genres de revues est le suivant : pour les deux groupes et à niveau d'étude égal.

En quatrième année les trois premiers genres sont les mêmes pour les deux groupes et dans le même ordre; en sixième année les trois premiers sont identiques mais classés différemment. Chez les jeunes Marocains on notera que les revues scientifiques passent de la Ire place en quatrième année à la 3e en sixième année alors que chez les jeunes Européens elles passent de la seconde place à la Ire : la tendance décelée plus haut, à savoir que les jeunes Européens s'intéressent plus aux disciplines scientifiques ou du moins à la littérature scientifique que les jeunes Marocains, se trouve ainsi illustrée.

Examen des résultats de la question 22 :

Les jeunes Européens souhaitant surtout lire plus de revues scientifiques (68 %), la demande augmente lorsqu'on passe de la quatrième à la sixième année. Chez les jeunes Marocains de quatrième année, on désire lire des revues sportives et cinématographiques alors qu'en sixième année on veut des revues socio-économiques, des informations etc... Ici aussi, on constate un changement lorsqu'on passe d'un niveau à l'autre, cependant le rôle dévolu aux revues par les jeunes Marocains, est d'être une ouverture sur le monde extra-scolaire : sports, cinéma, informations sociales et économiques. On sent là, peut-être, un besoin de s'évader des cadres scolaires traditionnels.

Examen des résultats de la question 23 :

Chez les jeunes européens, plus le niveau d'études est élevé et moins l'influence du professeur est invoquée; cette influence passe de 17 % en quatrième année à 10 % en deuxième année. En revanche chez les jeunes Marocains cette influence est grande et ne varie pas avec le niveau d'études, elle montre bien un plus grand attachement à la culture scolaire que chez les jeunes Européens.

Conclusion

Les ressemblances entre les deux groupes constatées dans la première partie de nos résultats nous avaient paru assez importantes pour nous permettre d'émettre l'hypothèse qu'elles étaient dues à l'influence de la culture scolaire. Cette hypothèse nous avons essayé de la vérifier dans la seconde partie et nous avons vu qu'à niveau d'instruction égal les goûts étaient, en général, les mêmes pour les deux groupes et que lorsqu'on passait d'un niveau d'études à un autre, les goûts changeaient. Ainsi les résultats obtenus dans la seconde partie précisent et nuancent ceux de la première partie.

Il existe cependant des différences entre les deux groupes, ne serait-ce qu'au niveau même de l'influence de la culture scolaire. Nous avons vu que celle-ci s'exerçait plus fortement sur les jeunes Marocains (voir réponses aux questions 7, 8 et 23 ainsi que le goût pour le XIXe siècle, plus fort que chez les jeunes Européens): c'est qu'en effet, chez ceux-ci, la culture scolaire jouit d'un plus grand crédit et son influence est très importante parce qu'elle est peu contrebalancée par d'autres influences alors que chez les jeunes Européens les modèles du milieu familial adulte pèsent davantage. C'est ainsi qu'on pourrait expliquer l'importance des ouvrages du xxe siècle depuis la quatrième année d'études de même que la tendance à aimer plus les ouvrages scientifiques que les jeunes Marocains non que ceux-ci n'aient pas conscience de l'importance des disciplines scientifiques mais elles ne se sont pas encore assez imposées pour qu'ils en aient le goût.

Ce qu'il faut retenir, au terme de cette enquête, c'est l'importance de la culture scolaire et son influence sur les choix et les goûts en matière de lecture des jeunes Marocains et Européens. Mais ce qui est valable pour la lecture peut ne pas l'être pour d'autres formes de culture, et il est évident que les inégalités socio-économiques sous-jacentes aux deux groupes entraîneraient des inégalités culturelles qui apparaîtraient en pleine lumière si, par exemple, on avait posé des questions sur les goûts en matière de théâtre (pièces vues), de musique (concerts, disques) de peinture (tableaux vus), etc... C'est que la lecture étant un mode d'accès à la culture relativement « économique » surtout lorsqu'il existe des bibliothèques, les inégalités socio-économiques tendent à prévaloir beaucoup moins que la culture scolaire sur les goûts. On pourrait dire que plus les moyens d'accès à la culture sont « économiques » voire gratuits, plus, chez les jeunes lycéens entre 15 et 2I ans, est importante l'influence de la culture scolaire par rapport au statut socio-économique.

