Le centre national de documentation scientifique et technique

August Cockx

Le Centre national de documentation scientifique et technique, créé le Ier janvier 1964 à la Bibliothèque royale, a pour but d'informer et de renseigner les chercheurs, les centres de recherches des universités, ainsi que ceux du secteur industriel. Deux causes principales déterminèrent sa création : l'accroissement de la population scientifique et l'élargissement permanent des programmes de recherche d'une part, l'augmentation foudroyante du nombre de documents scientifiques et de demandes d'information d'autre part. Le rayon d'activité du Centre s'étend à la médecine, aux sciences pures et appliquées, à la technologie, à l'agriculture, ainsi qu'à toutes les sciences exactes en général. Son programme, dont les lignes générales sont formulées par un Comité scientifique, va d'une politique systématique de recherche de documents et de l'élaboration d'aperçus bibliographiques à l'étude des moyens mécaniques disponibles (ordinateurs) ainsi qu'à la publication, en collaboration, d'un Catalogue collectif belge et luxembourgeois des périodiques étrangers en cours de publication.

Le Centre national de documentation scientifique et technique ne comporte ni le mot « information » ni le mot « belge » dans sa dénomination. Malgré cette double absence, ce Centre est, tant par sa structure que par son programme, une réalisation typiquement belge répondant au problème angoissant de « l'explosion de la documentation et de l'information scientifiques ». Après un travail préparatoire approfondi de deux ans et de nombreux pourparlers avec des milieux scientifiques, industriels et universitaires belges, le Ministère de l'Éducation nationale et de la Culture mit le conservateur en chef de la Bibliothèque royale de Belgique en mesure de créer, le Ier janvier 1964, au sein de la Bibliothèque même, un centre d'information scientifique, doté d'une grande indépendance, possédant un budget et un programme propres, ainsi qu'un personnel distinct.

Les quelques lignes qui vont suivre sont consacrées à une esquisse rapide de sa structure et de son programme; en effet, une analyse détaillée de toutes les activités scientifiques du Centre, de son personnel et des résultats acquis après les deux premières années d'expérience, pourrait mener trop loin. Le rayon d'activité du Centre s'étend à la médecine, aux sciences pures et appliquées, à la technologie, à l'agriculture ainsi qu'à toutes les sciences exactes.

En Belgique, comme à l'étranger, le problème de la documentation et de l'information scientifiques et techniques est déterminé par l'augmentation de la population scientifique, l'élargissement et l'accélération des programmes de recherche, le développement systématique des sciences exactes, la complexité de la recherche et l'accroissement foudroyant du nombre de documents scientifiques sous toutes leurs formes. Les principaux facteurs ayant déterminé la création d'un centre national belge à la Bibliothèque royale peuvent être rapidement énumérés : déficience de l'infrastructure des bibliothèques et des centres de documentation en Belgique; lacunes dans les collections spécialisées; pénurie ou même absence de personnel qualifié universitaire; manque total de spécialistes et de techniciens de l'information. Poursuivant en la matière la même politique que des pays étrangers (États-Unis, Grande-Bretagne, etc.), la Bibliothèque royale a estimé nécessaire l'élaboration d'un réseau national structuré de documentation pour les domaines scientifiques en question. A côté d'une série de centres de documentation particuliers (universités, centres de recherche, industries, etc.), ce réseau national comporte, un centre national général (problèmes des doubles emplois, des documents marginaux ou peu utilisés, nécessité de prévoir un exemplaire pour le pays), chargé de la collaboration sur le plan international (politique scientifique internationale) et des relations directes avec les organismes internationaux.

L'organisation interne du Centre national belge est simple. La Commission administrative du patrimoine de la Bibliothèque royale assure la gestion administrative du Centre, tandis qu'un Comité scientifique, composé de seize personnalités éminentes du monde scientifique et industriel, formule les lignes générales de son programme. Chaque membre de ce Comité est choisi en fonction de sa spécialité. Les membres du personnel se répartissent en deux groupes : des documentalistes et des spécialistes de l'information. Les documentalistes sont recrutés sur la base d'une formation technique avancée et d'une expérience acquise dans la recherche documentaire. Les spécialistes de l'information ne sont ni des bibliothécaires, ni des documentalistes, mais des chercheurs spécialisés ayant une formation ainsi qu'une expérience académiques. Leur mission est de suivre le progrès de la science dans leurs domaines respectifs et ensuite d'informer, de guider et de conseiller le chercheur en fonction d'une littérature scientifique existante (sources écrites) et de leur expérience personnelle (sources non écrites). La participation du « spécialiste à l'information » à des activités scientifiques, c'est-à-dire à des journées d'études, congrès, conférences, et des visites régulières à des laboratoires et usines sont indispensables (formation et information du personnel du Centre). C'est après une présélection des documents par le documentaliste, que le spécialiste de l'information évalue la valeur scientifique de leur contenu et communique les résultats de son étude verbalement ou sous forme de rapport.

