Un « réseau » de vedettes matières

Le répertoire de l'Université Laval, adopté par la Bibliothèque nationale

Suzanne Jouguelet

La Bibliothèque nationale a adopté en avril 1980 comme liste d'autorité matière le Répertoire de vedettes matières de l'Université Laval, de même que l'avait fait la Bibliothèque publique d'information à la fin de 1974, la source commune de ces listes étant Library of Congress Subject Headings. L'article étudie la structure de la liste de vedettes matières de la Bibliothèque nationale, ainsi que la méthode d'indexation selon le nouveau système. La traduction de l'anglais en français pose des problèmes de langue et de culture ; quant aux créations de vedettes, elles doivent être rigoureusement contrôlées. Une collaboration plus étroite avec Laval et la BPI est éminemment souhaitable pour maintenir la compatibilité des listes. L'index matières de la Bibliographie de la France et la base bibliographique nationale seront des moyens privilégiés de diffusion du catalogage matières issu de cette liste d'autorité.

The " Bibliothèque nationale " has adopted since April 1980 the Répertoire de vedettes matières of the Laval university as a subject authority list, just as the " Bibliothèque publique d'information " at the end of 1974 ; the common source of these lists is Library of Congress Subject Headings. The article studies the structure of the subject authority list of the " Bibliothèque nationale " as well as the indexing process according to this new system. The translation from English to French raises some difficulties, essentially related to the language and the culture. As regards the creations of subject headings, they must be strictly controlled. A more fruitful collaboration with Laval and the " Bibliothèque publique d'information " is highly desirable to maintain the compatibility betwen the lists. The subject index in the Bibliographie de la France and the national bibliographic database will be, in the future, the best means of diffusion of the subject cataloguing derived from this authority list.

Dès août 1978, la norme Principes généraux pour l'indexation des documents (NF Z47-102) recommandait de « disposer d'outils d'indexation permettant de représenter l'information selon un certain nombre de règles spécifiques à chaque outil d'indexation ».

La nécessité d'un contrôle du vocabulaire en raison de l'évolution de la langue et des développements de l'informatique documentaire s'est fait de plus en plus nettement sentir.

Les bibliothèques et centres de documentation spécialisés ont été amenés assez tôt à créer des outils d'indexation adaptés à leurs besoins : des thesaurus spécialisés se sont développés dès les années 1960.

Pour les bibliothèques encyclopédiques, c'est un langage documentaire de forme un peu différente, la liste de vedettes matières, qui l'a emporté, dans le monde nord-américain en tout cas.

Historique

La Bibliothèque de l'Université Laval, à Québec, a commencé également dans les années 60 (1re édition du Répertoire de vedettes matières en 1962) la traduction et l'adaptation en français des vedettes matières de la Bibliothèque du Congrès (Library of Congress subject headings (LcsH) dont la 1re édition remonte à 1914), choix qui s'explique par la diffusion importante des notices de la Bibliothèque du Congrès.

D'autres bibliothèques canadiennes se sont progressivement ralliées à ce système d'indexation : la Bibliothèque de l'Université de Montréal dès 1969, la Bibliothèque nationale du Canada en 1974 : cette dernière a adopté le Répertoire pour l'indexation matières de la bibliographie nationale courante : Canadiana.

Entre 1962 et 1976, la Bibliothèque de l'Université Laval a publié huit éditions du répertoire ; les données ont été enregistrées dans un fichier informatique, actuellement accessible à tous les utilisateurs du réseau UTLAS (University of Toronto Library Automation Systems), comprenant plus de 50 000 vedettes matières, le format retenu est le Marc canadien.

La 9e édition va paraître fin 83 : elle comprend des index anglais-français et français-anglais, donnant ainsi accès aux vedettes dans les deux langues, et une introduction précisant les règles d'utilisation.

En France, c'est la Bibliothèque publique d'information qui a choisi la première d'adapter ce répertoire : après une étape orientée vers la recherche documentaire informatisée au moyen d'indices CDu, elle a décidé, fin 1974, de constituer, à partir du Répertoire Laval, une liste d'autorités matières, avec des choix de vedettes correspondant aux réalités nationales.

