Chronique des bibliothèques

La Bibliothèque universitaire d'Alger.

La loi du 20 décembre 1879 relative à l'enseignement supérieur en Algérie a posé l'acte d'où est née la bibliothèque de l'Université d'Alger. Cependant antérieurement à cette date, l'École de médecine et de pharmacie, dont l'origine remonte au mois d'août 1857, possédait une bibliothèque médicale et scientifique.

Dès l'année 1880, le fonds de cette école était versé au fonds commun des trois écoles préparatoires à l'enseignement du droit, des sciences et des lettres. Lorsque la loi du 30 décembre 1909 accorda le titre de facultés aux écoles supérieures d'Alger, créant ainsi l'Université, la bibliothèque avait déjà derrière elle un passé sinon une histoire.

Lorsqu'elle fut élevée au rang de bibliothèque universitaire, la bibliothèque était installée depuis 1888 dans la partie centrale de l'Université et comprenait une grande salle de lecture (43 m de long, 8 m de large, 8 m 30 de haut) éclairée par neuf larges fenêtres en façade sur la rue Michelet et quatre salles annexes à l'étage supérieur. Cette disposition topographique au milieu des bâtiments de l'Université, si elle présentait une grande commodité d'accès pour les lecteurs, s'opposait toutefois à tout agrandissement normal d'une bibliothèque.

Ainsi la salle de lecture, faite à l'origine pour accueillir 40 lecteurs, dut bientôt répondre aux besoins d'une population étudiante dont le chiffre passait de 500 en 1900 à 1 500 en 1920, pour atteindre 2 000 en 1930.

Aussi dès 1939 s'échelonne une série d'aménagements importants destinés à remédier à la pénurie de place pour les lecteurs.

Le premier de ces aménagements fut la création d'une salle réservée aux professeurs qui jusqu'à cette époque disposaient uniquement de quatre places dans la salle des étudiants.

Les professeurs restèrent jusqu'en 1950 dans cette salle, sorte de long couloir de 12,50 m sur 2,70 m contigu à la salle de lecture. A cette date on y installa une salle des catalogues (auteurs, matières, ouvrages en arabe, thèses de médecine, périodiques, etc...) équipée de fichiers métalliques.

A l'étage supérieur, abandonné par les services du rectorat, les professeurs disposèrent alors dans leur nouvelle salle, éclairée par de grandes fenêtres en façade sur la rue Michelet, de 32 places et d'un grand nombre d'ouvrages de références et de périodiques disposés sur tout le pourtour. D'autre part, la salle de lecture, après de multiples transformations (suppression de rayonnages occupant un quart de la salle, remplacement du mobilier, etc...) pouvait offrir aux lecteurs 178 places en 1962.

Pour loger les collections de plus en plus abondantes de vastes locaux furent aménagés. La salle de cours publics située au-dessous de la salle de lecture fut cédée en 1933 par la Faculté des lettres à la bibliothèque qui la transforma en deux étages de magasins contenant plus de 130 000 volumes, aisément communicables à la salle de lecture par un monte-charge.

Enfin au cours des 10 dernières années furent construits de vastes magasins par surélévation des deux ailes encadrant la cour d'honneur et la transformation d'une terrasse. Les périodiques, les collections et une partie des thèses furent installés dans ces nouveaux magasins auxquels s'adjoignirent un bureau équipé d'un mobilier moderne pour deux bibliothécaires et une petite salle servant de Réserve. Le conservateur en chef occupait alors un grand bureau contigu à la salle des professeurs et les bibliothécaires et sous-bibliothécaires son ancien bureau proche à la fois de la salle de lecture et de celle des catalogues.

Naturellement, un tel accroissement de la bibliothèque exigeait un personnel de plus en plus nombreux, aussi l'effectif composé au début uniquement d'un bibliothécaire et d'un garçon de salle atteignait en 1960 un ensemble de 28 personnes, soit :

I conservateur en chef, 4 bibliothécaires, 3 sous-bibliothécaires, 2 sténodactylographes, 18 magasiniers et gardiens.

Parallèlement, le budget modeste à ses débuts, puisqu'il s'élevait en 1909 à 22 000 francs, devait atteindre en 1960, 19 670 000 anciens francs.

Outre les ouvrages qu'elle achetait, ou recevait régulièrement du service des thèses et des échanges inter-universitaires, la bibliothèque bénéficiait de temps à autre de dons plus ou moins intéressants; l'un des plus considérables lui vint du « British Council » au cours de l'année scolaire 1945-1946. Cette donation comprenant plus de 5 000 volumes reliés de langue anglaise en majorité à caractère littéraire fut classée et cataloguée à part, car les volumes ne pouvaient pas, stipulait la donation, être prêtés à l'extérieur.