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Tableau I

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Tableau II

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Tableau III

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Tableau IV

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Tableau V

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Question 7

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Question 8

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Question 9

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Question 10

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Question 11 (1/2)

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Question 11 (2/2)

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Question 14 (1/3)

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Question 14 (2/3)

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Question 14 (3/3)

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Question 15

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Question 53

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Question 19

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Question 20 (1/2)

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Question 20 (2/2)

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Question 12 (1/2)

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Question 12 (2/2)

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Question 14

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Question 20

  1. (retour)↑  Bibliothèque de la mission universitaite et culturelle française. Nous remercions Mlle Houex ainsi que l'ensemble du personnel de la bibliothèque pour leur concours.
  2. (retour)↑  Les nationalités recouvrent ici d'importantes différences socio-économiques et culturelles ainsi que des préoccupations différentes liées aux statuts de nationaux et d'étrangers.
  3. (retour)↑  On notera le faible nombre d'adultes marocains inscrits alors que les jeunes marocains inscrits sont si nombreux; faut-il penser qu'une fois leurs études terminées les Marocains ne fréquentent plus la bibliothèque ? Il y aurait là matière à une étude intéressante.
  4. (retour)↑  De nombreuses personnes inscrites se rendent à la bibliothèque sans pour autant emprunter d'ouvrages (pour consulter des dictionnaires par exemple).
  5. (retour)↑  Le prêt s'échelonne sur 15 jours avec un maximum de 2 livres. On peut cependant emprunter, durant ce délai, un plus grand nombre d'ouvrages à condition de rapporter les deux livres précédemment empruntés. Pour avoir droit au prêt il faut être âgé au moins de 15 ans.
  6. (retour)↑  La liste des genres énumérés est celle qui est affichée dans la bibliothèque.
  7. (retour)↑  Difficultés pour pouvoir connaître les sujets ainsi que les niveaux de scolarité.
  8. (retour)↑  ADAM (André). - Une Enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc. - Aix-en-Provence. La Pensée universitaire, 1963. - In-16°, 195 p., tabl. h.-t., multigr. (Publication des Annales de la Faculté des lettres, Aix-en-Provence. Série travaux et mémoires).
  9. (retour)↑  , « Nous sommes loin du temps où presque tous les jeunes Marocains voulaient faire du droit... Aujourd'hui, c'est l'ingénieur qui fait prime chez les garçons » (Adam, op. cit., p. 80).
  10. (retour)↑  Un rapide calcul effectué à partir des auteurs retenus page 74 bis montre que le xixe siècle recueille plus de suffrage que le xxe : 188 contre 120.
  11. (retour)↑  En fait, on verra plus loin (question 15) que cet auteur est peu lu.
  12. (retour)↑  Le rayon « Revue » comprend des magazines, des hebdomadaires et des revues mensuelles, trimestrielles, etc... qui sont exclus du prêt et doivent être consultés sur place.
  13. (retour)↑  Voir Adam (op. cit., pp. 71-72) «... Ces jeunes gens et ces jeunes filles ont fait leurs études en français surtout : la langue française n'était pas seulement étudiée pour elle-même et pour sa littérature, mais servait et sert encore de véhicule à la plupart des disciplines : mathématiques, sciences, histoire, géographie, philosophie, etc... »
  14. (retour)↑  On pourrait penser que le fait de fréquenter la même bibliothèque contribue à expliquer les similitudes des goûts que nous avons rencontrées, encore que les questions posées visaient les goûts en général indépendamment de la bibliothèque. Mais l'éventail des genres, auteurs et titres d'ouvrages disponibles en bibliothèque est tel qu'il peut permettre une différenciation des goûts; de plus il déborde largement celui des programmes scolaires.