Les espaces culture multimédia

Jean-Christophe Théobalt

Depuis 1998, le ministère de la Culture et de la Communication a mis en œuvre le programme « Espaces culture multimédia » (ECM), qui vise à soutenir la création et le développement de lieux d’accès public au multimédia implantés dans des structures culturelles et socioculturelles. Au-delà de la démocratisation de l’accès et de l’initiation aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), les ECM promeuvent et développent la dimension culturelle de ces technologies, à la fois comme outils d’accès à la culture et au savoir et comme outils d’expression et de création. Ce programme rencontre un réel succès et de nombreuses bibliothèques et médiathèques y ont adhéré. Si une partie de celles-ci montre quelques faiblesses en matière d’appropriation créative des NTIC, le réseau et le dispositif d’accompagnement du programme ECM, ainsi que les nouveaux développements envisagés pour 2002, créent une dynamique permettant de faire évoluer cette situation et d’intégrer le multimédia comme élément d’action culturelle pour les bibliothèques et médiathèques.

Since 1998, the Ministry of Culture and Communication has implemented an “Espaces culture multimedia” (ECM) programme, which aims to support the creation and development of access points for multimedia in cultural and sociocultural organisations. Apart from democratisation of access and introduction to the new technologies of information and communication (NTIC), ECM promotes and develops the cultural dimension of these technologies, as tools of access to culture and knowledge and also as tools of expression and creation. This programme has had genuine success and many libraries and mediatheques have joined it. If some of them have problems in dealing with the NTIC, the network and the system of support of the ECM programme, as well as new developments envisaged for 2002, are creating a system that will allow this situation to evolve and to integrate multimedia as an element of cultural action for libraries and mediatheques.

Seit 1998 organisiert das Ministerium für kulturelle Angelegenheiten und Kommunikation das Programm “Kulturelle Multimediaräume” (ECM) mit dem Ziel die Gründung und Entwicklung von öffentlich zugänglichen Multimediaräumen an kulturellen und kultursoziologischen Einrichtungen zu unterstützen. Neben der Schaffung von Möglichkeiten des allgemeinen freien Zugangs und der Einführung in die neuen Informations– und Kommunikationstechniken (NTIC), fördern und erweitern die EMC die kulturelle Dimension dieser Techniken, sowohl als Möglichkeit der Annäherung an Kultur und Wissen, als auch als Mittel des Ausdrucks und künstlerischen Schaffens. Das Programm zeitigt grosse Erfolge und viele Bibliotheken und Mediatheken beteiligen sich daran. Wenn auch einige dieser Einrichtungen gewisse Schwächen in Bezug auf die Aneignung der kreativen Komponenten von NTIC erkennen lassen, so erzeugen das ECM-Netz, die Unterlagen, die das Programm begleiten, sowie neue, für 2002 geplante Erweiterungen ihre eigene Dynamik durch die man die gegenwärtige Situation weiterentwickeln und Multimedia als Bestandteil der kulturellen Tätigkeit von Bibliotheken und Mediatheken eingliedern kann.

Desde el año de 1998, el ministerio de la cultura y de la comunicación ha puesto en marcha el programa “Espacios Cultura Multimedia” (ECM), que apunta a apoyar la creación y el desarrollo de lugares de acceso público a los multimedia implantados en estructuras culturales y socioculturales. Más allá de la democratización del acceso y de la iniciación a las nuevas tecnologías de la información y de la comunicación (NTIC), los ECM promueven y desarrollan la dimensión cultural de estas tecnologías, a la vez como herramientas de acceso a la cultura y al saber y como herramientas de expresión y de creación. Este programa encuentra un verdadero éxito y numerosas bibliotecas y mediatecas se han adherido. Si una parte de éstas muestran algunas debilidades en materia de apropiación creativa de las NTIC, la red y el dispositivo de acompañamiento del programa ECM, asì como los nuevos desarrollos contemplados para el año 2002, crean una dinámica que permite hacer evolucionar esta situación e integrar el multimedia como elemento de acción cultural para las bibliotecas y mediatecas.

Le programme espaces culture multimédia (ECM 1) est né en 1997 au sein de la Délégation au développement et aux formations (DDF) – devenue depuis Délégation au développement et à l’action territoriale (DDAT) – du ministère de la Culture et de la Communication. Jusqu’à cette date, la DDF avait soutenu ou initié toute une série d’opérations à destination du grand public dans le domaine du multimédia, mais celles-ci demeuraient ponctuelles ou événementielles.

