Le catalogage à la source

Marie-Élisabeth Mallein

Abréger le travail de catalogage pour toutes les bibliothèques en l'effectuant une fois pour toutes sur les épreuves du livre, afin d'incorporer la notice de catalogue à l'ouvrage lui-même, est une perspective qui tente depuis longtemps les bibliothécaires. Une subvention du « Council on library resources » a permis à la Bibliothèque du Congrès de faire, de juin 1958 à février 1959, une expérience étendue de ce « Catalogage à la source » ayant porté au total sur 1 203 ouvrages

Depuis qu'on imprime des livres et que des bibliothécaires les cataloguent avant de les mettre à la disposition de leurs lecteurs, les mêmes recherches, les mêmes opérations sont répétées un grand nombre de fois pour le même ouvrage, puisque chaque bibliothèque doit faire effectuer ce travail pour l'exemplaire qu'elle possède.

Déjà, à une époque où la production d'imprimés n'avait pas atteint son développement actuel, et, où, d'autre part, les effectifs du personnel chargé du catalogue étaient moins insuffisants qu'aujourd'hui eu égard à l'importance des tâches à accomplir, ces pertes de temps, ce gaspillage d'effort avaient frappé quelques esprits. Nous commencerons donc par quelques rappels historiques sur ce qui a été proposé ou tenté dans le monde anglo-saxon sur cette question avant d'étudier l'expérience faite il y a trois ans à la Bibliothèque du Congrès sous le nom de « cataloging in source » ou C. I. S.

Dès 1850, à propos d'un rapport sur le « British Museum » était suggérée l'entreprise d'un catalogue non seulement des livres possédés par cette institution, mais également de tous les ouvrages imprimés en Grande-Bretagne et dans ses colonies. En 1853, le bibliothécaire de la « Smithsonian Institution » souhaitait un catalogue général des bibliothèques américaines où chaque titre serait stéréotypé séparément, les matrices étant conservées selon un classement alphabétique. Un peu plus tard, on proposait d'utiliser la photographie pour l'établissement des catalogues, les bibliothécaires se contentant de photographier la page de titre de chaque ouvrage, cette photographie étant ensuite tirée au nombre d'exemplaires nécessaires pour constituer, outre la fiche principale, les fiches secondaires, fiches de renvoi, etc... En 1876 enfin, Max Müller, l'orientaliste, qui avait été conservateur de la Bibliothèque Bodléienne, avait suggéré, anonymement d'ailleurs, que les bibliothèques nationales d'Europe se chargent d'établir une notice de catalogue pour chaque ouvrage publié dans leurs pays respectifs et qu'elles échangent ensuite entre elles ces notices. « Ou encore, ajoutait-il, on pourrait demander aux auteurs de rédiger la notice de leurs œuvres, les éditeurs fournissant des exemplaires de cette notice avec le livre lui-même. »

Il restait une dernière étape à franchir, celle qui consiste à incorporer les renseignements catalographiques dans l'ouvrage imprimé. L'idée fut émise pour la première fois au début de 1876 par Justin Winsor, bibliothécaire de Harvard. L'éditeur du Publisher's Weekly, R. R. Bowker, l'adopta avec enthousiasme et le Library Journal y fit écho. En 1877, après la seconde conférence annuelle de l'A. L. A., Winsor étant alors président de l'Association, un comité fut formé afin de tenter l'expérience. Ce comité comprenait Winsor, Bowker et Melvil Dewey. De 1879 à 1880 quelques éditeurs imprimèrent effectivement une page de notices catalographiques dans leurs ouvrages, pages destinées à être découpées et collées sur des fiches pour constituer les catalogues. Il faut souligner tout de suite que cette expérience fut d'assez courte durée et qu'elle ne fut le fait que d'un petit nombre d'éditeurs. Toutefois l'un d'eux, au moins, ne cessa qu'en 1883 d'insérer la notice catalographique dans les ouvrages qu'il publiait.

