Chronique des bibliothèques

Bibliothèque nationale.

>Exposition André Chénier.

Parmi les expositions de 1962, le Bibliothèque nationale a voulu ménager une place à André Chénier 1, né en 1762, mort en 1794 sur l'échafaud. Elle se le devait d'autant plus qu'elle possède la quasi-totalité de ses manuscrits littéraires, d'après lesquels purent être établies les éditions posthumes de ses œuvres.

Chénier ne fut en effet révélé au grand public qu'en 1819, par une première édition d'ensemble confiée à Latouche. Ce poète, timide et secret, qui réservait la lecture de ses œuvres à quelques amis, avait publié deux poèmes et quelques écrits politiques. Le XIXe siècle, les Romantiques, les Parnassiens allaient faire sa fortune littéraire.

Sur cette vie si courte, si volontairement obscure, on pouvait craindre de réunir un bien petit nombre de documents. La chance a voulu que chaque étape ait trouvé son illustration. La veuve de Gabriel de Chénier, neveu du poète, avait légué les manuscrits littéraires subsistant à la Bibliothèque nationale; elle donna à la Bibliothèque municipale de Carcassonne les papiers de famille, parmi lesquels les lettres d'André à son père, à peu près les seules conservées, quelques livres, vestiges de sa bibliothèque, et, au Musée de Carcassonne, des tableaux, dont un charmant portrait de Chénier enfant et celui de sa mère en costume grec.

A ces contributions essentielles s'ajoutèrent celles de familles où se conservait le souvenir du poète. Ainsi figure à l'exposition l'amusant tableau où un amateur maladroit aligna la famille Chénier sur le quai de la Seine, au pied du Pont-Neuf. Il faut signaler deux pièces exceptionnelles, le célèbre portrait d'André Chénier, peint à Saint-Lazare quelques jours avant son procès, et la miniature rose et grise d'Aimée de Coigny, la « jeune captive », exposée pour la première fois, peinte elle aussi dans la prison par le même artiste, Suvée.

Les Archives nationales ont mis au jour les pièces du procès, grâce auxquelles on peut suivre les derniers mois de la vie de Chénier, depuis son arrestation et son incarcération jusqu'à son exécution.

Ainsi ont pu être évoqués les origines grecques et languedociennes de Chénier, sa famille et notamment son frère Marie-Joseph, ses voyages, ses travaux sous leur jour véritable, tels que les recherches d'érudition les ont ressuscités.

Département des médailles.

Une sculpture du Cabinet des médailles vient d'être transférée au Musée du Louvre. La statue du pharaon Nectanébo, entrée à la suite de la campagne d'Égypte de Bonaparte, est une pièce importante de l'art égyptien. Malheureusement mutilée (il manque la tête et les jambes), la statue est intéressante à plusieurs égards : le travail en est excellent et l'identification du personnage, due à l'inscription hiéroglyphique gravée dans le dos, permet de dater exactement l'objet du milieu du IVe siècle avant Jésus-Christ. C'est donc un point de repère distinct dans l'histoire de la sculpture égyptienne.

Le Cabinet des médailles a déposé au Musée du Louvre en 1918 les grands monuments de l'art égyptien qu'il possédait. C'est par oubli que ce buste,de 70 centimètres de haut, était resté dans ses réserves d'où les études récentes d'égyptologues français et étrangers l'ont fait sortir.

Cette statue viendra compléter heureusement les collections du Louvre où une place de choix la mettra en valeur. Le Conseil artistique des musées nationaux a salué ce torse de granit noir, par sa simplicité même et la beauté de son modelé, comme l'un des plus beaux chefs-d'œuvre des derniers temps de l'Égypte indépendante.

Bibliothèques municipales.

Amiens (Somme).

Le riche fonds historique de la Bibliothèque municipale d'Amiens faisait d'elle une mine de renseignements pour les archéologues et historiens groupés dans des sociétés régionales, telle à Amiens la société des Antiquaires de Picardie. Afin d'être plus utile à ce genre de chercheurs, la Bibliothèque d'Amiens a depuis la dernière guerre constitué un fichier spécial permettant un classement à la fois alphabétique et méthodique de tout ce qui a trait à la Picardie; non seulement les livres et brochures mais les articles des périodiques traitant de l'histoire locale y sont répertoriés. D'autre part on a opéré un reclassement de tous les ouvrages ayant trait à la région dans un fonds spécial de Picardie où les chercheurs admis à accéder librement aux rayons trouveront rassemblé tout ce qui peut les intéresser. Les brochures et articles de périodiques relatifs à la Picardie que ne possède pas la Bibliothèque municipale mais qui se trouvent dans la Bibliothèque de la société des antiquaires de Picardie ont fait l'objet de fiches de couleur rose portant très apparente la mention « Antiquaires de Picardie » avec la cote de cette bibliothèque. Comme celle-ci est à proximité de la bibliothèque de la ville, il est assez facile de procurer au chercheur ce qu'il ne trouve pas sur place. Pour l'École régionale des Beaux-Arts et le Conservatoire de musique, il a été possible également de reporter sur des fiches roses avec mentions spéciales les notices des livres appartenant à ces deux établissements. Tous les directeurs ont la complaisance de tenir au courant le bibliothécaire de leurs acquisitions. Cette coordination entre bibliothèques relevant toutes de la ville évite d'ailleurs l'achat de livres se trouvant déjà dans l'un des établissements. La création d'un centre universitaire a été également l'occasion de l'insertion dans les fichiers de la Bibliothèque municipale des notices relatives aux livres achetés par l'École de droit.