Sans remettre complètement en question ce type d’interventions, il a alors semblé préférable de commencer à privilégier un travail plus en profondeur et des actions s’inscrivant dans la durée, à travers le soutien à des lieux permanents d’accès public culturel au multimédia.

Les origines du programme ECM …

C’est ainsi qu’à l’automne 1997 le concept d’« espaces culture multimédia » a été formalisé et que quelques dossiers (Agen, Marseille, Poitiers) ont été financés. Dès le départ, une démarche souple et pragmatique a été adoptée, en évitant d’imposer depuis Paris un modèle normalisé et en tenant compte des réalités et des réalisations du terrain, car un certain nombre de structures culturelles n’avaient pas attendu le ministère de la Culture pour mettre en œuvre ce type d’activités.

Le programme ECM n’a toutefois véritablement pris son envol qu’à partir de 1998, après avoir été intégré comme un élément prioritaire (avec des objectifs chiffrés) du volet culturel du Programme d’action gouvernemental pour préparer l’entrée de la France dans la société de l’information (PAGSI). Il convient également de souligner que le programme ECM n’aurait pas pu prendre l’ampleur qui est la sienne aujourd’hui sans le programme « Emplois-jeunes », la quasi-totalité des animateurs des ECM ayant été embauchés sous ce statut.

… et son concept

Un espace culture multimédia est un espace dédié au multimédia, comprenant un minimum de 5 ordinateurs connectés à Internet, installé dans une structure culturelle ou socioculturelle et géré par celle-ci. La nature culturelle de l’opérateur de l’ECM est fondamentale. Dès le départ, le Ministère a clairement affirmé que l’enjeu n’était pas de « faire du multimédia pour du multimédia », mais de développer progressivement un travail en articulation avec les contenus culturels et artistiques gérés par la structure d’implantation de l’ECM. Les ECM constituent des lieux d’accès public aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et mettent en œuvre des actions de sensibilisation, d’initiation ou de formation à celles-ci. Ils contribuent ainsi à l’objectif gouvernemental de réduction de la « fracture numérique ». Mais ils doivent développer et valoriser de manière prioritaire la dimension culturelle des nouvelles technologies de l’information et de la communication, à la fois comme outils d’accès à la culture et au savoir et comme outils d’expression et de création.

Le premier point consiste à sélectionner, mettre à disposition et promouvoir les ressources multimédias en ligne et hors ligne, le second à mettre en œuvre des animations et des ateliers, accueillir et développer des projets,… sachant que l’on demeure avant tout dans la sphère de pratiques amateurs (ou de couplages pratiques professionnelles/pratiques amateurs) : les ECM ne sont pas des lieux spécifiquement dédiés à la production multimédia professionnelle.

Le déploiement du programme

À l’heure actuelle, 150 espaces culture multimédia sont opérationnels sur l’ensemble du territoire national. Ils se répartissent de la manière suivante : bibliothèques et médiathèques (64), centres culturels municipaux et MJC (38), cinémas et centres audiovisuels (13), scènes nationales et lieux de diffusion du spectacle vivant (7), centres d’art et écoles d’arts plastiques (9), scènes de musiques actuelles (6), centres de culture scientifique et technique (5), friches artistiques et nouveaux lieux pluridisciplinaires (8).

Dès le départ, la diversité des structures d’implantation des ECM a été recherchée, même si, rapidement, le secteur de la lecture publique et le secteur socioculturel ont été les plus gros pourvoyeurs de demandes et de réalisations. On trouve aujourd’hui des ECM dans toutes les régions, DOM-TOM compris. Même si certaines régions sont beaucoup plus dynamiques que d’autres, la répartition des ECM est relativement équilibrée sur l’ensemble du territoire. Le Ministère a placé le rééquilibrage de leur implantation géographique entre les régions – et au sein des régions – parmi les critères prioritaires dans la sélection des dossiers depuis 1999, après la première vague des 90 sites sélectionnés en 1998.