Ainsi le fonds général de la bibliothèque qui s'accroissait en moyenne au cours de ces dernières années de 8 ooo à 10 000 volumes par an, atteignait-il en 1962 le chiffre approximatif de 500 000, la proportion importante de périodiques (1 275 titres dont 630 étrangers) rendant difficile l'établissement d'un chiffre rigoureusement exact. Pourtant en 1962, la bibliothèque était de nouveau insuffisante pour le nombre d'étudiants qui n'a jamais cessé de croître, sauf deux reculs : l'un en 1954-55, au début de l'insurrection algérienne, l'autre beaucoup plus sensible en 1957, année qui a vu se développer à la fois le terrorisme urbain et la grève des étudiants musulmans. Cependant, en 1960-196I le nombre des étudiants passait au chiffre jamais encore atteint de 7 248.

Que représentaient en face de ces effectifs les 178 places de la salle de lecture, malgré un prêt à domicile assez large et très actif (plus de 14 000 volumes en 1960) et un délai de communication rendu minime par l'emploi de deux monte-charge, l'abondance du personnel et son utilisation rationnelle.

C'est pourquoi, malgré les difficultés de la vie algérienne, le Conservateur en chef, M. Koelbert, qui, depuis 30 ans à la tête de cet établissement, avait présidé à son remarquable développement, étudiait de nouveaux projets d'extension et d'amélioration.

Déjà l'année 196I, marquée sur le plan matériel par la construction d'un ascenseur neuf avait vu l'achèvement sur le plan technique, de plusieurs catalogues spécialisés, et le nombre des bibliothécaires permettait enfin de s'attaquer à la refonte des anciens catalogues lorsque la destruction de plusieurs laboratoires dans la nuit du 7 au 8 avril 1962 entraîna la fermeture de l'Université et partant celle de la bibliothèque. Cette dernière essaya encore pourtant de rendre service tous les matins aux quelques professeurs autorisés à pénétrer dans l'enceinte de l'Université jusqu'au jour de mai où un attentat, en partie manqué d'ailleurs, détruisit les bureaux donnant sur la cour d'honneur et tout ce qu'ils contenaient, en particulier les registres d'inventaire. Il ne restait plus qu'à fermer en redoutant le pire. Ce pire survint le 7 juin 1962 qui vit se déclarer un gigantesque incendie à l'intérieur de l'Université. En quelques heures disparurent dans les flammes la salle de lecture avec son mobilier, les usuels et les nombreuses collections qui garnissaient une grande galerie faisant le tour de la salle, les magasins situés au-dessus contenant les collections du Journal officiel, des quotidiens d'Alger et un grand nombre de thèses, le magasin des ouvrages les plus récents, la réserve qui contenait heureusement assez peu d'ouvrages rares et dont une partie fut seulement endommagée et les bureaux des bibliothécaires.

L'aile abritant les périodiques fut entièrement épargnée, ainsi que certains magasins contenant des ouvrages en collection et un certain nombre de thèses. Mais les ouvrages ordinaires des magasins situés sous la salle de lecture, s'ils n'ont pas brûlé, ont été très abîmés par l'eau destinée à combattre l'incendie et un grand nombre sont inutilisables.

Bibliothèques municipales.

Brest (Finistère).

Exposition Blaise Pascal et J.-J. Rousseau. - A l'occasion du tricentenaire de la naissance de Blaise Pascal, la Bibliothèque municipale a organisé dans ses locaux, une exposition sur l'œuvre de l'auteur des Pensées.

Les vitrines du hall d'entrée de la bibliothèque présentaient une évocation de la vie quotidienne à Port-Royal, réalisée au moyen de gravures anciennes appartenant à la collection personnelle de M. Feydel, sous-préfet de Brest.

A signaler : deux volumes provenant de la collection du Dr Rousse, une édition des Provinciales datant de 1657 qui fut, en fait, la première édition d'ensemble des lettres groupées sous ce titre et une édition des Pensées remontant à 1671; portant la date de 1752, une histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament, œuvre d'un des solitaires de Port-Royal, ainsi qu'une édition plus récente, mais remarquable du Port-Royal de Sainte-Beuve appartenant à Mme Drapier et, naturellement, Les Pensées, dans l'édition « Les Bibliolâtres de France » don du ministère de l'Éducation nationale.

Dans le même temps, la Bibliothèque municipale a présenté une exposition sur Jean-Jacques Rousseau, à l'occasion du 250e anniversaire de sa naissance.

Cette exposition a été inaugurée le 23 mai. M. Gravot, professeur agrégé de philosophie a fait, ce soir-là, dans une salle de la bibliothèque, une conférence sur Pascal.

Carpentras (Vaucluse).