En 190I, lorsque la Bibliothèque du Congrès entreprit la publication de ses fiches de catalogue, il fut suggéré qu'un exemplaire de la fiche soit joint à chaque livre vendu. Entre 1929 et 1938, la Fondation Carnegie dans ses subventions aux bibliothèques universitaires américaines, adressait un jeu de fiches de la Bibliothèque du Congrès en même temps que les ouvrages eux-mêmes et, en 1957, lors d'envois de livres aux bibliothèques américaines au-delà des mers, commandait 250 jeux de fiches pour chacun des 350 titres choisis. Des éditeurs commandaient également des fiches qu'ils expédiaient à leurs clients avec les volumes. Mais, les fiches ne pouvant être établies par la Bibliothèque du Congrès qu'après réception par elle des livres, bien des bibliothèques avaient déjà dû traiter les ouvrages sans attendre la publication de la fiche imprimée pour ne pas retarder trop longtemps la mise à la disposition des lecteurs.

Ranganathan, en 1948, au cours d'un voyage aux États-Unis, suggéra que des bibliothécaires, ayant en mains les épreuves de l'ouvrage, affectent à celui-ci un numéro et que ce numéro soit imprimé sur la page de titre. Les fiches de catalogue seraient faites ensuite par un organisme central sur l'ouvrage définitif, mais porteraient le numéro figurant sur la page de titre. Cette manière de faire aurait le double avantage d'éviter des erreurs dues à des différences entre les épreuves et l'ouvrage définitif, tout en établissant un lien certain entre la fiche de catalogue et l'ouvrage. Ranganathan donnait le nom de « catalogage prénatal » à sa proposition.

D'après ce que nous venons d'indiquer brièvement, on peut distinguer des étapes dans l'élaboration de cette idée. D'abord un catalogage centralisé de tous les livres d'un pays; puis, la conservation des notices établies séparément en vue d'une reproduction au fur et à mesure des besoins; ensuite, l'édition de ces notices de catalogue sous forme de fiches; enfin, l'incorporation de la notice de catalogue à l'ouvrage lui-même c'est-à-dire le catalogage à la source au sens strict, cette impression de la notice sur l'ouvrage exigeant comme conséquence que le catalogage soit effectué sur les épreuves.

Nous verrons dans la suite de cette étude que les États-Unis ne furent pas les seuls à chercher par un catalogage centralisé et aussi précoce que possible à faciliter et à rendre plus efficace cette tâche essentielle des bibliothèques.

L'intérêt manifesté un peu partout pour ce problème amena le « Council on library resources » à accorder une subvention à la Bibliothèque du Congrès dans le but de faire avancer la question. Andrew D. Osborn, alors bibliothécaire à l'Université de Harvard, étudia durant le mois de janvier 1958 les différents aspects du catalogage à la source aussi bien du point de vue des bibliothécaires que de celui des éditeurs. Les réactions ayant été favorables de part et d'autre, le « Council on library resources » accorda 55 000 dollars en vue d'une expérience de catalogage à la source devant durer une année entière et porter sur un millier de titres.

Cette expérience avait deux fins. La première était de mesurer les conséquences techniques et financières de la pratique du catalogage effectuée sur épreuves et non sur le livre achevé, celui-ci portant la notice, soit au verso de la page de titre, soit ailleurs. La seconde était de connaître quel usage les bibliothèques feraient des renseignements catalographiques ainsi fournis sur l'ouvrage lui-même.

Une enquête approfondie auprès des éditeurs fut la première étape. Cette enquête fut menée par des membres du personnel de la Bibliothèque du Congrès qui prirent contact avec plus de 300 maisons d'éditions de diverses catégories : firmes commerciales, presses universitaires, organismes fédéraux ou des États, associations. Ces maisons d'éditions avaient leur siège social dans 40 villes différentes situées dans plus de 20 États. Les réactions, comme on pouvait s'y attendre, furent diverses. Certaines maisons, favorables au début, se refusèrent à participer à l'expérience après étude des répercussions sur le prix de revient; d'autres redoutèrent les retards inévitables dans la production. Une autre difficulté dans un grand État fut le fait que l'impression de toutes les publications officielles était confiée par adjudication à une dizaine de firmes, les adjudicataires changeant chaque année. Finalement, 244 éditeurs acceptèrent de tenter l'expérience, mais en fait 157 seulement envoyèrent des publications au service du catalogage à la source.