La BPI a publié entre 1976 et 1981 cinq éditions de sa Liste d'autorités matières noms communs. Elle a également créé - car le Répertoire Laval ne comporte pas les noms propres - une Liste d'autorités noms propres (4 éditions entre 1976 et 1981).

Les listes d'autorités et les catalogues imprimés ont été gérés par deux systèmes informatiques distincts, ce qui a représenté une gêne, notamment à cause de l'absence de renvois dans le catalogue. C'est pourquoi la BPI met au point actuellement un nouveau système informatique qui permettra d'obtenir une liste d'autorités unique : vedettes auteurs, vedettes matières, cotes. Ce projet a demandé un travail important d'harmonisation des vedettes auteurs et matières.

En ce qui concerne le catalogue matières, cette liste, conçue comme un véritable catalogue autorités, comportera toutes les combinaisons possibles, plus toutes les combinaisons déjà utilisées : elle servira donc d'instrument de contrôle pour le catalogage.

A son tour, en 1980, la Bibliothèque nationale décida d'adopter le Répertoire Laval. Au début de 1980, le catalogue matières de la Bibliothèque nationale parvenait à la fin d'une tranche de vingt ans : en effet, après une période 1936-1959, il avait été jugé nécessaire d'ouvrir en 1960 un nouveau fichier. Ce catalogue n'était pas élaboré d'après un thesaurus : il respectait les principes de la norme française de 1957, NF Z 44-070 Catalogue alphabétique de matières et servait lui-même d'autorité, les catalogueurs s'appuyant sur les vedettes existantes. C'était un catalogue « analytique » qui proposait une indexation très fine.

Diverses questions se posaient :
- le manque de personnel ne permettait pas d'assurer un contrôle et une cohérence suffisants du catalogue ;
- l'évolution du vocabulaire en vingt ans avait entraîné l'apparition de notions nouvelles et posait des problèmes de choix des termes. La nécessité d'un thesaurus se faisait donc sentir au moment d'ouvrir un nouveau catalogue matières.

Le Répertoire de vedettes matières de l'Université Laval fut retenu comme base d'une liste d'autorités de la Bibliothèque nationale. Des contacts furent pris fin 1979 avec les responsables du catalogage matières à la BPI qui se montrèrent relativement satisfaits de ce système.

En mars 1980, un collègue québecois vint nous présenter le Répertoire et, à partir d'avril 1980, les catalogueurs commencèrent à traiter les ouvrages d'après celui-ci.

Il ne s'est donc pas agi d'une adoption systématique, a priori, du Répertoire, mais de la reprise des vedettes une à une, au fur et à mesure de l'indexation des ouvrages. Ceci est différent, comme démarche de constitution d'une liste d'autorités, de ce que fait, par exemple, la Bibliothèque royale de Belgique qui a entrepris la traduction systématique en français et en néerlandais des Library of Congress subject headings.

A la fin de 1980, ce fut le tour d'un collègue français de venir passer quinze jours à la Bibliothèque de l'Université Laval pour résoudre les problèmes qui pouvaient encore se poser après plusieurs mois d'utilisation.

Après avoir vu rapidement l'historique de ces différentes listes, toutes inspirées du même modèle (Library of Congress subject headings), disons un mot de leur structure commune.

Les vedettes matières (noms communs seulement pour le Congrès et Laval, noms communs et noms propres pour la BPI et la BN) sont classées alphabétiquement et reliées entre elles par un réseau de renvois.

Les relations d'équivalence sont exprimées par le signe V (=voir) et son inverse X (=EMPLOYÉ POUR). Le terme précédé de X est le terme rejeté ; le terme précédé de V est le terme retenu.

Exemple

Notice d'autorité

ACHAT

X ACQUISITION

Renvoi

ACQUISITION

V ACHAT

Les relations associatives et hiérarchiques sont exprimées par les signes VA et XX :

VA (Voir aussi) relie la vedette à une vedette de sens voisin ou de sens plus particulier (terme spécifique).

