Le livre français à la Bibliothèque fédérale d'État des littératures étrangères de l'URSS

Marguerite Rudomino

La Bibliothèque fédérale d'État des littératures étrangères de l'URSS, fondée en 1921, assume, outre ses fonctions de bibliothèque d'un fonds de plus de trois millions de volumes, celles de grand centre bibliographique et d'institut d'enseignement des langues étrangères. Le fonds français constitue le quart de ses collections. Tous les moyens sont mis en oeuvre - bibliographies, conférences, expositions - pour favoriser la diffusion du livre français.

La Bibliothèque des littératures étrangères a été fondée en 192I, dans les toutes premières années de la révolution culturelle qui a changé le visage de la vieille Russie. Des débuts modestes, puisque son fonds s'entreposait à l'aise dans une toute petite pièce. A l'heure actuelle la Bibliothèque possède 3 millions et demi d'imprimés en 126 langues étrangères.

Le nombre de communications par an s'élève à un million. Son prêt interbibliothèques dessert, à part Moscou, 344 villes de l'Union soviétique et plus de 2 ooo bibliothèques et organismes scientifiques et culturels. La Bibliothèque emploie plus de 400 personnes, dont la moitié de formation universitaire et connaissant, en règle générale, plusieurs langues étrangères.

Les visiteurs étrangers sont surtout frappés pas l'ampleur et la diversité des travaux de la Bibliothèque en tant que grand centre culturel de l'URSS. En effet, la Bibliothèque ne se limite pas à la collecte et à la communication au lecteur des livres en langues étrangères. Elle dévoile leur contenu et diffuse l'information bibliographique au moyen d'expositions, de bibliographies et catalogues annotés, de conférences, soirées, rencontres, comptes rendus, séminaires, consultations, toujours en étroite liaison avec des écrivains et des personnalités culturelles des pays étrangers.

La Bibliothèque sera incessamment logée dans un grand bâtiment qui pourra abriter un fonds de 5 millions de volumes. Il sera pourvu d'un équipement des plus modernes et des plus perfectionnés. La nouvelle Bibliothèque comptera 12 salles de lecture, 20 cabinets de lecture individuels, une salle de conférences, des salles d'expositions où seront utilisées les méthodes les plus rationnelles d'organisation de travail.

Ainsi se présente dans ses grandes lignes la Bibliothèque des littératures étrangères à Moscou.

Mais pour aborder d'une façon concrète le travail avec le livre français, il convient de dire quelques mots des lecteurs susceptibles de le lire dans la langue originelle. Durant les premières décennies de son existence la Bibliothèque devait elle-même « préparer » ses lecteurs et ceci au moyen de consultations individuelles et de l'enseignement en groupe des langues étrangères. Beaucoup de lecteurs ignoraient les caractères latins! Les cours supérieurs de langues étrangères créés par la Bibliothèque en 1926 furent bientôt réorganisés dans un établissement d'enseignement supérieur des langues étrangères : l'Institut des langues étrangères, le premier fondé en URSS et le plus important actuellement.

Toutefois, la Bibliothèque continue encore maintenant ses efforts en faveur de ses lecteurs qui étudient le français et d'autres langues. A part les consultations individuelles, on organise régulièrement des conférences sur la littérature et la langue françaises. Depuis plus d'un quart de siècle fonctionne un séminaire consacré à la théorie et à la pratique de la traduction du russe en français, conduit jusqu'en 1965 par un éminent pédagogue et traducteur soviétique, le regretté Alexandre Roudnikov 1. Un spécialiste de Moscou, qui a fait un stage d'enseignement audio-visuel en France, dirige actuellement un premier groupe d'étude du français selon les nouvelles méthodes. Nombre de lecteurs de la Bibliothèque utilisent des enregistrements sonores de leçons de français, de poésie française, d'anthologie littéraire, enregistrés par des artistes français. Dans les nouveaux bâtiments de la Bibliothèque les lecteurs auront à leur disposition des machines à enseigner et un outillage extrêmement perfectionné dans le domaine de l'enseignement des langues. Près de la Bibliothèque se crée à l'échelle nationale une sorte de laboratoire expérimental des nouvelles méthodes d'enseignement des langues étrangères, méthodes qui seront ensuite généralisées en URSS. Ainsi la Bibliothèque continue-t-elle la formation traditionnelle de ses lecteurs.

