Le catalogue collectif des ouvrages étrangers

André Tuilier

Le Catalogue collectif des ouvrages étrangers aura bientôt sept ans d'existence. On sait en effet qu'il recense les acquisitions étrangères des grandes bibliothèques françaises depuis le Ier janvier 1952. Au 31 juillet 1958, 320 établissements publics ou privés participaient à l'entreprise collective. Cette dernière avait reçu à cette date 350.830 fiches. Nous présenterons ici un état des activités du Catalogue collectif au début de l'année universitaire 1958-1959.

Conformément aux instructions de la Direction des bibliothèques du 14 janvier 1952 et du 5 mars 1952 (instructions refondues dans la circulaire du Ier octobre 1952), le Catalogue collectif fonctionne à l'échelon régional et à l'échelon national. A l'échelon régional, il existe dans toutes les bibliothèques des universités de province un fichier collectif, qui regroupe les acquisitions étrangères des bibliothèques appartenant à la même circonscription académique et participant à l'entreprise sur le plan national. Les catalogues collectifs régionaux sont encore modestes et leur rôle documentaire paraît assez réduit dans l'ensemble.

Le service du Catalogue collectif national des ouvrages étrangers est placé sous le contrôle du Service technique de la Direction des bibliothèques de France. Il est installé dans une annexe de la Bibliothèque nationale au premier étage de l'immeuble du 65, rue de Richelieu.

Actuellement, le service assure les tâches suivantes :
I. Réception des fiches et contrôle statistique des envois des différentes bibliothèques.
2. Vérification des vedettes et classement des fiches.
3. Service de renseignements.

1° Réception des fiches et contrôle statistique des envois des différentes bibliothèques.

Tout envoi de fiches est pourvu d'un accusé de réception que le service date et signe avant de le retourner à l'expéditeur. Le travail est apparemment banal. En fait, il présente un intérêt documentaire de premier ordre. Il sert notamment à l'établissement de tableaux statistiques, qui permettent d'apprécier l'importance relative des acquisitions étrangères dans les différentes bibliothèques d'étude.

Nous savons ainsi que nos fiches proviennent en majorité des grands établissements scientifiques de Paris et de province. A cet égard, la Bibliothèque nationale occupe une place prépondérante. Elle fournit plus du quart des fiches adressées au service par les bibliothèques adhérentes. Entre le Ier janvier 1952 et le 3I juillet 1958, la Bibliothèque nationale a signalé 89.965 livres étrangers au Catalogue collectif.

La contribution des bibliothèques de l'Université de Paris est aussi très notable. Au 31 juillet 1958, ces établissements avaient fourni globalement 48.169 notices à l'entreprise collective. Ce nombre représente 13 % des fiches reçues par le catalogue depuis sa création. Il est égal au tiers des livres étrangers acquis pendant sept ans par l'ensemble des bibliothèques universitaires françaises.

Parmi les établissements de province, la Bibliothèque universitaire de Caen occupe avec la reconstitution de ses fonds la première place pour le volume des acquisitions étrangères. Au 31 juillet 1958, elle avait adressé 23.375 fiches au Catalogue collectif national des ouvrages étrangers.

La plupart des bibliothèques adhérentes transmettent régulièrement leurs fiches au collectif. Cependant plusieurs établissements, qui ont librement accepté de participer à l'entreprise, n'ont jamais signalé d'acquisitions étrangères au catalogue. Il s'agit très souvent de petites bibliothèques dont les fonds restent pratiquement stationnaires, faute de crédits destinés à les enrichir : bibliothèques d'instituts d'universités de province, bibliothèques de sociétés savantes, etc... Mais ces exceptions restent assez rares. La fidélité avec laquelle la plupart des bibliothèques signalent leurs acquisitions étrangères au catalogue révèle l'intérêt du monde savant pour le développement de la coopération entre les différentes bibliothèques d'études.

2° Vérification des vedettes et classement des fiches.

Le classement des fiches du Catalogue collectif reste une opération délicate étant donné la diversité des usages encore pratiqués malgré la normalisation en cours des règles de catalogage. Dans un grand nombre de cas, les notices parviennent au service sous des vedettes arbitraires. Cet état de fait exige des vérifications successives et des corrections nombreuses. Comme ces dernières absorbent un temps précieux, il a paru nécessaire d'en limiter le nombre aux cas essentiels, c'est-à-dire aux noms des auteurs, à l'exclusion de leurs prénoms. Dans cette perspective, le service a dû très vite abandonner le classement traditionnel des noms de personnes. A l'instar de plusieurs entreprises étrangères du même ordre, il utilise le système Berghôffer 1qui exclut les prénoms comme élément secondaire de classement et regroupe indistinctement sous une vedette commune les œuvres des auteurs homonymes. L'expérience a montré l'efficacité de cette méthode pour les catalogues collectifs. Mais il reste entendu que le système Berghöffer n'a pas sa place dans les fichiers des bibliothèques.