XX (Voir aussi : forme inverse de VA) relie la vedette à une vedette de sens plus général (terme générique).

La coexistence, devant un même terme, des deux signes VA et XX indique un lien non hiérarchique avec l'autre sujet. Les renvois sont classés dans l'ordre : VA, X, XX

Exemple
CIVILISATION ISLAMIQUE
VA CIVILISATION ARABE
X CIVILISATION MUSULMANE
XX CIVILISATION ARABE
XX ISLAMIQUES, PAYS.

Les vedettes peuvent être suivies d'une note explicative précisant leur sens et leur utilisation.

Chaque vedette matière comprend la vedette proprement dite et, le cas échéant, une ou plusieurs subdivisions qui sont de même nature que les sous-vedettes décrites par la norme NF Z 44-070 : sujet, lieu, temps, forme, et se succèdent dans un ordre précis. Le contrôle porte donc non seulement sur le vocabulaire mais aussi sur la syntaxe.

Le contexte particulier de la Bibliothèque nationale

. Le Service de catalogage matières a été divisé, au début de 1980, en deux services distincts correspondant aux deux circuits du livre à la Bibliothèque nationale :

- Un circuit de livres français, entrés par dépôt légal, annoncés par la Bibliographie de la France. C'est une production encyclopédique, de caractère scientifique très inégal puisqu'elle reflète la diversité de l'édition française. Le nombre d'ouvrages traités dans ce service est d'environ seize mille par an (déduction faite des oeuvres de fiction qui ne reçoivent pas d'indexation matières).

Le catalogage dans ce secteur est en très grande partie original, sauf en ce qui concerne les traductions d'ouvrages étrangers indexés par la Library of Congress.

- Un circuit de livres étrangers, provenant d'acquisitions et d'échanges, à dominante Sciences humaines, de niveau scientifique globalement plus élevé. Le chiffre moyen de livres indexés est de dix-sept mille par an. On trouve dans cette catégorie des ouvrages américains comportant l'indexation de la Library of Congress.

Ainsi des documents assez hétérogènes passent par la même grille d'indexation et aboutissent au même catalogue.

. Dans l'état actuel de l'organisation du travail, les services français et étrangers comptent en tout dix-neuf personnes qui ne font que du catalogage matières (le catalogage auteurs est un service distinct), avec un contexte différent de la bibliothèque de l'Université Laval, puisque le pourcentage de catalogage original est très élevé. Cela explique sans doute les besoins de créations de vedettes.

Les catalogueurs sont regroupés par spécialités intellectuelles (art et littérature, histoire et géographie, sciences exactes et techniques, médecine, etc.) et, en plus, par spécialité linguistique pour le secteur étranger. Il n'y a pas d'équipe séparée pour gérer la liste. Tous les catalogueurs assurent à la fois le catalogage et la gestion de la liste d'autorités, une personne par grand domaine (Sciences, Lettres, Histoire) étant toutefois habilitée à décider des créations.

Depuis avril 1980, une liste d'autorités qui compte actuellement plus de 20 000 vedettes, noms communs et noms propres, a été constituée. Cette Liste de vedettes matières de la Bibliothèque nationale se présente - outre les exemplaires de travail, sur listings - sous forme de microfiches, avec une mise à jour cumulative par trimestre (Microfiches 147/107 mm de 420 images chacune - 1re édition février 1982). Elle est gérée par ordinateur, ce qui implique en particulier la génération automatique des renvois.

. Le document Iso Tc 46/SC5 de mai 1979, intitulé Principes directeurs pour l'analyse des documents, la détermination de leur contenu et la sélection des termes d'indexation, recommande de choisir « les concepts les plus appropriés à un groupe d'utilisateurs donné. » Ces utilisateurs sont d'abord les chercheurs de la Bibliothèque nationale qui consultent le catalogue matières. Il semblerait que, dans leur domaine, ils se réfèrent plus aux bibliographies et qu'ils consultent le catalogue matières surtout pour des sujets en marge de leur spécialité.