Mais que peut offrir la Bibliothèque comme livres français à plus de 10 000 lecteurs qui demandent le livre en sa langue originelle ?

Ses principales richesses sont : la littérature, la linguistique, l'histoire littéraire, l'histoire de la culture et de l'art français (les ouvrages en langue française constituent le quart du fonds global de la Bibliothèque, ce qui n'est pas négligeable). Sont bien représentés: l'économie, l'histoire, la philosophie, la sociologie, le droit, la politique étrangère de la France, y compris les publications les plus récentes.

La Bibliothèque déploie tous ses efforts pour mettre les ouvrages français à a disposition des lecteurs peu de temps après leur sortie des presses à Paris ou en province. Le résultat est, semble-t-il, satisfaisant. Les acquisitions se font par des bibliographes qualifiés qui suivent les annonces des libraires et de la bibliographie nationale et qui s'efforcent de ne laisser passer aucun nom ou fait intéressant dans le domaine littéraire, dans les sciences humaines et naturelles (ces dernières, relativement récentes à la Bibliothèque, progressent avec succès). Les acquisitions de la Bibliothèque sont également effectuées par des spécialistes de philologie et de linguistique, des sciences sociales et politiques, des sciences naturelles.

Les acquisitions ne constituent pas la seule source d'accroissement des fonds. La Bibliothèque développe par tous les moyens la forme la plus rentable des acquisitions : les échanges internationaux de publications.

La Bibliothèque pratique actuellement des échanges des publications avec 90 organismes français : bibliothèques universitaires et municipales, académies, musées, maisons d'édition, rédactions de périodiques.

Les plus actifs sont : la Bibliothèque nationale, dont les envois sont les plus importants, le Service des échanges internationaux qui a consenti à nous envoyer une cinquantaine de périodiques et fait pour nous des achats d'ouvrages en France, la Bibliothèque de l'Université de Paris qui envoie régulièrement ses thèses en échange des ouvrages à suites soviétiques, les éditions Fernand Nathan, les Éditions ouvrières, les Éditeurs français réunis, etc. Dernièrement des échanges ont été établis avec des organismes scientifiques notoires : l'Institut de géographie de l'Université de Paris, l'Institut Pasteur, la Société des sciences naturelles de Dijon, etc.

Les échanges de publications reçues et expédiées sont en constante progression. La Bibliothèque use de tous les moyens pour élargir ce genre de relations. Si pour toute l'année 1963 elle a reçu 209 livres et en a envoyé 419, le chiffre pour le premier semestre de 1964 était de 213 livres reçus et 308 expédiés. 120 titres de périodiques français sont reçus par échange, la Bibliothèque envoie en France 108 titres de périodiques soviétiques.

Autre moyen d'accroissement des fonds : « les relations personnelles ». Peu après sa fondation, dans les années 20, la Bibliothèque a noué des relations amicales avec des écrivains et hommes publics français. Romain Rolland offrait souvent des livres à la Bibliothèque. Henri Barbusse collectait parmi les écrivains français leurs nouveaux livres et nous les transmettait personnellement. Jean Richard-Bloch y donnait souvent des conférences sur la culture française, il lui a légué sa bibliothèque personnelle et ensuite, de Paris, adressait la documentation sur la Résistance française.

D'ailleurs, un fonds d'histoire de la Résistance en Europe est en voie de constitution à la Bibliothèque des littératures étrangères. Ce fonds s'est beaucoup enrichi en 1962. Un résistant français, Georges Romant, a fait don à la Bibliothèque de près de 3 ooo volumes sur la Résistance française. Les fonds possèdent les éditions originales des livres français publiés sous l'occupation allemande ainsi que des photos, microfilms, ouvrages, journaux, revues, tracts de cette époque.