Comme le système Berghöffer ne permet pas commodément la fusion technique des trois types de vedettes (auteurs, collectivités-auteurs et anonymes), le Catalogue collectif national des ouvrages étrangers comprend désormais trois fichiers alphabétiques distincts :
a) fichier de vedettes d'auteurs (noms de personnes).
b) fichier de vedettes de collectivités-auteurs.
c) fichier de vedettes d'anonymes.

a) Fichier de vedettes d'auteurs individuels ou de noms de personnes.

Classé d'après le système Berghöffer, ce fichier recense tous les ouvrages qui ont pour auteur une personne figurant comme telle sur la page de titre. Si cette dernière omet le nom de l'auteur, la publication est considérée comme anonyme.

Pour éviter les inconvénients propres au système Berghöffer, les œuvres des grands auteurs subissent un traitement particulier. On les classe séparément après les autres dans les fichiers collectifs. De cette manière, ALFIERI (Vittorio), POPE (Alexander), SCHILLER (Friedrich von)... figurent respectivement après les vedettes génériques Alfieri, Pope, Schiller..., communes à tous les titres des homonymes de second ordre.

b) Fichier de vedettes de collectivités-auteurs.

Parmi les fiches ayant comme vedette une collectivité-auteur (en application des règles normalisées), seules sont classées dans le fichier « collectivités-auteurs » du Catalogue collectif, celles des ouvrages dont le titre, à l'exclusion du sous-titre, comporte le nom de la collectivité.

Il s'agit là d'une pratique propre au Catalogue collectif et qui résulte de plusieurs années d'expériences.

Ex. : CHINE (République populaire),
Constitution of the People's republic of China... - (S. l. n. d.) - In-4°, 27 p.

L'ouvrage est placé au fichier des collectivités sous la vedette CHINE (République populaire), parce que cette dernière figure comme auteur dans le titre de la publication.

Dans le cas contraire, la fiche est traitée comme anonyme au premier mot du titre :

Ex. : RUSSIA...
Russia today. The official report of the British trade union delegation. -
New York, International publishers, 1925. - In-8°, 286 p., fig. ill.

Ici, la Délégation des syndicats britanniques est bien l'auteur de la publication et elle doit figurer en vedette sur la fiche principale de la bibliothèque. Mais, au Catalogue collectif, nous classons la fiche en anonyme, au premier mot du titre, parce que le titre proprement dit (Russia today...) exclut formellement l'intitulé de la collectivité-auteur.

c) Fichier de vedettes d'anonymes.

Classé alphabétiquement au premier mot du titre de fichier comprend :
I° les anonymes proprement dits.
2° les anonymes par excès d'auteurs (plus de trois auteurs).
3° les publications de collectivités - auteurs dont le titre proprement dit exclut formellement l'intitulé de la collectivité.

Sauf exception, toutes les fiches que nous recevons sont intercalées dans les plus brefs délais. Les notices représentant un même ouvrage (exactement la même édition d'un même ouvrage) dans plusieurs bibliothèques figurent au collectif dans l'ordre croissant des sigles. Nous n'avons pas envisagé pour l'instant de reporter ces derniers sur une seule fiche. Pour les livres en langues orientales, on translittère en caractères latins les noms des auteurs et les titres des œuvres qui utilisent un alphabet différent du nôtre (alphabet grec, alphabet cyrillique 2, etc...). Seules les fiches des ouvrages en caractères cyrilliques sont actuellement insérées dans les trois fichiers généraux. Des tiroirs spéciaux sont réservés aux vedettes en caractères arabes, chinois, japonais, etc...

Comme nous l'avons dit plus haut, notre méthode répond aux nécessités particulières d'un catalogue collectif. Elle facilite opportunément la recherche des demandes que les bibliothèques ou les particuliers adressent au Service de renseignements du Catalogue collectif.

3° Service de renseignements.