A plus long terme, les utilisateurs, en ce qui concerne la production nationale, seront tous ceux qui auront accès à la base de données et aux produits en résultant (bande d'échanges, etc.) comportant l'indexation matières.

La démarche d'indexation

La norme NF Z 47-102, Principes généraux pour l'indexation des documents, donne la définition suivante :

« L'indexation est l'opération qui consiste à ... traduire en langage documentaire ... les concepts, après les avoir extraits du document par une analyse. »

A la Bibliothèque nationale, l'analyse est faite avec l'ouvrage complet en main, ce qui diffère des méthodes de catalogage à la source. La traduction en langage documentaire consiste dans l'attribution de vedettes matières seulement : on ne donne pas d'indice de classification.

La consultation des répertoires se fait dans l'ordre suivant :

1 - Répertoire Laval (8e édition) + (I bis) Suppléments trimestriels sur microfiches ;

2 - Listes d'autorités de la Bibliothèque publique d'information ;

3 - Library of Congress subject headings (9e édition) + microfiches de mise à jour.

. Dans les étapes 1 et 2, on adopte une vedette existante. C'est le cas le plus simple.

Cependant des problèmes peuvent se poser ; par exemple un problème de choix entre 1 et 1 bis, c'est-à-dire entre un état ancien et un état plus récent du Répertoire Laval. Dans quelle mesure doit-on adopter les modifications de Laval, ce qui entraîne des corrections ?

La politique varie suivant l'intérêt que semble présenter la modification. Il arrive que l'ancienne forme nous convienne mieux, et qu'elle soit maintenue. Exemple : la 8e édition Laval retient la vedette Apprentissage avec une note précisant le sens : « apprentissage d'un métier » - et exclut Apprentis.
APPRENTISSAGE
X APPRENTIS

Le supplément Laval sur microfiches modifie ce choix et renvoie Apprentissage à ECOLE de METIERS, et Apprentissage d'un métier à APPRENTIS :

ÉCOLE DE MÉTIERS

X APPRENTISSAGE APPRENTIS

X APPRENTISSAGE d'un métier

Il nous a semblé préférable de conserver la vedette APPRENTISSAGE.

Un autre choix peut être fait entre le Répertoire Laval et la liste BPI si des formes différentes ont été retenues, par exemple :

Laval :

MODÈLES

VA La subd. MODÈLES aux noms des différents objets

X MODÈLES RÉDUITS

X MODÉLISME

BPI :

MODÈLES

V La subd. MODÈLES à certains sujets MODÈLES RÉDUITS

VA La subd. MODÈLES RÉDUITS à différents sujets.

Le Répertoire Laval retient Modèles comme vedette et exclut Modèles réduits. La liste BPI retient Modèles comme subdivision et Modèles réduits à la fois comme vedette et comme subdivision.

. L'étape 3 consiste à traduire une vedette venant de LCSH. Normalement, on adopte la traduction de Laval quand elle est faite, ce qui revient à l'étape 1=adoption d'une vedette existante.

Mais, dans quelques cas, la traduction existe et ne convient pas exactement. L'emploi des prépositions n'est pas toujours satisfaisant :

Le Répertoire Laval indique :

Enseignement professionnel aux femmes

Immeubles à bureaux

La formulation de certaines notions est différente :

Laval :

Historiens littéraires

Psychologie pédagogique

La liste BN a retenu :

pour les femmes de bureaux

BN :

Historiens de la littérature Psychopédagogie

Dans d'autres cas, le terme anglais a été retenu par Laval, là où il semblerait souhaitable de traduire.

Exemple :

Laval : House-boats BN : Bateaux-maisons

Il se peut également que la traduction n'ait pas encore été faite par Laval. Le problème est alors de savoir si Laval adoptera la même traduction que la BN. Un choix différent peut être fait au même moment. Ainsi, la vedette du Congrès, INDIA-SCHEDULED TRIBES avait été traduite par la BN : INDE-TRIBUS RÉPERTORIÉES ; quelques semaines plus tard, on a trouvé dans les microfiches Laval : INDE-TRIBUS SPÉCIFIÉES, qui a alors été adopté.

