Pose de la première pierre de la Bibliothèque universitaire de Dijon (4 avril 1959)

A l'issue de la séance de clôture du Congrès des sociétés savantes, s'est déroulée en présence des congressistes sur le Plateau de Montmuzard à Dijon la cérémonie de la pose de la première pierre de la nouvelle Bibliothèque universitaire.

L'architecte M. Barade présenta le plan du futur bâtiment aux personnalités présentes : M. Julien Cain, directeur général des Bibliothèques de France, représentant le ministre de l'Éducation nationale; M. Bouchard, recteur de l'Université ; M. Morris, préfet de la Côte-d'Or, inspecteur général de l'Administration en mission extraordinaire; M. le Chanoine Kir, député-maire de Dijon; le Général Bouvet, représentant le Commandant de la 7e région militaire; M. Pierre Lelièvre, inspecteur général, adjoint au directeur; M. Masson, inspecteur général des Bibliothèques de France; Mlle Barthélemy, conservateur de la Bibliothèque et Mlle Weil, bibliothécaire.

M. le recteur Bouchard a souligné que, les effectifs ayant triplé en l'espace de dix ans, il est apparu que, « dans une ville ancienne comme l'est Dijon où l'on chercherait en vain un espace libre dans les vieux quartiers dans lesquels au cours des âges se sont entassés les maisons, les hôtels aristocratiques et les églises, il n'y avait point d'autre remède à l'étouffement dont l'Université était menacée que de transplanter l'un après l'autre tous ses établissements en dehors des lieux habités et de les étaler sur un vaste campus à la mode américaine auprès de la Faculté des Sciences ».

Dans ce « campus », la Bibliothèque doit avoir sa place : « Nous avons pensé, a précisé M. le recteur Bouchard, qu'il était préférable pour le travail de l'isoler le plus loin possible des bruits de la rue à l'abri de la verdure, dans un site favorable au recueillement, à égale distance des trois Facultés et des pavillons d'habitation. Mais nous ne nous sommes pas seulement guidés sur ces considérations d'ordre pratique; nous nous sommes inspirés d'une idée symbolique. Il nous a paru qu'en plaçant au centre même de l'Université le nouvel édifice dont la haute tour la dominera et sera aperçue depuis les lointains horizons, nous signifions qu'à nos yeux ce dépôt de toutes les oeuvres de la littérature et des découvertes de la science, ce sanctuaire de l'esprit humain fréquenté par tous les professeurs et par tous les étudiants de toutes les disciplines, cet arsenal de documentation dont, quel que soit leur objet, l'enseignement et la recherche ne sauraient se passer, est vraiment le cœur et le principe de vie du grand corps universitaire dont nous avons formé l'ambition de réunir sur le terrain de Montmuzard les membres auparavant dispersés. » M. Bouchard exprime ensuite la gratitude de l'Université à l'égard de M. Julien Cain et de M. Masson.

Prenant la parole à son tour M. Julien Cain, souligne que « la pose de la première pierre de la Bibliothèque universitaire de Dijon, au centre de vastes terrains affectés d'un côté aux Sciences et à la Médecine, de l'autre au Droit et aux Lettres, s'inscrit dans un vaste programme de rénovation des méthodes universitaires poursuivi en étroite liaison entre la Direction de l'Enseignement supérieur et celle des Bibliothèques ».

« Notre premier objectif, poursuivit M. Cain, est de favoriser la décentralisation universitaire non par une mesure administrative brutale ou par une contrainte, mais en offrant de telles facilités de travail que, spontanément, l'étudiant préfère le cadre attrayant des facultés de province aux amphithéâtres surpeuplés de la Sorbonne. La montée en flèche des statistiques montre que nous sommes suivis et lorsque les étudiants des Lettres et du Droit de Dijon trouveront les commodités dont leurs camarades des Sciences bénéficient déjà, il est hors de doute que la progression s'accentuera. Les bibliothèques peuvent jouer un rôle de premier plan dans ce mouvement, d'abord par une conception nouvelle des installations matérielles mises à la disposition des professeurs et des étudiants puis par la qualité de la documentation et des instruments de recherche.