Le Service de renseignements du Catalogue collectif national des ouvrages étrangers est à la disposition du public depuis cinq ans. Mais ses activités n'ont réellement commencé qu'au Ier novembre 1954. A partir de cette date, la Direction des bibliothèques lui a confié l'orientation du prêt « interuniversitaire » des livres étrangers récents. En fait, le service profite surtout aux bibliothèques universitaires de province qui lui adressent directement leurs demandes pour les ouvrages parus à l'étranger depuis 195I. Conformément aux instructions de la Direction des bibliothèques du II octobre 1954, le service oriente les demandes de la manière suivante :
a) si l'ouvrage demandé existe dans une seule bibliothèque universitaire, le service transmet directement la demande à cette bibliothèque;
b) si l'ouvrage figure dans plusieurs bibliothèques universitaires, le service transmet directement la demande à l'une d'entre elles; mais il prend soin de noter, au recto et au verso du bulletin de prêt, les bibliothèques qui possèdent également l'ouvrage en question. De cette manière, si l'ouvrage n'est pas disponible dans la première bibliothèque, celle-ci peut transmettre la demande à un autre établissement du circuit « interuniversitaire ».
c) si l'ouvrage ne figure dans aucune bibliothèque universitaire, mais si les fichiers collectifs signalent sa présence dans d'autres établissements de Paris ou de province, le service renvoie la demande à la bibliothèque émettrice en indiquant au recto du bulletin de prêt les sigles de ces établissements au Catalogue collectif;
d) si l'ouvrage ne figure dans aucune bibliothèque, le bulletin de prêt est retourné à l'établissement émetteur avec la mention suivante :

« Cet ouvrage n'a pas encore été signalé au Catalogue collectif national des ouvrages étrangers.

« Votre référence a été notée. Vous serez avisé si des fiches de cet ouvrage nous parviennent ultérieurement. »

La référence en question est classée dans un fichier spécial. Dès qu'une autre bibliothèque signale au collectif la notice correspondante, le service adresse une lettre de rappel à l'établissement intéressé.

Le service répond d'une manière très satisfaisante aux exigences du prêt « interuniversitaire » des ouvrages étrangers récents. Il a déjà reçu plusieurs centaines de demandes et les bibliothèques lui adressent de plus en plus souvent leurs bulletins de prêt. Précisons que les ouvrages demandés figurent au collectif dans 67 % des cas. Cette proportion est très encourageante. Elle permet d'entrevoir tous les services que le catalogue peut apporter à l'Université française dans tous les domaines.

Sans être aussi régulières, les demandes écrites ou verbales des particuliers (ou des bibliothèques qui leur servent d'intermédiaires) apparaissent de plus en plus fréquentes. Le nombre des chercheurs qui se sont adressés directement au catalogue en 1957 et en 1958 a sensiblement augmenté par rapport aux années précédentes. Nous avons même reçu depuis deux ans plusieurs savants étrangers qui étaient venus compléter en France leur information bibliographique. Dans l'ensemble, les visites des chercheurs isolés nous laissent toujours une impression favorable. Elles montrent que le catalogue collectif est de plus en plus apprécié dans les milieux scientifiques.

Le collectif met en évidence les lacunes des différents fonds scientifiques de Paris ou de province. Ces dernières sont encore très importantes dans certaines disciplines : antiquité classique, langues et littératures modernes, sciences exactes et médecine. Ajoutons que les sciences économiques et sociales devraient être mieux représentées dans nos grandes bibliothèques publiques. En règle générale, il nous est assez difficile de répondre aux demandes de renseignements qui nous parviennent en ce domaine.

Il nous reste à conclure brièvement. En dépit des lacunes que nous signalons, le Catalogue collectif constitue une documentation de premier ordre. Au reste, ce bref aperçu ne donne qu'une faible idée des services qu'il doit rendre aux études littéraires et scientifiques dans un proche avenir. Quoi qu'il en soit, le Catalogue collectif deviendra rapidement le répertoire le plus complet que nous puissions mettre à la disposition des chercheurs dans le domaine du livre étranger.

  1. (retour)↑  Le système Berghöffer est pratiqué notamment au Catalogue collectif suisse (Bibliothèque nationale, Berne). Voir à ce sujet l'analyse de l'étude de M. E. Egger : Gesamtkataloge... (In : B. Bibl. France. 1re année, n° 4, avr. 1956, p. 306.)
  2. (retour)↑  Translittération des caractères cyrilliques. Voir : Fascicule de documentation FD Z n° 46-00I publié par l'AFNOR (1956).