Parallèlement à cette enquête, une autre recherche était conduite par Miss Piercy, bibliothécaire de l' « Enoch Pratt Free Library », auprès des usagers, c'est-à-dire auprès des bibliothécaires. Au lieu de recourir seulement à des questionnaires, on préféra envoyer les enquêteurs s'entretenir personnellement avec les responsables de 208 bibliothèques représentatives. L'équipe chargée de ces entrevues comprenait 4 bibliothécaires. Ces entretiens étaient d'ailleurs préparés par l'envoi d'un questionnaire soulignant les différents aspects du catalogage à la source et sollicitant les réflexions. 185 bibliothèques reçurent ce questionnaire. Les déplacements des enquêteurs, à travers les États-Unis, commencèrent en avril et se terminèrent à la fin de mai 1958; ils les menèrent dans 38 États.

Des informations concernant cet essai de catalogage à la source et demandant des commentaires, furent d'autre part diffusées dans les publications professionnelles et largement reproduites.

L'été de 1959 fut consacré au dépouillement des résultats de l'enquête auprès des usagers et à la rédaction du rapport qui fut finalement revu à la fin de l'année avant d'être remis au bibliothécaire du Congrès, M. Mumford, en février 1960 après la fin de l'expérience.

Si les éditeurs avaient manifesté dans l'ensemble beaucoup d'intérêt pour cette tentative et accordé une collaboration étendue, la réaction des bibliothécaires fut plus encourageante encore. Les réponses furent positives dans 98 % des cas. Beaucoup envisageaient même la possibilité de soutenir financièrement l'expérience. C'était de l'enthousiasme qui se manifestait presque généralement.

Il restait à mettre ce projet séduisant à l'épreuve des faits, car, comme le disait Verner Clapp : « Tant qu'une chose n'a pas été essayée, on ne peut pas savoir si elle est faisable ou non. »

La Bibliothèque du Congrès avait minutieusement organisé les diverses phases du travail avec l'objectif, tout en maintenant le niveau élevé du catalogage, d'assurer les opérations dans les délais minimum. Afin de réduire la durée des manipulations et des transmissions, des lots d'étiquettes spéciales avaient été adressés aux éditeurs ; apposées sur les paquets d'épreuves, elles avaient l'avantage d'abréger les opérations d'emballage au départ et de rendre plus rapide, à l'arrivée, l'acheminement vers les services effectuant le catalogage. La Bibliothèque du Congrès payait d'ailleurs le port. La poste aérienne devait être utilisée chaque fois que l'éloignement de Washington justifiait cette dépense supplémentaire (il ne faut pas oublier l'étendue des États-Unis et la situation de Washington à proximité de la côte Est). Pour le retour des épreuves accompagnées de la notice, après catalogage, des services spéciaux de messagers avaient été organisés pour porter les paquets aux bureaux de postes les moins encombrés. Lorsque cela parut utile, des liaisons furent établies par taxi.

Les délais d'acheminement au dehors de la Bibliothèque réduits ainsi au minimum, il restait à hâter le plus possible les opérations du catalogage lui-même. Il avait été établi comme règle qu'une fois les épreuves d'un livre entre les mains d'un catalogueur, celui-ci ne devait interrompre son travail sur cet ouvrage sous aucun prétexte, mais le mener jusqu'à son achèvement et le remettre lui-même entre les mains du bibliothécaire qui le suivait dans la chaîne des opérations, sans recourir aux modes de liaison habituels entre services. Pour gagner du temps également le catalogage à la source n'avait été confié qu'à des catalogueurs expérimentés, ce qui avait permis de ne pas soumettre leur travail à la révision ordinairement de règle. Mais le souci de la qualité avait fait décider que le bibliothécaire dirigeant l'expérience verrait toutes les fiches avant leur envoi pour l'impression. Pour contrôler la durée des opérations, une feuille était jointe à chaque ouvrage sur laquelle chacun des catalogueurs ayant eu l'ouvrage entre les mains devait noter l'heure d'arrivée et l'heure de départ des épreuves.