M. Cain donna ensuite des précisions sur les aménagements prévus : « L'édifice, dont nous posons aujourd'hui la première pierre est vaste, mais surtout il comporte des possibilités d'extension interne et externe pratiquement indéfinies. La nouvelle salle de lecture mesure 560 mètres carrés, alors qu'actuellement les étudiants doivent s'entasser dans une salle de 157 mètres carrés. Lorsque cette installation, trois ou quatre fois plus spacieuse que l'ancienne, se révèlera insuffisante, on pourra utiliser en seconde salle de lecture le rez-de-chaussée de la bibliothèque. Et s'il faut un jour plus d'espace, il suffira de greffer contre ces deux salles de nouvelles travées dans l'espace latéral réservé à cet effet. Il en va de même pour la tour à livres et les diverses salles de périodiques, de catalogue et de réservé dont l'absence se faisait si cruellement sentir dans le bâtiment ancien. »

« Si le cadre extérieur de la bibliothèque est l'élément le plus apparent des progrès en cours de réalisation, poursuivit M. Cain, il ne représente qu'une partie de nos préoccupations et le contraste est encore plus grand entre ce que la Direction des Bibliothèques a trouvé à Dijon, lors de sa création en 1945 et ce qu'elle offre aujourd'hui aux étudiants. » Quel était en 1946, le personnel de la Bibliothèque de Dijon ? « Il se composait d'une employée auxiliaire, d'un sergent de l'Infanterie coloniale en retraite et d'un ancien menuisier âgé de 72 ans, soit au total trois personnes non diplômées, placées sous le contrôle du conservateur de la bibliothèque municipale. En 1959, il comporte un conservateur, un bibliothécaire, deux sous-bibliothécaires diplômées, un commis, deux dactylographes, un magasinier et trois gardiens. Le personnel a donc quadruplé pendant que les moyens d'action mis à sa disposition augmentaient dans des proportions encore plus considérables. »

Replaçant ainsi l'effort fait par la Direction en faveur de l'Université de Dijon dans l'ensemble des réalisations provinciales, M. Julien Cain rappela les tâches exceptionnelles exigées par la reconstruction des bibliothèques sinistrées, évoqua la construction de la bibliothèque de droit et des lettres d'Aix-en-Provence, de la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Marseille, les agrandissements de celles de Besançon, Clermont-Ferrand, Montpellier et Rennes, ainsi que l'ouverture de chantiers à Grenoble. Dans le vaste programme à l'étude, l'Université de Dijon a été inscrite en priorité. Grâce à l'initiative de M. le recteur Bouchard c'est une véritable ville universitaire qui doit s'élever dans le cadre privilégié de Montmuzard : « Ce qui nous touche profondément, M. le recteur, poursuit M. Julien Cain, et ce que pour quoi la Direction des Bibliothèques a accueilli avec faveur votre projet, c'est qu'une place de choix a été réservée à la Bibliothèque universitaire, au milieu du campus, entre les bâtiments de la Faculté des sciences, déjà édifiés, et l'emplacement réservé aux Facultés de droit et des lettres. Notre tour de livres qui se dresse au centre donne son accent à l'ensemble de la composition architecturale.

« Une formule analogue a déjà été réalisée à Caen et elle a été admirée par tous ceux qui assistèrent aux fêtes d'inauguration de juin 1957. Mais en Normandie l'ancienne université avait été entièrement détruite par les bombardements et l'incendie. On était donc contraint de reconstruire en totalité alors qu'à Dijon on aurait pu, à la rigueur, se contenter d'améliorations de détail ou de transferts partiels. Un examen attentif de la situation a démontré que ces reprises progressives auraient fini par être plus coûteuses, pour un résultat infiniment moins satisfaisant et c'est pourquoi, je le répète, nous avons inscrit en toute première ligne les crédits destinés à la nouvelle bibliothèque de Dijon.

« Mais en même temps, nous avons voulu rendre hommage à une province qui a joué un rôle capital dans le domaine des lettres comme dans celui des arts. La coïncidence de date entre la pose de la première pierre de la Bibliothèque universitaire de Dijon et le Congrès des sociétés savantes est le signe de l'alliance que nous souhaitons entre les grandes traditions de la Bourgogne et les riches perspectives d'avenir de son Université. »

Les personnalités présentes apposèrent alors leur signature sur le parchemin qui consacre la cérémonie. Assisté de M. Morris et de M. Bouchard, M. Julién Cain procéda ensuite à la pose de la première pierre.