Au moment où a commencé à être établi ce catalogue collectif, il était difficile d'aller plus loin, non seulement parce que le personnel de la bibliothèque était très réduit mais surtout parce que des bibliothèques importantes, comme celles de l'École nationale de médecine et de pharmacie, de la Société industrielle, avaient été détruites par les évènements de 1940. Depuis, la population s'est sensiblement accrue puisque Amiens est maintenant une ville comptant plus de 100 000 habitants et il est question d'y rétablir l'Université qui y existait avant la IIe République.

En attendant ce rétablissement éventuel de l'Université, on a créé à Amiens une École supérieure de lettres et un Collège scientifique universitaire dont la bibliothèque en formation a été d'abord confiée au bibliothécaire municipal, M. Paul Logié. L'événement important de ces dernières années a été l'implantation dans la banlieue d'Amiens d'une zone industrielle. Le Secrétaire général de la Chambre de commerce a accueilli très favorablement la proposition de collaboration entre la Bibliothèque d'Amiens, la Chambre de commerce et les industriels de la région, présentée par M. Paul Logié : la Bibliothèque municipale fait une part à l'acquisition d'ouvrages de base, scientifiques et techniques, et s'abonne à un certain nombre de périodiques susceptibles d'intéresser ingénieurs et techniciens (les liens de la Bibliothèque municipale avec la bibliothèque du Collège scientifique universitaire permettent une communication facile de certains ouvrages ou revues). Le rôle de la Bibliothèque municipale est surtout de renseigner les industriels sur l'endroit où se trouvent les livres ou périodiques qu'ils désirent consulter. L'ébauche de catalogue collectif établi par la Bibliothèque municipale et la liste des périodiques existants dans la Somme et dans les départements voisins fourniront un élément de départ pour cette documentation mais il sera également demandé aux industriels de fournir une liste des ouvrages qu'ils possèdent (notamment ouvrages de référence, dictionnaires) et dont ils consentiraient la consultation sur place ou même le prêt. Il pourrait être entendu également que les périodiques spécialisés dont les industriels n'ont plus l'usage seraient déposés à la Bibliothèque municipale. Un appareil à microfilmer installé à la Bibliothèque permettra de prêter seulement le microfilm.

Pour donner de la publicité à cette initiative, le Chambre de commerce a accepté d'envoyer aux industriels et commerçants une circulaire, les invitant à communiquer les titres des périodiques qu'ils reçoivent pour compléter la liste des périodiques reçus dans la Somme. La circulaire précisait que la Bibliothèque d'Amiens grâce « à ses rapports suivis avec les centres de documentation et les bibliothèques relevant de la Direction des bibliothèques de France » est en mesure de fournir aux industriels un microfilm des articles de revues; ce service est gratuit, il est seulement demandé aux bénéficiaires le remboursement des frais matériels. Dans le bulletin du patronat un appel a été également inséré.

Carpentras (Vaucluse).

A la fin de décembre 1962 est venu en mission à la Bibliothèque Inguimbertine M. Israël Adler, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, pour inventorier le don fait en novembre 1954 par Mme Garsin-Cavaillon. Le fonds comprend 197 volumes en hébreux dont 4 manuscrits et un recueil de fragments manuscrits. Il est bien représentatif de ce qu'était la bibliothèque usuelle d'un juif instruit à la fin de l'Ancien Régime. Les ouvrages vont du XVIe au XVIIIe siècle. Ce sont des éditions de la Bible, de la Mishnah, du Talmud, des compendia dont celui d'Isaac Alfasi, des commentaires rituels, des études talmudiques et des recueils de littérature midrashique et de liturgie comtadine dont quatre Mahzorîm manuscrits parmi lesquels l'un est relatif à la communauté de l'Isle-sur-la-Sorgue et l'autre à celle de Carpentras.

Bibliothèques centrales de prêt.

Lot-et-Garonne.

Sous le titre « Nos livres », la Bibliothèque centrale de prêt de Lot-et-Garonne vient de publier, à la date d'octobre 1962, le n° 1 de son bulletin de liaison. Le but principal de cette publication destinée aux responsables des bibliothèques communales du département et des dépôts du bibliobus est d'appeler l'attention sur certains sujets ou sur certaines catégories de livres négligés à tort. On souhaite de cette façon pouvoir harmoniser les demandes et assurer une rotation plus équilibrée, des ouvrages tout en apportant aux responsables une information littéraire adaptée aux besoins de la lecture publique rurale. Il s'agit aussi de faire connaître certaines nouveautés qui ne figurent au catalogue annuel qu'avec un certain retard et, enfin, de donner quelques conseils pratiques ou des références d'ouvrages utiles. Au sommaire de ce premier numéro : le roman allemand et le roman italien après 1945; quelques nouveautés scientifiques; coup d'œil sur l'information politique, économique et sociale à propos de quelques ouvrages récents; les écrivains agenais à la Bibliothèque centrale de prêt de Lot-et-Garonne; quelques précieux guides pour les responsables des bibliothèques communales.

  1. (retour)↑  Bibliothèque nationale. Paris. -André Chénier, 1762-1794. [Préf. de Julien Cain.] - Paris, impr. Tournon et Cie, 1962. - 20,5 cm, XIV-46 p., 2 pl., portr. sur la couv.