La rapidité n'était pas tout, l'exactitude importait au moins autant. Aussi, les épreuves représentant le livre à l'état inachevé, un questionnaire (« data sheet ») était-il envoyé aux éditeurs qui devaient le joindre aux épreuves après y avoir mentionné tous les renseignements que ne donnaient pas celles-ci. Le problème, en établissant cette feuille, n'était pas tant de prévoir toutes les questions nécessaires que de les exprimer de façon qu'elles soient aisément comprises par ceux qui devaient y répondre et qu'on ne puisse se méprendre sur leur sens. A la fin de l'opération, on en était arrivé à la quatrième formule du questionnaire.

Les deux premiers titres furent reçus en juin 1958, l'expérience prit fin en février 1959 et a porté sur un total de 1 203 ouvrages. La nature de ces livres était très variée : ouvrages commerciaux, manuels, livres d'enfants, ouvrages religieux, publications de presses universitaires ou d'associations nationales, produits d'imprimeries gouvernementales ou d'organismes fédéraux ou d'États. Il y avait aussi des réimpressions opérées, comme on le pratique aux États-Unis, par des maisons spécialisées. Dans ce cas, la fiche de la première édition servait de base, complétée par une feuille de renseignements remplie par l'éditeur et ce dernier n'avait pas besoin d'envoyer les épreuves. Les collections occasionnaient un travail supplémentaire : fiches individuelles et fiches de collections, alors que d'ordinaire la Bibliothèque du Congrès aurait fait seulement l'une ou l'autre. Ceci se présenta dans 113 cas.

Une des fins de l'expérience était la possibilité de pratiquer un catalogage en coopération. Quatre ministères ou organismes gouvernementaux, Agriculture, Service géologique, Travail et hygiène et Éducation y prirent part et cataloguèrent 116 publications, tandis que les Universités d'Illinois, Maryland, Wisconsin et de Harvard cataloguèrent 19 publications de leurs presses. La collaboration de la Bibliothèque du Ministère de l'agriculture fut particulièrement efficace; elle effectua un catalogage encore plus rapide que la Bibliothèque du Congrès elle-même.

On pourra estimer l'importance du travail accompli par les quelques chiffres suivants : 25 titres furent catalogués en juillet 1958 et 233 en janvier 1959. En moyenne, de novembre 1958 à janvier 1959, furent traités II titres par jour ouvrable, avec un maximum de 18. L'idéal était d'arriver à effectuer toutes les opérations à l'intérieur de la Bibliothèque du Congrès dans un délai de vingt-quatre heures entre l'arrivée des épreuves à la Bibliothèque et l'expédition de retour à l'éditeur avec la fiche de catalogue. Cet horaire fut respecté dans 86 % des cas, 7 % seulement demandèrent deux heures de plus et 7 % également exigèrent deux jours entiers pour achever le catalogage et renvoyer les épreuves à l'éditeur. La Bibliothèque du Ministère de l'agriculture, qui n'opérait que sur les ouvrages de sa spécialité, parvint à comprendre dans ce délai de vingt-quatre heures la collecte des épreuves au lieu d'édition, le catalogage, la remise du texte de la fiche au service de la Bibliothèque du Congrès, la composition de la fiche, l'impression d'une épreuve de celle-ci, la remise de cette épreuve à la Bibliothèque du Ministère de l'agriculture et le retour final à l'éditeur. Mentionnons encore qu'à titre expérimental des ouvrages médicaux provenant d'une même maison d'édition furent catalogués à partir des seuls éléments suivants : page de titre, préface, table des matières et feuille de renseignements. Cet essai avait pour but de rechercher si le catalogage matières et la classification pouvaient être effectués dans ces conditions. Or, ce fut un succès.