La Bibliothèque continue à rassembler aussi bien les documents du temps de guerre que les publications françaises actuelles sur la Résistance. Parmi les dernières acquisitions on peut noter, par exemple, l'œuvre capitale de H.-J. Michel : Les Courants de pensée de la Résistance et l'étude de J. Delarue sur l'Histoire de la Gestapo, qui a obtenu le prix de la Résistance.

La littérature française, classique et contemporaine, ne reste pas longtemps sur les rayons. C'est aux bibliothécaires que revient ce mérite, ce sont eux qui veillent à ce que les lecteurs obtiennent une information rapide et exhaustive sur les nouveautés (tous les mercredi a lieu une exposition des nouvelles acquisitions de la semaine), qu'ils apprennent l'existence des œuvres majeures d'un auteur, d'une période ou d'un sujet qui les intéressent et qu'ils trouvent à la Bibliothèque. Des expositions de livres viennent régulièrement renseigner les lecteurs. Afin que les lecteurs soient informés des nouveaux courants littéraires du théâtre, du cinéma, de l'art de la France d'aujourd'hui, la Bibliothèque organise des conférences, des soirées, des causeries littéraires, etc.

Notre établissement édite un bulletin d'information « La littérature contemporaine à l'étranger » (Sovremennaja khudožestvennaja literatura za rubežom), qui publie des comptes rendus de livres français. Dans les derniers numéros de 1963 et dans les premiers de 1964 on pouvait lire des recensions d'ouvrages tels que : l'autobiographie de Simone de Beauvoir : La Force des choses ; Pierre Gamarra : Rhapsodie des Pyrénées ; Pierre Gascar: Les Moutons de feu ; les recueils de poèmes, Sphère, d'Eugène Guillevic; les souvenirs d'Anne Philipe sur Gérard Philipe (ouvrage traduit en russe); l'autobiographie de J.-P. Sartre : Les Mots et autres livres nouveaux. En 1963 le Bulletin a rendu compte de tous les prix littéraires : les œuvres de A. Lanoux, R. Massip, N. Sarraute, H. Bazin et autres. Tous ces livres se trouvent à la Bibliothèque, souvent en plusieurs exemplaires.

Lors des expositions des nouvelles acquisitions, les lecteurs ont pu prendre connaissance des dernières nouveautés d'histoire littéraire : Les Écrivains français d'aujourd'hui de Pierre de Boisdeffre, Henri Barbusse de V. Brett, édité par l'Académie des sciences de Tchécoslovaquie, le livre sur l'écrivain et humaniste Saint-Exupéry par J.-C. Ibert (les œuvres de Saint-Exupéry et leur critique sont devenues un succès populaire d'URSS). A sa vie et à ses œuvres ont été consacrés un cycle de conférences et des soirées. L'une des soirées les plus brillantes fut la rencontre avec Marcel Migeo, auteur d'un ouvrage sur Saint-Exupéry, traduit récemment en russe, et aussi la soirée consacrée à l'audition de l'enregistrement d'extraits des œuvres de Saint-Exupéry lus par l'auteur, par Gérard Philipe et autres. Les lecteurs de la Bibliothèque ont pu prendre connaissance aussi du recueil d'A. Maurois De Proust à Camus, de l'ouvrage de B. Morrissette Les Romans de Robbe-Grillet, du livre de G. Picon sur Marcel Proust, de la biographie de la femme d'Émile Zola, Alexandrine Zola, par A. Laborde, des nouvelles éditions de la correspondance de Flaubert et autres.

D'autres ouvrages ont eu un vif succès auprès des lecteurs soviétiques : l'Histoire parallèle des États-Unis et de l'URSS de Louis Aragon et André Maurois, le poème d'Aragon : Le Fou d'Elsa, le roman d'Elsa Triolet: L'Ame, de Maurice Druon : Les Mémoires de Zeus, le dernier roman d'Armand Lanoux : Quand la mer se retire, prix Goncourt 1963.