La traduction soulève en tout cas divers problèmes. Le schéma idéal qui voudrait qu'à un terme anglais réponde un terme français n'est pas toujours possible.

Exemple :

SPEECH doit être traduit tantôt par PAROLE

tantôt par LANGAGE

Speech act= acte de parole.

Speech and social status= langage et statut social.

La question est assez délicate : parfois la double traduction peut nous paraître gênante. Exemple : l'adjectif anglais ANCIENT est traduit tantôt par ANCIEN :

Civilisation ancienne
Histoire ancienne
Philosophie ancienne

Tantôt par ANTIQUE :
Art antique
Orfèvrerie antique

Une traduction unique semblerait préférable.

Par contre, il serait souhaitable de traduire in education tantôt par dans l'enseignement au sens scolaire, restreint, tantôt par en éducation beaucoup plus large.

- Le Congrès peut ajouter une précision pour un terme polysémique en anglais alors qu'il ne l'est pas en français et que, donc, la précision est inutile.

Exemple :

TABLETS (Paleography)=Tablettes

TABLETS (Medicine)=Comprimés

Mais le problème majeur est celui d'une structure différente des deux langues. En anglais, le terme significatif est presque toujours anteposé. Si on veut reprendre la même structure en français, on est obligé de faire une inversion et donc de bouleverser l'ordre normal des mots.

Exemple :

Pedestrian facilities design
= Piétons, installations pour

Speech disorders
= Langage, troubles du

Sugar workers
= Sucre, travailleurs du

Souvent cette inversion en français présente l'intérêt, du point de vue du langage documentaire, de faire l'entrée au terme le plus significatif. Mais ce n'est pas toujours le cas.

Exemple : on peut traduire Funeral rites and ceremonies aussi bien par Rites et cérémonies funéraires que par Funérailles - Rites et cérémonies.

Le choix se fait, évidemment, en fonction de la cohérence de la liste. On peut choisir de ne pas faire l'inversion.

Exemple :

Moving pictures producers and directors

=Producteurs et réalisateurs de cinéma

Une autre catégorie de problèmes concerne la culture et les institutions.

Les exemples sont nombreux : préférence accordée à la langue anglaise : ainsi Vocabulary « Here are entered general works and works on English vocabulary ».

Acception de certains termes dans un sens américain ; ainsi LINGUA FRANCA. La linguistique américaine lui donne un sens très large : langue de relation, parlée par des groupes n'ayant en commun aucune autre langue. Le sens européen est beaucoup plus limité : Sabir comprenant des éléments de différentes langues romanes, de grec, d'arabe et de turc, en usage jusqu'au XIXe siècle dans les ports méditerranéens.

Plus largement, l'histoire des États-Unis, les Indiens d'Amérique du Nord, les Noirs américains sont des sujets privilégiés.

Dans le domaine religieux, le christianisme prédomine.

Exemple :

Christian converts - see Converts

Christian perfection - see Perfection

Les institutions diffèrent, surtout dans les domaines de l'éducation et du droit. Le cas le plus simple est celui où certaines institutions existent dans un pays et non dans l'autre : on adopte la vedette qui correspond aux besoins du pays où l'on vit et on exclut la vedette correspondant à l'institution étrangère. Par exemple, nous avons créé des vedettes avec l'adjectif communal.

Le cas peut être plus complexe, par exemple Écoles libres - Free schools. Le Congrès emploie cette vedette pour désigner l'éducation alternative, l'autogestion en éducation. Or, pour nous, Écoles libres a le sens très précis d'Ecoles privées. Le même terme renvoie à deux réalités différentes suivant le pays.

Pour des institutions propres à un pays, on est amené à faire des créations.

Quand et comment créer ?

- La question préalable à celle de la création est celle de la spécificité, examinée dans le document Iso déjà cité.