Le Centre dispose de ses propres documents ainsi que des vastes collections, des services généraux et techniques de la Bibliothèque royale (e.a. du service de reproduction photographique).

Le programme scientifique du Centre national de documentation scientifique et technique fut d'abord élaboré en fonction des besoins en information scientifique de la recherche belge; dans la suite, il s'est inspiré, dans ses perspectives à long terme, du programme préconisé par deux importants rapports publiés en 1963, l'un français, l'autre américain. Il s'agit du rapport « Boutry » et du rapport « Weinberg ».

Dans ce cadre, le Centre national belge assume les tâches générales suivantes, certaines en collaboration avec la Bibliothèque royale même et d'autres centres de recherche ou bibliothèques spécialisées.

I.I. Politique systématique de recherche de documents (articles de revues, comptes rendus de congrès, rapports, etc.) pour le chercheur (le cas échéant, fourniture de copies). Une des plus importantes missions du Centre est constituée par la recherche de documents difficilement accessibles pour le chercheur et non commercialisés : publications de l'Union soviétique, du Japon ou de l'Inde, etc., revues scientifiques internes, « preprints » des congrès, rapports scientifiques, littérature « souterraine », thèses universitaires dactylographiées, littérature technico-commerciale, documentation exclusivement disponible sous forme de microfiches et de microcartes, exceptionnellement normes ou brevets, etc. Ce travail de dépistage exige de la part du documentaliste expérimenté une connaissance approfondie des institutions et des centres de recherche des autres pays et des moyens d'obtention rapide et économique de la publication désirée. Le Centre entretient des contacts directs avec trois mille institutions de recherche dans le monde entier et se charge souvent lui-même de rechercher les publications demandées.

1.2. Information du chercheur sous la forme d'aperçus bibliographiques succincts donnant l'état d'une question (exposés de synthèse, mises au point, etc.) en fonction d'une question ou d'une demande précise.

Cette activité, la plus importante du Centre, est dirigée par des spécialistes qui ne sont donc ni bibliothécaires, ni documentalistes. Ces spécialistes répondent directement à des questions simples (constantes, formules, composés, méthodes, etc.). Pour des problèmes plus complexes le spécialiste invite le chercheur à étudier personnellement avec lui, et sur la base de sources écrites ou non écrites à sa disposition (cf. supra), la solution qui s'offre à son problème. En principe, le Centre ne rédige pas d'analyses et n'accepte pas de fournir de l'information par abonnement (c'est-à-dire communiquer à des dates fixes l'évolution d'un problème déterminé). Le spécialiste ne fournit pas au chercheur une liste d'articles de revues ou de rapports uniquement pour « le plaisir de le documenter », mais il tente de trouver la solution adéquate à la question posée (service question-réponse). Une collaboration étroite et des échanges de vues entre le spécialiste du Centre et le chercheur postulent de la part du spécialiste une formation scientifique dans les mêmes disciplines (chimie, biologie, électronique, automatisation, etc.).

1.3. Orientation du chercheur vers un autre centre belge ou étranger, lorsque la Bibliothèque royale et le Centre ne possèdent pas l'information ou le document requis (cf. I.I). Vu l'évolution rapide de certains domaines (cf. électronique, recherche spatiale, etc.) et la spécialisation de plus en plus poussée de certains autres, le spécialiste de l'information se chargera dans ces cas lui-même de prendre contact avec une autre institution belge ou étrangère, susceptible d'éclairer le chercheur.

I.4. Rôle d'intermédiaire entre le chercheur et l'institution de recherche qui ne traite pas avec des particuliers; ici le Centre reprend la demande du particulier, et essaye de trouver le document ou l'information en prêtant ses services.

I.5. Étude des moyens techniques actuellement disponibles : cartes perforées, machines calculatrices, etc., et formation de techniciens de l'information (« programmeurs »); étude des possibilités bibliographiques, techniques et économiques des machines : problèmes de l'automatisation de grandes bibliothèques scientifiques ; thesauri, etc.

1.6. Connaissance des programmes de la recherche scientifique belge et prévision des besoins documentaires des chercheurs. Le Centre s'adressant avant tout à un « marché scientifique » belge existant (et futur) se tient, par tous les moyens à sa disposition, au courant des programmes de recherche, tant des institutions officielles que de l'industrie privée.