La Bibliothèque acquiert également les œuvres de l'école du « nouveau roman ». Sont entrés dernièrement Les Fruits d'or de N. Sarraute, L'Agrandissement de C. Mauriac, le roman d'un jeune auteur J. Le Clézio, Le Procès-verbal, prix Renaudot 1963, et autres.

Parallèlement aux œuvres contemporaines, les différentes éditions commentées des classiques français et leurs correspondances, enrichissent constamment le fonds (lettres de Diderot, de Mme de Staël, de Romain Rolland, etc). Très importantes sont aussi les acquisitions en linguistique : dictionnaires, atlas linguistiques, travaux méthodologiques de l'enseignement du français.

L'acquisition des ouvrages de référence généraux et spécialisés fait l'objet d'une attention toute particulière : annuaires statistiques, politiques, économiques, dictionnaires bibliographiques des auteurs, musiciens, cinéastes, etc. (L'Année statistique, l'Année politique, l'Année sociologique, Dictionnaire de biographies françaises, Dictionnaire des auteurs français, Dictionnaire des musiciens français, Dictionnaire des peintres français.)

La Bibliothèque reçoit les plus importants travaux français de sciences exactes et naturelles et complète avec soin les collections fondamentales, celles de P. Pascal, Le Nouveau traité de chimie minérale, de A. Lacroix, Minéralogie de la France et de ses anciens territoires d'outre-mer, etc.

Les livres étrangers et les principaux articles de périodiques sont catalogués et leurs fiches comportent une brève analyse en russe. Ces fiches annotées sont imprimées par l'imprimerie de la Bibliothèque et diffusées dans les bibliothèques et divers organismes de Moscou et de toute l'Union soviétique. La fiche imprimée remplit efficacement son rôle d'informateur sur les nouvelles acquisitions et sur leur contenu. Plus de 8 millions de fiches sont ainsi diffusées dans une année dont 2 millions de fiches d'ouvrages et d'articles de périodiques français.

La Bibliothèque informe aussi les lecteurs sur les nouveaux livres français entrés dans les plus importantes bibliothèques de l'URSS par ses catalogues collectifs imprimés. Cette centralisation de l'information évite la recherche d'un ouvrage à travers toutes les bibliothèques du pays (l'information est d'autant plus complète que les catalogues collectifs enregistrent des fiches annotées).

Actuellement la Bibliothèque fédérale d'État des littératures étrangères joue le rôle de centre fédéral du traitement du livre étranger.

Les bibliothécaires soviétiques ne limitent pas leurs fonctions à la conservation et à la communication des livres, ils cherchent avant tout à diffuser le livre et à le rapprocher de la masse des lecteurs. Les multiples bibliographies publiées par la Bibliothèque permettent aux lecteurs de retrouver dans l'immense flot les livres qui les intéressent. Les répertoires bio-bibliographiques édités par la Bibliothèque et consacrés aux auteurs français, jouissent d'une grande popularité : Rabelais, Mérimée, Hugo, Zola, Jules Verne, R. Martin du Gard, R. Rolland, Aragon, Barbusse, Stendhal, Paul Eluard. Sont en préparation des bio-bibliographies de Saint-Exupéry et de E. Pottier. Bientôt sortira des presses une bibliographie fondamentale : « Balzac dans les publications russes ».

La deuxième édition de la « Bibliographie de la littérature mondiale », de l'antiquité à nos jours, en cours de publication, fait une place importante à la littérature française. L'ouvrage contient de brèves notices biographiques de près de 300 écrivains, avec annotations substantielles de leurs principales œuvres et une bibliographie choisie en langues russe et étrangères. Cette publication intéresse un grand nombre de lecteurs, à la fois l'étudiant en lettres et l'autodidacte. La première édition de 1960, vite épuisée, est devenue maintenant une rareté bibliographique.