Les ECM sont par ailleurs situés dans des collectivités locales de taille extrêmement variée : de communes de quelques milliers d’habitants dans des zones rurales, parfois très enclavées, à pratiquement toutes les grandes agglomérations urbaines. Il faut également souligner qu’environ un quart des ECM sont implantés dans des quartiers ou des zones sensibles relevant de la politique de la ville.

Les premiers résultats

De manière générale, on peut affirmer qu’il s’agit d’un succès, notamment en terme de fréquentation, même si certains ECM ont connu des difficultés de mise en route et de fonctionnement. La grande majorité des ECM a été confrontée à une forte demande des publics, le multimédia ayant souvent attiré des publics nouveaux dans les équipements culturels gérant un ECM. Globalement, la première année d’ouverture, voire au-delà, les ECM ont été très sollicités, et même débordés par les demandes d’initiation aux NTIC. Ils n’ont donc développé une offre plus culturelle ou artistique que progressivement.

La multiplication de l’ouverture de lieux d’accès public au multimédia depuis deux ans n’est ainsi absolument pas vécue comme une concurrence, mais plutôt comme une aubaine, car elle devrait permettre d’alléger la charge des ECM sur les fonctions d’accès public et d’initiation, et leur permettre de développer un travail plus culturel sur le multimédia.

La montée en puissance qualitative du programme a également été très nette ces deux dernières années, avec la mise en œuvre, dans un nombre croissant d’ECM, d’ateliers et de projets de création (création graphique, musique assistée par ordinateur, création vidéo, création de sites web et de cédéroms, etc.), l’accueil d’artistes en résidence et l’émergence de coproductions entre ECM. L’année 2002 va également permettre de tester la diffusion et la circulation de petites formes de spectacles multimédias (accompagnés d’ateliers et d’animations).

Le succès du programme est aussi confirmé par le nombre croissant de demandes de labellisation et de soutien qui parviennent au ministère.

La place des bibliothèques et médiathèques

Comme on l’a déjà indiqué, la catégorie de lieux culturels la plus représentée au sein des ECM s’avère être celle des bibliothèques et médiathèques (un peu plus de 40 % du total) et elle constitue le premier « vivier » de nouvelles demandes. Le bilan que l’on peut en tirer est assez contrasté. Si l’appropriation du multimédia par les bibliothèques n’a rien de surprenant, elle a souvent été réalisée dans une optique avant tout documentaire, pour compléter une « chaîne » des supports : livres, périodiques, audio, vidéo, cédéroms et Internet. On constate donc de manière fréquente des faiblesses dans l’appropriation plus créative des NTIC. L’approche « documentaire » est tout à fait normale et il n’a jamais été question de critiquer les bibliothèques qui ne souhaiteraient pas dépasser ce stade. Mais le label ECM implique notamment de promouvoir les NTIC en tant qu’outil d’expression et de création, et de développer un travail sur la culture multimédia. Certaines bibliothèques répondent de manière remarquable à ces exigences du cahier des charges des ECM, qui ne leur posent aucun problème, et sont parfois engagées dans des projets artistiques ambitieux. Mais d’autres peinent sur ces dimensions et leur respect du cahier des charges ECM demeure problématique.

Le Ministère a progressivement durci sa sélection des dossiers ECM en provenance des bibliothèques, en ne les choisissant plus sur les fonctions d’accès aux outils multimédias (incluant l’initiation) et aux ressources documentaires numérisées, mais en demandant un vrai programme d’activités avec et sur le multimédia. L’apport de financements de fonctionnement implique en effet que les bibliothèques labellisées ECM réalisent un travail supérieur aux autres dans ce domaine. Mais l’importance de la présence et de la place des bibliothèques dans le programme ECM a été réaffirmée. Elle semble en effet fondamentale sur au moins deux points : l’aménagement du territoire, car dans de nombreuses communes le seul équipement culturel conséquent demeure la bibliothèque, et l’élargissement des publics, car les bibliothèques touchent en général des publics importants et diversifiés, ce qui n’est pas toujours le cas des autres équipements culturels. Il avait en effet été envisagé à quelques reprises – lors de débats internes au Ministère, et compte tenu de contextes budgétaires parfois difficiles – de réserver les financements ECM aux associations, en considérant que la mise en place d’une offre multimédia de type ECM relevait des missions normales d’une bibliothèque et ne justifiait donc pas de financements spécifiques.

