Labrouste architecte, la structure mise en lumière

Anne-Marie Bertrand

A-t-on assisté, cet automne, à un « moment Labrouste » ? On pourrait le penser tant cet architecte génial  1 y a été honoré : un colloque, une exposition, un catalogue.

Le colloque, co-organisé par la BnF et l’INHA, s’est déroulé les 21 et 22 novembre 2012. Riche de 17 interventions et ponctué de deux tables rondes, il a été l’occasion de faire le point sur les travaux, « les nouvelles perspectives de recherche », sur Labrouste (1801–1875) et à partir de Labrouste. Ses travaux très novateurs (« de fer et de lumière ») n’ont cessé d’inspirer ses successeurs. Mais, dans ce colloque, on a peu parlé de bibliothèques.

L’exposition, « Labrouste architecte, la structure mise en lumière », était co-organisée par la Cité de l’architecture et du patrimoine, le Museum of Modern Art (où elle sera installée ce printemps) et la BnF. Présentée à la Cité de l’architecture, au palais de Tokyo, elle laisse un souvenir mitigé : riche de dessins magnifiques, elle péchait par un parcours et un discours peu clairs et, de plus, était habilement cachée au fond du troisième sous-sol. Quel dommage…

On aura cependant pu y admirer de belles aquarelles, des maquettes et surtout des dessins par dizaines, coupes, façades, élévations, ornements, détails… (200 pièces présentées en tout). Un étonnement sur des débuts très classiques (Labrouste est pensionnaire de la villa Médicis) et des esquisses de monuments funéraires, en particulier un projet de cénotaphe pour Napoléon, tout à fait surprenant (et très beau, beaucoup plus que celui qui a été retenu pour les Invalides). Toute la deuxième partie de l’exposition porte sur les bibliothèques Sainte-Geneviève et impériale (nationale).

Le catalogue de l’exposition  2 est une merveille. Il présente une iconographie très riche, les pièces de l’exposition auxquelles ont été ajoutées des photographies contemporaines. On ne m’en voudra pas d’avoir surtout apprécié les chapitres consacrés aux bibliothèques, bibliothèque Sainte-Geneviève et bibliothèque impériale (puis nationale), citées comme « les deux chefs-d’œuvre » de Labrouste (p. 135) ou « parmi les plus beaux espaces de Paris » (p. 20). Un chapitre traite de l’architecture de la bibliothèque Sainte-Geneviève (Martin Bressani et Marc Grignon), un autre (Marie-Hélène de La Mure) du Journal des travaux, tenu par Labrouste, où l’on voit l’impact de la révolution de 1848 sur le chantier (p. 133). Un chapitre (Marc Le Cœur) présente les travaux de rénovation de la Bibliothèque impériale, la structure mais aussi les décors (« la subordination du décor à la structure », p. 151, y compris les dessins des calorifères). Enfin, un quatrième chapitre (Neil Levine) met en regard la réflexion de l’architecte et la réflexion fonctionnelle (« bibliothéconomique ») de l’époque : l’influence de Panizzi et du British Museum, l’abandon des bibliothèques-galeries au bénéfice d’espaces différenciés (espaces publics / magasins), l’organisation permettant d’ouvrir le soir même quand il fait nuit, la différence entre la salle de lecture de la bibliothèque Sainte-Geneviève, destinée aux étudiants, et la salle de travail de la Bibliothèque nationale, destinée aux chercheurs… Bref, on se régale.

Deux seules réserves (sans quoi un exercice d’admiration serait peu crédible) : l’affèterie des lettrines, absolument décalée et inutile, et des problèmes de numérotation des figures (les légendes sont numérotées, mais pas les figures elles-mêmes).

À l’occasion de l’exposition, les dessins et travaux de Labrouste ont été numérisés et mis en ligne sur Gallica (790 images disponibles). Pour le plaisir, on peut aussi renvoyer sur l’exposition virtuelle consacrée à Louis Boullée  3.