La Bibliothèque offre une aide systématique à tous ses lecteurs qui étudient divers aspects de la culture française, qu'il s'agisse de littérature, de sciences économiques, de droit. A. Bratcikova par exemple étudie la presse française; N. Karelina, la structure gouvernementale de la France; S. Zotov, la France et le « Marché commun » ; N. Efros s'intéresse à la bibliographie de Jean Jaurès, V. Golikov à la philosophie française, S. Bobotov au droit criminel français.

Différentes études de littérature française sont en cours sur les relations littéraires franco-russes, le romantisme français, le nouveau roman français, la littérature de la Renaissance française, l'œuvre de Sartre, d'Elsa Triolet, d'Anatole France...

De nombreux lecteurs travaillent sur l'art français des XIXe-XXe siècles, sur le théâtre et le cinéma français contemporains, sur les créations de différents metteurs en scène. Les intérêts des lecteurs soviétiques sont exceptionnellement variés et si le bibliographe est appelé un jour à préparer pour un lecteur la bibliographie de la Révolution française, le lendemain, il devra dresser une bibliographie d'oenologie.

Ce ne sont que des exemples que nous pourrions multiplier.

Le bureau de renseignements bibliographiques de la Bibliothèque ne chôme pas : les demandes affluent continuellement aussi bien pour les lecteurs individuels que pour les collectivités, les rédactions, les éditeurs. Les sujets de renseignements écrits que les bibliographes de la Bibliothèque sont appelés à fournir témoignent du vif intérêt du public soviétique pour la science, la culture et l'art français. Les uns demandent, par exemple, de Léningrad des matériaux sur la satire et l'humour de la France contemporaine, ou bien de Vilnius nous vient une demande de bibliographie de la poésie de Jacques Prévert, ou encore c'est la ville de Kirov qui demande des matériaux relatifs aux prépositions en langue française, ou un lecteur de Khar'kov qui désire une documentation sur l'existentialisme français. Les nombreux catalogues de livres et fichiers d'articles de périodiques permettent de satisfaire rapidement ces demandes.

La Bibliothèque des littératures étrangères fête avec éclat les anniversaires des écrivains, peintres, musiciens, savants français. Elle expose à ces occasions leurs œuvres, des documents illustrant leur vie et leur activité, organise des soirées commémoratives qui jouissent d'une grande popularité et tout ceci bien entendu en langue française, ce qui attire différentes générations de lecteurs, des tout jeunes qui apprennent la langue au lycée jusqu'aux vieux Moscovites de plus de soixante-dix ans qui se souviennent de la langue française de leurs jeunes années.

Pendant les premiers mois de 1964, les lecteurs de la Bibliothèque ont pu voir les expositions consacrées au 225e anniversaire de Montesquieu, au 125e anniversaire de Cézanne, au 100e anniversaire de Jules Renard, au 200e de Chénier, au 220e de l'Abbé Prévost, au 120e d'Anatole France, au 80e de Jean Richard-Bloch et autres. Des expositions s'accompagnent généralement de soirées.

Citons quelques sujets de ces dernières soirées : « Henri Barbusse », « Le Conte français contemporain » (Armand Lanoux, André Maurois, André Stil, Marcel Aymé), « Prosper Mérimée » (Exposé sur sa vie et son œuvre, ensuite une représentation de Colomba, jouée par des acteurs français, des scènes des Ames du purgatoire, jouées en français par une troupe dramatique d'amateurs dirigée par Alice Oran), « Le paysage dans la peinture et la poésie françaises du XVIe siècle », « Paris, excursion à travers la ville » avec projections ( cette soirée a été répétée à la demande des lecteurs ),« La poésie classique française », « Jules Renard », (avec représentation de Poil de carotte par la troupe d'Alice Oran). Souvent les soirées sont accompagnées de projections de photos ou de films.