Un article de C. S. Spalding paru avant la fin de l'expérience et ne portant que sur les 574 premiers titres catalogués, dont 547 eurent leurs fiches de catalogue imprimées dans l'ouvrage lui-même, donnait déjà un pourcentage d'erreurs dans 55 % de ces cas. Le rapport définitif donne les chiffres suivants :
Erreurs dans la vedette........................................ 2,6 %
Erreurs dans la pagination................................... 22,8 %
- sur les illustrations .................................... 6,7 %
- sur les dimensions..................................... 18 %
Total pour la collation......................................... 47,5%
Erreurs de transcription ....................................... 9,4 %
- de date ou faute d'impression............................ 17,3 %
- de classification........................................ 2,1 %
- dans la vedette-matiéres..... 2,4 %

La classification ne posa pas de problème, les entrées principales les entrées, secondaires, et les entrées matières furent presque irréprochables.

Quant au coût de l'opération, s'il fallut compter des frais supplémentaires pour la correspondance, le téléphone, les transports postaux et le personnel de surcroît pour assurer les liaisons, le catalogage en lui-même ne revint pas plus cher que lorsqu'il est opéré sur l'ouvrage terminé.

En principe, la notice devait être imprimée au verso de la page de titre. Mais, certains éditeurs éprouvant de la répugnance pour cette manière de faire, la Bibliothèque du Congrès se contenta d'établir un ordre de préférence pour la place de la notice, laissant aux éditeurs la possibilité du choix. Une des raisons de cette répugnance étant la présentation typographique des fiches de la Bibliothèque du Congrès, qui risquait de ne pas s'harmoniser avec la typographie de l'ouvrage lui-même, beaucoup de latitude fut également accordée sur ce point.

On s'attendait, avant l'expérience, à des difficultés avec les auteurs ou les éditeurs au sujet du choix de l'entrée, des vedettes matières et de la classification. En pratique, ces questions soulevèrent très peu de critiques. Ce qui posa des problèmes ce fut la forme du nom de l'auteur employée comme vedette. Les éditeurs s'opposèrent énergiquement à l'emploi du nom véritable des auteurs de livres publiés sous un pseudonyme, ou anonymement. Les auteurs, de leur côté, firent des objections (et généralement après coup) à l'usage de leur date de naissance dans les vedettes.

L'expérience ayant eu lieu, la Bibliothèque du Congrès en guise de conclusion publia en 1960, un rapport : The Cataloging-in-source experiment. A Report to the Librarian of Congress by the Director of the processing Department. Ce document, auquel nous empruntons l'essentiel du présent article, est constitué principalement par deux rapports : l'un sur le fonctionnement de l'expérience, dû à John W. Cronin et rendant également compte des réactions des éditeurs; l'autre rédigé par Esther J. Piercy, donnant les résultats de l'enquête auprès des usagers, tandis que le bibliothécaire du Congrès, L. Quincy Mumford, dans une préface, expose sans ambiguïté le point de vue de la Bibliothèque du Congrès.

La lecture de ces rapports laisse une impression très complexe. C'est qu'en effet chacun d'eux exprime les réactions de catégories particulières de personnes intéressées par le catalogage à la source. Or chaque catégorie a une attitude très différente : enthousiasme chez les usagers, approbation avec réserves chez les éditeurs et opposition décidée chez les bibliothécaires du Congrès qui estiment avoir été « les cobayes de l'affaire ».