L’intégration des bibliothèques dans le programme ECM a aussi permis de les intégrer dans la dynamique de réseau que le Ministère a souhaité créer à travers le programme ECM. En effet, des mesures d’accompagnement du programme ont été mises en œuvre, en termes d’accès aux contenus, de formation, d’études… mais aussi en termes d’échanges, de rencontres, de mutualisation des expériences et des projets. En regard des faiblesses évoquées précédemment, il est clair que ces dispositifs d’accompagnement ont contribué à aider directement les bibliothèques et les autres structures culturelles à développer leur travail dans le domaine du multimédia. Et les nouvelles pratiques induites par le multimédia ont également constitué un bon moyen de conforter et de renforcer la vocation des médiathèques en tant qu’équipement d’action culturelle.

Les évolutions et développements du programme

À partir de 2002, le Ministère va renforcer son dispositif d’accompagnement du programme ECM en développant notamment de nouveaux outils d’information et de communication. Il va également continuer à renforcer certains ECM pour en faire des pôles de référence dans les domaines de la formation et/ou de la création. Il va globalement poursuivre la politique d’ouverture et de collaboration transversale et « interréseaux » amorcée en 2001. Les coopérations initiées avec d’autres programmes comme celui du ministère de la Jeunesse et des Sports (« les Points Cyb ») et celui de la Caisse des dépôts et consignations (« les Cyberbases ») vont ainsi être intensifiées. Ce travail s’effectue notamment en liaison avec la Mission interministérielle pour l’accès public à la micro-informatique, l’Internet et le multimédia (MAPI), qui vient de mettre en place le label « espace public numérique 2 » (EPN).

Le programme ECM est le seul programme de soutien aux lieux d’accès public au multimédia qui attribue des subventions de fonctionnement reconductibles. Les autres programmes existants, qu’ils émanent de ministères, d’opérateurs publics ou de collectivités territoriales, interviennent principalement ou exclusivement sous forme de subventions d’équipement de démarrage. Cela représente un important investissement cumulé pour le Ministère.

Le développement quantitatif du programme ECM va donc se poursuivre, mais à un rythme qui ne permettra vraisemblablement pas de répondre positivement et rapidement à toutes les nouvelles demandes de label. Par ailleurs, l’objectif du Ministère n’est pas de rester replié sur un réseau de 150 ou 200 ECM, mais que l’appropriation des NTIC comme outils d’accès à la culture et comme outils d’expression et de création puissent se réaliser dans le plus grand nombre possible de structures, qu’elles soient culturelles, éducatives ou sociales. C’est pourquoi le Ministère va mettre en place un deuxième « label » ou « cercle » de lieux constituant des points d’accès culturels au multimédia, mais ne répondant pas à toutes les exigences du cahier des charges des ECM, notamment en matière d’offre (nombre de postes, salle multimédia) et d’activités culturelles et artistiques avec le multimédia. Baptisés « Relais culture multimédia » (RCM), ces lieux ne seront pas financés en fonctionnement, mais auront accès à tout le dispositif d’accompagnement et de mise en réseau mis en place pour les ECM. Les bibliothèques et médiathèques devraient être les premières à en bénéficier.

Ainsi, le réseau mis en œuvre à partir des ECM va pouvoir s’étendre très rapidement et intégrer de nombreuses autres bibliothèques et médiathèques. Un des grands intérêts – voire le principal – du programme ECM réside dans la dynamique d’échange et de coopération qui a pu s’enclencher autour des pratiques multimédias. Cette dynamique devrait donc être largement confortée en 2002.

Novembre 2001

  1. (retour)↑  Pour de plus amples informations sur les programmes ECM et RCM : http://www.ecm.culture.gouv.fr Le ministère a également conduit depuis plusieurs années un programme d’observation et d’analyse des usages des NTIC dans des lieux culturels ; la dernière phase de ce programme a porté sur les ECM : ces études sont téléchargeables à partir de la rubrique consacrée aux ECM sur le site Internet du Ministère.
  2. (retour)↑  Le label EPN est un label transversal, conçu avant tout pour le grand public. Il correspond à une charte que le lieu d’accès public au multimédia s’engage à respecter. Logiquement, les ECM et la grande majorité des futurs RCM devraient également être labellisés EPN. Toutes les informations sur le label EPN sont disponibles sur le site Internet de la MAPI : http://accespublics.premier-ministre.gouv.fr