§ 6-4 « La spécificité peut être définie comme la mesure selon laquelle un concept particulier qui apparaît dans un document est exactement spécifié dans le langage d'indexation. Une perte de spécificité survient lorsqu'un concept particulier est représenté par un terme ayant une signification plus générale ».

Le paragraphe suivant apporte des nuances : c'est le cas où « l'indexeur considère qu'un excès de spécificité pourrait agir d'une façon négative sur le fonctionnement du système d'indexation ».

Ce texte montre bien les deux écueils à éviter : d'un côté une multiplication de créations pour rendre compte de tous les concepts, de l'autre une indexation trop générale pour éviter les créations.

Les cas concrets montrent que l'équilibre entre le respect du document à traiter et la cohérence de la liste qui demande des regroupements et non des créations abusives, est souvent difficile. Tout dépend du degré de finesse de l'analyse et les catalogueurs sont parfois marqués par les habitudes de l'ancien système, très analytique, l'absence de classification et le fort pourcentage de catalogage original.

Par exemple, on a indexé un ouvrage sur le critère de simplicité en linguistique par deux vedettes existantes :

SIMPLICITÉ (Philosophie)

et GRAMMAIRE GÉNÉRATIVE

plutôt que de créer

SIMPLICITÉ (Linguistique).

Un ouvrage sur les enclos paroissiaux a été indexé par Architecture religieuse-Bretagne, car on a estimé que c'était une réalité trop particulière pour créer la vedette Enclos paroissiaux et qu'il valait mieux indexer par une vedette existante plus générale.

Si on prend la décision de créer, en fonction de l'importance du thème et de la probabilité d'autres ouvrages sur le même sujet -ce qui n'est pas toujours facile à évaluer - on doit s'entourer de garanties contre la subjectivité. Le rôle des sources (dictionnaires, encyclopédies, manuels) est capital, à la fois dans un souci d'impartialité et comme instrument de communication.

On doit en outre rattacher la vedette créée à ce qui existe dans la liste par des renvois d'association.

Quels ont été les types de vedettes créés dans le domaine des noms communs ? - Des noms de peuples et de langues, des vedettes pour une étude linguistique sur un mot (du type any, le mot anglais) ; des termes scientifiques, pour des maladies, par exemple ; des termes techniques ; des vedettes scolaires et juridiques.

Exemple :

Conseillers d'éducation - Délégués de classe Droit communal - Administration communale - Domaine communal

(Laval renvoie COMMUNE à MUNICIPALITÉ).

Un problème délicat est celui de la création de termes reliés par ET. Cela augmente l'aspect précoordonné de la liste, mais c'est le seul moyen, dans ce système, de mettre des termes en relation, la barre de rapport n'existant pas.

Exemple :

Astronomie et Religion

Christianisme et Pauvreté

Psychanalyse et Sciences humaines.

La création se fait souvent après une étude sur un champ sémantique et on ajoute des notes explicatives. Art iranien existe dans Laval ; on a créé en plus Art iranien ancien et ajouté une note sous Art iranien mentionnant également Art persan 1.

Autre exemple : Langues étrangères, que nous avons créé. La Library of Congress et Laval emploient Langues modernes - ce qui exclut Langues vivantes - mais cette vedette nous paraît surtout en opposition avec Langues mortes et comprend la Langue maternelle, alors que nous avons beaucoup d'ouvrages sur l'enseignement des langues étrangères :

LANGUES ÉTRANGÈRES

X SECONDE LANGUE

X LANGUES VIVANTES

XX LANGUES MODERNES

Un thesaurus est un outil vivant, qui doit évoluer mais, si possible, de façon cohérente, et le jeu des créations doit se plier à certaines règles.

Questions d'avenir

La fidélité au système-source et les perspectives de collaboration

Elles sont essentiellement tributaires des moyens de communication et du temps libéré pour cette tâche.

La Bibliothèque nationale souhaite, par exemple, entretenir des liens avec Laval, mais la communication par lettres n'est guère possible : les délais sont trop longs. De plus, chacun est pris par son travail et ne peut consacrer assez de temps aux recherches concernant les autres bibliothèques.

