Les médiathèques de comités d’entreprise partenaires du réseau de la lecture publique

par Sandra Giacomin
Groupe des bibliothécaires de comités d’entreprise de l’ABF ; coordonné par Philippe Pineau ; préf. de Gilles Éboli.
Paris : Association des bibliothécaires français, 2005. – 128 p. ; 24 cm. – (Médiathèmes ; 7).
ISBN 2-900177-27-8 : 20 €

Un « Médiathème » sur les bibliothèques de comités d’entreprise (BCE)… Fallait-il une fermeture de bibliothèque (celle du comité d’entreprise Renault Le Mans) pour que l’on parle de ce Tiers réseau que constituent les BCE ?

Petit rappel historique

L’ouvrage s’ouvre sur un bref aperçu historique qui met l’accent sur quatre dates essentielles.

22 février 1945 : création par ordonnance des comités d’entreprise (CE), voulus par le conseil national de la Résistance. L’objectif est l’instauration d’une démocratie sociale et économique au sein de l’entreprise pour remettre en cause la féodalité du patronat français.

1968 : accords de Grenelle. Les syndicats, reconnus légalement dans l’entreprise, gèrent les CE et en impulsent la politique culturelle, dans laquelle la BCE joue un rôle primordial. Les BCE se professionnalisent dans les structures les plus importantes.

1982 : parution du rapport Les bibliothèques en France : rapport au Premier ministre, dans lequel on chiffre à 3 000 le nombre de BCE. Jean Gattégno, directeur du livre et de la lecture, invente alors le concept de Tiers réseau. La proximité va devenir l’image de marque des BCE.

1992 : la Charte pour le développement de la lecture en entreprise 1 précise que la bibliothèque est le véritable centre culturel de l’entreprise, que le livre constitue un outil indispensable à la réflexion, à la communication de la pensée et à l’esprit critique, et que tout recul de la lecture entrave la capacité des citoyens à dire leur mot sur les affaires de la société.

L’enquête ABF en 2002

L’ouvrage rappelle ensuite les -conclusions de l’enquête de l’Association des bibliothécaires français (ABF) en 2002. Cette étude (qui a porté sur 39 réponses) montre que quasiment toutes les bibliothèques de CE sont gérées par des professionnels. Ceux-ci regrettent le manque de formation des élus et l’absence de politique culturelle. Une régression latente et une menace de déprofessionnalisation peuvent faire craindre la fin des BCE.

Le constat est donc morose : budget en baisse 2, moins de livres, plus d’audiovisuel, assez peu de coopération avec les réseaux publics. Des pistes existent pourtant pour modifier cet état des lieux : élaboration de politiques culturelles ; formations des personnels ; notion de service public culturel (au lieu de la polyvalence utilitaire) ; privilégier la diversité plutôt que la nouveauté, l’action culturelle plutôt que la consommation.

La médiathèque, avec ses trois cartes majeures (proximité, pluralisme des collections, gratuité), reste le lieu qui unit pratiques individuelles et engagement collectif.

Voyage en médiathèques de comités d’entreprise

La parole est ensuite donnée à des responsables de BCE : les médiathèques des Chantiers de l’Atlantique, de Renault Douai, des Trois Suisses, de la Snecma, de l’Opéra Garnier, de Thales Avionics, etc. Ces onze contributions, qui constituent la majeure partie de ce « Médiathème », montrent combien les situations sont variées et combien elles sont dépendantes de la volonté des élus, qui, tout en se reposant sur les bibliothécaires, bloquent certaines initiatives pour, parfois, d’obscures raisons (Nathalie Faucher, « 34 ans, le bel âge de la lecture au comité d’entreprise Michelin »).

Ces témoignages prouvent qu’un excellent travail est possible quand les élus en donnent les moyens, comme c’est le cas à la RATP (Nicole Robert, « Le réseau des bibliothèques-discothèques du comité d’entreprise de la RATP »). Ou encore comment un simple déménagement peut relancer l’activité (Martine Bodereau, « D’une médiathèque à l’autre : quand on change de site à Toulouse au CE Air France Industries »).

Enjeux et perspectives

Dans la dernière partie de l’ouvrage, « Enjeux et perspectives », Philippe Pineau s’attache à défendre la promotion de « la littérature d’expression populaire » au sein des BCE 3. Un second texte rappelle l’affaire du CE Renault Le Mans, une alerte qui doit nous faire réagir. Enfin, la dernière contribution, « Au cœur des comités d’entreprise, les médiathèques », inscrit les missions des BCE dans une société moderne.

Les exemples contenus dans ce « Médiathème » doivent motiver les professionnels pour redonner un sens civique à l’accès à la culture en entreprise. Il paraît urgent de créer des postes de bibliothécaires, et quand ce n’est pas possible, d’organiser une collaboration entre CE. La BCE doit pouvoir s’articuler sur la bibliothèque municipale, tout en conservant ses deux missions : offrir aux actifs un accès aux livres ; permettre aux salariés de vivre leur temps de travail comme un temps de liberté.

Cet ouvrage, qui comble un vide documentaire 4, permet de mesurer les enjeux représentés par les bibliothèques de comités d’entreprise et leur complémentarité avec le réseau public. Il pose également la question de la formation des bibliothécaires.