Essayons de nuancer et d'approfondir ces constatations. Les réactions des usagers ont été presque unanimement favorables (trois réponses négatives seulement sur 208); les réserves venaient des deux extrémités de la gamme, des bibliothèques d'enfants et des bibliothèques spécialisées pour lesquelles le C. I. S. était ou trop poussé ou pas assez pour leurs besoins. L'enquête avait été menée sous trois formes: interviews, correspondance et groupes de discussions. Les heureux effets sur l'ensemble du service sont envisagés avec quelques détails. Il est évident, à première vue, que l'avantage principal serait le gain de temps pour les bibliothécaires et la mise en service plus rapide des ouvrages. Possibilité de réserver le personnel scientifiquement formé à d'autres tâches en confiant la reproduction des notices de catalogue imprimées sur les livres à du personnel de bureau et mise à la disposition des lecteurs très rapide, ces deux arguments reviennent dans presque toutes les réponses. En outre, le C. I. S. faciliterait l'acquisition et le choix à cause des indications de vedettes-matières, les échanges et le tri à l'arrivée pour la distribution des ouvrages entre les sections spécialisées. C'est au point que quelques bibliothécaires ont déclaré qu'ils préféreraient l'édition portant le C. I. S. à toute autre d'un ouvrage donné à cause des facilités de traitement que cela procurerait. En conséquence, on suggérait que soit publiée la liste des éditeurs coopérant au C. I. S. ou que les fiches de la Bibliothèque du Congrès portent un signe indiquant que l'ouvrage avait subi le C. I. S. Le catalogage à la source éviterait les commandes en double exemplaire sur la foi de renseignements donnés sous des formes différentes ; mais c'est l'influence de l'expérience sur le catalogage en général (description, catalogage par sujet et classification) qui serait évidemment la plus importante. Les différentes catégories de bibliothèques en voyaient les avantages, chacune selon ses besoins propres. Depuis la très modeste bibliothèque scolaire ne possédant que quelques centaines de livres et dirigée par un professeur jusqu'à la bibliothèque publique de moyenne importance, toutes en bénéficieraient. Le domaine où cette pratique serait peut-être le plus appréciée est celui des publications gouvernementales. Il fut même suggéré que le C. I. S. pourrait être rendu obligatoire pour ce genre de publications au moins, s'il ne pouvait être appliqué aux autres. Pour la reliure, il faciliterait l'indication du titre à pousser au dos. Dans les relations entre bibliothèques enfin, le catalogage à la source aiderait beaucoup les échanges et favoriserait la coopération dans les acquisitions.

Avant le début de l'expérience, la pratique généralisée du C. I. S. avait été envisagée comme devant être associée à l'existence d'un appareil, d'un prix abordable, pouvant reproduire photographiquement la notice figurant sur l'ouvrage lui-même au nombre d'exemplaires nécessaires pour tous les catalogues. Cette perspective provoqua aussi beaucoup d'intérêt, mais moins pour établir immédiatement les fiches elles-mêmes par reproduction photographique que pour tous les autres usages où une bibliothèque a besoin de reproduire des documents. En effet, nous avons vu que, malgré la conscience et la compétence des catalogueurs, les notices du C. I. S. ne pouvaient pas être exemptes d'erreurs, d'où le danger de recourir à la reproduction directe. D'autre part l'équipement exactement approprié n'est pas encore disponible. Enfin les petites bibliothèques ne disposeraient pas toujours d'un personnel compétent pour effectuer cette opération. Aussi, loin de devoir supprimer dans une large mesure l'achat des fiches imprimées de la Bibliothèque du Congrès, le catalogage à la source devait, dans l'esprit de beaucoup des bibliothécaires ayant répondu à l'enquête, se combiner avec leur emploi ou avec celui des fiches de la « Wilson Company ». L'argument en faveur de ces acquisitions, c'est que les fiches, établies d'après l'ouvrage ayant reçu sa forme définitive, sont très exactes. Mais la coexistence des fiches imprimées et du C. I. S. ne serait-elle pas un gaspillage ? Non, semblent répondre les usagers, car l'indice de classification et les indications de vedettes-matières figurant sur le livre lui-même, permettraient de commander la fiche exacte et le nombre précis d'exemplaires de cette fiche nécessaires pour les différents catalogues. Certaines réponses allaient encore plus loin et demandaient que la fiche soit envoyée avec le livre lui-même ce qui, irréalisable du point de vue des éditeurs, aurait annulé certains des avantages du sytème.

L'argument le plus généralement employé par les usagers en faveur du catalogage à la source était l'unification des règles. Cette unification paraissait d'ailleurs utopique à l'époque de la rédaction du rapport. Depuis, les résultats de la Conférence internationale de catalogage d'octobre 196I sont venus montrer qu'il était possible d'arriver à une certaine unité, au moins de principe, par d'autres moyens.