A côté de cette tâche journalière, le Centre national assumera (parfois en collaboration avec d'autres centres ou services scientifiques, par exemple le Conseil national de la politique scientifique, l'Institut pour l'encouragement de la recherche scientifique dans l'industrie et l'agriculture (IRSIA), le Fonds national de la recherche scientifique, le Comité inter-ministériel de la politique scientifique) certaines missions particulières :

2.1. Publication des deux volumes du Catalogue collectif belge et luxembourgeois des périodiques étrangers en cours de publication et préparation de son supplément: Bruxelles, Éditions Culture et Civilisation, 1965, 1 982 pages, 46 165 notices bibliographiques.

2.2. Inventaire permanent des publications scientifiques belges : littérature scientifique belge difficilement accessible (mémoires de licence et thèses de doctorat non publiés, rapports de recherche subventionnée, documents scientifiques à circulation limitée, « preprints », traductions internes, etc.).

2.3. Inventaire des centres de documentation spécialisés en Belgique avec description détaillée des possibilités documentaires de chacun de ceux-ci.

2.4. Un contrôle régulier de l'organisation des congrès internationaux (préalable à l'édition de leurs comptes rendus) permet aux spécialistes du Centre de suivre de très près l'activité scientifique et d'obtenir, avant même l'ouverture des conférences, les programmes et résumés des communications présentées. Ce contrôle rigoureux s'opère à l'aide de dizaines de calendriers mentionnant l'organisation des congrès scientifiques internationaux (environ 2 200 par an), et il permet l'information directe des chercheurs belges intéressés.

Ces quatre projets en cours sont des inventaires permanents, qui doivent servir d'instrument de travail aux documentalistes et spécialistes du Centre.

Cette structure souple et ce programme adapté aux besoins immédiats des chercheurs belges expliquent en grande partie le succès rencontré par le Centre aussi bien auprès du chercheur individuel que des institutions de recherche. En effet, le Centre est en contact permanent avec 760 entreprises industrielles belges et étrangères et, en 1964, a rendu service à des milliers de chercheurs individuels. Le nombre de photocopies délivrées (une ou deux pages de texte) s'élevait pour les deux premieres années d'existence du Centre à environ 400 000 ce qui représente 60 % des demandes; 20 % des demandes ont été exécutées et les photocopies envoyées directement par d'autres bibliothèques belges; tandis que les 20 % restants ont été trouvés par les services du Centre à l'étranger (États-Unis, URSS, Japon, etc.).

Les « chercheurs collectifs », travaillant dans des universités, dans l'industrie ou dans des centres de recherche, souvent du secteur privé, représentent 55 % des usagers du Centre. La grande préoccupation actuelle est d'ailleurs d'intensifier l'information scientifique et technique de la petite et moyenne entreprise. Les autres 45 % se rapportent à ce que l'on peut appeler des « chercheurs individuels » : médecins-spécialistes, ingénieurs-conseils, etc. Il est à noter que les demandes d'information et surtout de reproduction dans les domaines technico-commerciaux et scientifiques émanant des pays en voie de développement (Grèce, Turquie, Inde, pays d'Afrique et d'Amérique latine, etc.) augmentent sans cesse.

La réussite du Centre dans tous ces domaines est due à plusieurs facteurs : I° sa structure très souple; 2° un « marché scientifique » pré-existant, représentant 70 % de l'effort et du potentiel scientifiques belges (médecine, sciences pures, sciences appliquées, agriculture et cultures tropicales); 3° l'optique moderne de son service rapide « question-réponse » évitant de longues listes bibliographiques; 4° les collections et l'équipement moderne de la Bibliothèque royale : téléphone, télex, reproduction photographique adéquate et immédiate au prix de revient; 5° le contact et l'échange d'expérience directs et personnels du chercheur avec le spécialiste de l'information; 6° l'accueil enthousiaste qui fut réservé dès le début à ce nouveau service par les milieux scientifiques et industriels belges; 7° la présence d'une équipe de chercheurs spécialisés et dynamiques, se consacrant entièrement à la recherche d'une solution aux problèmes posés au Centre.

Les résultats obtenus par le Centre pour les premiers mois de son existence sont très encourageants. Les chiffres sont là pour le prouver. Les besoins en information et en documents ne font toutefois que croître en Belgique, alors que les ressources restent limitées. Quant au chercheur il ne demande pas qu'on lui parle de « l'extraordinaire expansion de la documentation scientifique », mais bien qu'on mette à sa disposition un instrument de travail efficace et toujours actuel.