On pourrait relever parmi les meilleures traditions de la Bibliothèque les rencontres, à leur retour d'un séjour en France, des écrivains, savants, peintres soviétiques, ceux qu'on appelle des « hommes intéressants » et qui veulent bien partager leurs impressions. Ainsi le dramaturge Arbuzov a raconté aux lecteurs les représentations à Paris du théâtre Vakhtangov, le critique Komissarževskij a parlé de la saison théâtrale parisienne, le critique d'art Ždanov a projeté son film d'amateur « La poésie de la Seine »... 25 à 30 conférences sur la littérature, la peinture, le théâtre, le cinéma français ont lieu à la Bibliothèque tous les ans.

Les lecteurs ont discuté avec intérêt : les « Cahiers français » de I. Ehrenbourg, d'Armand Lanoux : Le Commandant Watrin, les pièces de Ionesco, l'école du « Nouveau roman ».

La Bibliothèque compte parmi ses fidèles lecteurs des traducteurs notoires d'URSS qui font connaître au public soviétique la littérature française. On leur demande souvent de prendre part aux soirées et de lire leurs toutes nouvelles traductions, ce qu'ils font volontiers, cette « première » étant pour eux une sorte de garantie de succès. Ce sont Nicolas Ljubimov, Mikhaïl Kudinov, Moris Vaksmakher, Vil'gel'm Levik et autres représentants « du noble service des relations internationales », comme les qualifiait Samuil Maršak. Mikhaïl Kudinov a lu ses nouvelles traductions de Guillaume Apollinaire, Vil'gel'm Levik, les traductions de Ronsard et de Du Bellay; Pavel Antokol'skij, Béranger, Barbier, Hugo, Rimbaud, Eluard, Dobzynski, Depestre; des traductions de poètes français inconnus du XVIIIe siècle et les poésies de Maupassant ont été lues par Ezra Levontin.

Des pédagogues et critiques littéraires, Inna Skunaeva et Grigorij Rabinovic, font devant les lecteurs tous les mois des exposés en français sur les nouvelles entrées d'ouvrages littéraires français. Citons enfin des rencontres personnelles avec des écrivains français. Pour peu qu'ils visitent l'URSS, leur chemin passe infailliblement par la salle de conférences de la Bibliothèque, décorée par des reproductions d'impressionnistes français. Là les attend avec curiosité le lecteur moscovite, où l'auteur est « assailli » de questions diverses en sa propre langue sur ses propres livres que les lecteurs connaissent bien et il lui arrive d'être embarrassé pour répondre. Si les lecteurs n'ont pas assisté à la causerie, ils la retrouvent enregistrée sur bande magnétique.

Les dernières rencontres ont eu lieu avec Pierre Emmanuel, Louis Aragon, Armand Lanoux, Nathalie Sarraute, le critique littéraire Pierre de Boisdeffre, le pédagogue Annette Jacobi, etc.

Il est difficile d'exposer dans les limites d'un article toutes les formes intéressantes et efficaces du travail avec les livres et les lecteurs entrepris par la Bibliothèque. En tout cas le « Livre d'or » de la Bibliothèque témoigne de nos efforts. On peut citer l'opinion du célèbre slaviste français, le Pr Mazon : « La Bibliothèque des littératures étrangères à Moscou est unique, il n'existe aucun organisme semblable au monde. C'est une Bibliothèque que les travailleurs scientifiques de l'étranger peuvent envier et souhaiter pour leur propre pays ». De telles appréciations sont pour nous très encourageantes.

La France occupe une place particulière dans le cœur des soviétiques. La Russie a toujours aimé et connu de grands Français et ce pays qui a offert au monde de grands écrivains, peintres, savants. Les générations actuelles ne diffèrent guère des anciennes. Les travailleurs de la Bibliothèque fédérale d'État des littératures étrangères sont fiers d'avoir dans l'entretien de cette amitié leur part de mérite.

  1. (retour)↑  A. Rudnikov est décédé en avril 1965.