Il y a quelque temps s'éteignait à Carpentras le comte Victor de Sobirats, dernier de sa race, qui avait institué la ville son héritière. Le rôle du conservateur était de choisir dans la succession mobilière tout ce qui pouvait intéresser les établissements (Bibliothèque, Archives et Musées) qu'il dirige. Ce travail vient d'être achevé et voici ce qui en résulte pour la Bibliothèque. Le fonds mondialement connu de l'Inguimbertine s'est enrichi de 1 500 volumes environ qui se trouvaient soit à la rue Cottier à Carpentras, soit surtout dans le domaine de Saint-Martin-de-Serres, ce dernier ensemble mieux conservé. Il s'agit avant tout d'ouvrages anciens des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, reliés en cuir incrusté d'or. Certaines reliures sont très belles. L'une d'entre elles, celle des Commentaires de César en langue française, de 1652, est même somptueuse. Parmi ces ouvrages se trouvaient deux incunables, le tome II du Miroir hystorial de Vincent de Beauvais et un Calendrier orné de vignettes représentant des scènes de la vie champêtre accompagnant les saisons, auxquels s'ajoute la Confession générale de frère Olivier Maillard de 15II, ces trois derniers ouvrages sont en piètre état il est vrai. Voici quelques titres d'imprimés plus récents, parmi lesquels, notons-le, le nombre de doubles est très peu important : Histoire naturelle des oiseaux, magnifiquement illustrée, Paris, 1770-1784, 9 vol. in-4°; l'Histoire ancienne de Rollin, Paris, 1788; l'Histoire romaine, du même auteur, Paris, 1738, en 16 vol.; la Science parfaite des notaires de Claude de Ferrière, Lyon, 170I; les Contes de J. Boccace, Londres, 1779, en 10 vol. avec de très belles illustrations; Lettres sur la Suisse adressées à Madame de M... par un voyageur françois en 178I, Genève, 1783, 2 vol.; Explications des qualités ou des caractères que S. Paul donne à la charité, Paris, 1727 et l'ouvrage de N. Malebranche, De la recherche de la vérité, Paris, 1762, en 4 vol. Ce petit échantillonnage montre déjà que le fonds comprend des ouvrages d'histoire, de droit, de géographie, d'histoire naturelle, de théologie et de philosophie. Il correspond bien à l'esprit de la vénérable Inguimbertine et l'on ne peut que se féliciter de cet important accroissement 1.

Le Havre (Seine-Maritime).

En 1948, fut créé à la Bibliothèque municipale du Havre, par la bibliothécaire et les amis de la bibliothèque (en particulier des professeurs des lycées de garçons et filles de la ville), un cercle d'étude qui, sous le nom de groupe « Recherches », se réunissait tous les mois, pendant l'année scolaire, dans la salle de la bibliothèque de prêt.

Un exposé sur un sujet le plus souvent littéraire ou philosophique était suivi d'une discussion à laquelle participaient tous les assistants.

Le succès de cette initiative amena une transformation que ne prévoyaient pas les fondateurs : les exposés devinrent de véritables conférences, d'autant plus recherchées qu'elles avaient un caractère privé. Les discussions, toujours maintenues, étaient souvent animées et d'un vif intérêt. Les salles de la bibliothèque furent bientôt trop petites pour contenir les 150 personnes qui souhaitaient être invitées à ces réunions. A regret les auditeurs laissèrent le cadre qui leur était déjà familier, pour se retrouver dans une salle plus vaste et plus confortable du Palais de la Bourse. C'est là que s'est déroulé le cycle 196I-1962 des conférences du groupe « Recherches ».

Bibliothèques centrales de prêt.

Lot-et-Garonne.

Dans le cadre du IIIe Festival d'Art lyrique et dramatique de Villeneuve-sur-Lot, une exposition organisée par la Bibliothèque centrale de prêt du Lot-et-Garonne et le Musée de la ville, s'est tenue du 24 juin au 8 juillet 1962 dans le vestibule du théâtre Georges Leygues.

Sous le titre « Autour de Ruy Blas et de Carmen », cette exposition avait pris la forme d'une rétrospective littéraire et théâtrale. Il s'agissait de faire revivre, depuis leur naissance jusqu'à nos jours les deux pièces inspirées l'une et l'autre par l'Espagne, qui furent jouées au cours du Festival par les acteurs de la Comédie Française et de l'Opéra de Paris. Grâce à des documents communiqués par plusieurs musées et bibliothèques (notamment la Bibliothèque nationale et celle de la Comédie Française, les musées Victor-Hugo et Paul-Dupuy, etc...) on a pu évoquer les différents aspects de ces œuvres : leur création (portraits des auteurs, ouvrages les ayant inspirés, manuscrits), leur atmosphère (estampes sur l'Espagne du XIXe siècle, vues de théâtres de l'époque romantique), les représentations théâtrales successives (affiches, programmes, maquettes de décors et de costumes, portraits des acteurs, critiques de la presse, etc...). Chaque document était accompagné d'une notice explicative de quelques lignes, et une brochure guide imprimée indiquait l'ordre de la visite.

  1. (retour)↑  Sur le legs Sobirats, voir : La Succession du comte Victor de Sobirats et l'enrichissement de la Bibliothèque, des Archives et des Musées de Carpentras, par Henri Dubled, dans Rencontres, Association Carpentrassienne de diffusion culturelle, juillet-août 1962. n° 40.