Il est clair que, dans l'avenir, lorsqu'il existera une base interrogeable en ligne, des deux côtés, nous aurons une connaissance immédiate de la vedette retenue par nos collègues et nous pourrons alors éviter, entre autres, les risques de traductions différentes d'une vedette du Congrès.

Un autre obstacle à la fidélité est la question des changements de vedettes et des corrections qu'ils entraînent dans le catalogue. Nous souhaiterions mieux harmoniser certaines vedettes avec la Bibliothèque publique d'information, mais elle a plusieurs séries de catalogues matières imprimés et hésite à y apporter des modifications.

Les changements de politique de construction annoncés dans le Cataloguing service bulletin de la Library of Congress peuvent également entraîner, si on les suit, d'importantes corrections. Par exemple, dans le n° 14 (Fall 1981), en ce qui concerne le folklore ; on faisait auparavant suivre les vedettes de l'expression : dans la religion, le folklore, etc. Exemple : Étoiles dans la religion, le folklore, etc. Le Bulletin annonce l'adoption d'une subdivision Folklore aux sujets, ce qui annule les formes anciennes :

Étoiles - Folklore

Pour l'aspect religieux, il annonce de nouvelles subdivisions :

Aspect moral

Aspect religieux

Mythologie

Il semble évident que la perspective la plus réaliste consiste à laisser à chaque bibliothèque une certaine latitude, de manière à ce qu'elle puisse répondre aux besoins de ses utilisateurs en fonction du contexte propre à son pays. Mais cette latitude ne devrait pas entraîner des divergences trop importantes. Elle peut, au contraire, apporter des enrichissements : échanges de créations, par exemple.

Outre Laval et la Bibliothèque publique d'information, la Bibliothèque nationale a des projets de collaboration avec des collègues belges, très intéressés par un outil commun aux francophones.

Les produits futurs

La Bibliothèque nationale met au point actuellement un schéma directeur informatique, qui, en ce qui nous concerne, permettra le lien entre le fichier bibliographique et le fichier d'autorités matières. La Bibliographie de la France et les bandes d'échanges pourraient ainsi comporter l'indexation matières. La perspective d'une base de données interrogeable en ligne est également retenue.

D'autre part, l'association progressive de services spécialisés (arabe, hébraïque, slave, etc.) permettra l'enrichissement de la liste.

L'adaptation du Répertoire paraît à l'ensemble de l'équipe de catalogueurs, après deux ans de pratique, relativement satisfaisante, avec toutefois la possibilité de créations et certaines modifications de constructions, ajout de dates par exemple.

L'adoption des Library of Congress Subject Headings et du Répertoire de l'Université Laval par diverses bibliothèques contribue à tisser un « réseau » de vedettes matières. La généralisation de bases de données comportant l'indexation matières permet d'espérer une consultation plus rapide et des liaisons plus étroites entre ces bibliothèques. En attendant, il serait souhaitable de maintenir au maximum la cohérence et la compatibilité de ces diverses adaptations.

En effet, les listes d'autorités de la BPI ont déjà été acquises par de nombreuses bibliothèques. Les microfiches de la Bibliothèque nationale connaissent à leur tour une diffusion de plus en plus large. On ne peut que souhaiter une harmonisation des vedettes retenues pour constituer, à terme, un système d'indexation et un fichier d'autorités de portée nationale.

  1. (retour)↑  Ce texte est la version remaniée d'une communication présentée au congrès de l'IFLA à Montréal en août 1982, et publiée dans International cataloguing, vol. 12, number 2, April-June 1983.
  2. (retour)↑  Ce texte est la version remaniée d'une communication présentée au congrès de l'IFLA à Montréal en août 1982, et publiée dans International cataloguing, vol. 12, number 2, April-June 1983.
  3. (retour)↑  Sous cette vedette, on trouve les ouvrages sur l'art de l'Iran à travers les âges. Les ouvrages sur l'art de l'Iran jusqu'au VIIe siècle sont pris à Art iranien ancien, les ouvrages sur l'art iranien islamique sont pris à Art persan.