Le point de vue des éditeurs constituait, avant l'essai tenté par la Bibliothèque du Congrès, la grande inconnue et la première question provoquée par le projet avait été celle-ci : « Aurait-on la collaboration des éditeurs ? » En fait, d'après les réponses de ceux qui ont participé à l'expérience d'une part (70 % de ceux-ci ont répondu), et d'après l'avis d'un comité réuni officieusement à New-York en mai 1959 d'autre part, les résultats ne sont pas décourageants. Examinons d'abord les réponses des firmes ayant collaboré avec la Bibliothèque du Congrès. Les relations postales furent trouvées excellentes, ou en tout cas satisfaisantes, par la grande majorité. Les feuilles de renseignements complémentaires (« data sheets ») furent généralement approuvées, mais parfois aussi critiquées ou considérées comme longues à remplir. Les problèmes principaux, aux yeux des éditeurs, devaient naturellement être posés par les délais subis par l'impression et par les frais supplémentaires découlant du catalogage à la source. Ce fut l'interruption du travail qui parut le principal obstacle aux yeux de la grande majorité. Très peu estimèrent que cela n'apportait pas d'entraves à la fabrication. En dehors des programmes de travail très rigoureux, rendus nécessaires par une bonne utilisation du matériel, il faut également signaler que de nombreux éditeurs font imprimer à une grande distance de leur siège social. Quant aux frais supplémentaires, ils furent évidemment évalués par un certain nombre de maisons. Les uns les considérèrent comme négligeables, d'autres, au contraire, comme très élevés : les estimations allant de 2 dollars par titre à 67 dollars avec tous les intermédiaires. Des objections furent souvent faites du point de vue de l'aspect esthétique. « La notice de catalogue défigure la page de copyright. » La disposition typographique obligea certains à revoir entièrement leur composition. La latitude de placer la notice de catalogue au début ou à la fin de l'ouvrage fit craindre à quelques-uns que cela ne diminue l'intérêt de la pratique du catalogage à la source. Les commentaires divers furent d'une grande variété. Certains des éditeurs se montrèrent enthousiastes et regrettèrent l'abandon de l'expérience; d'autres furent déçus par les résultats. Quelques-uns, tirant argument du fait que les ouvrages qu'ils publiaient n'étaient pas achetés exclusivement par des bibliothèques, exprimèrent la crainte que la présence de la fiche de catalogue sur le livre lui-même ne nuise aux ventes, l'acheteur éventuel en concluant que c'était un livre destiné seulement aux bibliothèques! Mais la grande majorité s'opposa d'abord et surtout à la publication du nom véritable d'un auteur ayant écrit sous un pseudonyme ou anonymement et à celle de sa date de naissance. Ce fut la véritable pierre d'achoppement du catalogage à la source. Aussi certaines simplifications furent-elles proposées parmi lesquelles nous mentionnerons les suivantes : faire la fiche d'après la page de titre seulement, accompagnée d'une feuille de renseignements, sans envoi des épreuves elles-mêmes (on peut répondre que ce procédé, suffisant dans certains cas, ne permettrait pas la classification et l'indication des vedettes matières) ; ne pas effectuer ce travail à la Bibliothèque du Congrès, mais à New-York (l'unité de pratique catalographique doit faire confier cette tâche à la Bibliothèque du Congrès, mais il est certain qu'un centre à New-York abrégerait considérablement les délais ; il ne faut pas oublier en effet que Washington n'est en aucune façon un centre actif d'éditions). Certains éditeurs ont même été jusqu'à s'offrir à faire eux-mêmes la fiche. L'attitude des éditeurs vis-à-vis d'une pratique généralisée et permanente du catalogage à la source fut donc dans l'ensemble favorable. Un petit nombre seulement manifesta une attitude négative.

Un comité d'éditeurs se réunit à New-York au mois de mai 1959; bien que parlant officieusement et non comme représentant officiellement la profession, son avis mérite cependant l'attention, étant donné surtout qu'y figuraient de très importantes firmes n'ayant pas participé à l'expérience. L'une de ces dernières estimait que le coût très élevé du C. I. S. ne serait pas compensé par un accroissement des ventes. Mais il est curieux de constater qu'au sein de ce comité ce sont, au contraire, les éditeurs ayant pris part à l'expérience qui se montrèrent favorables et estimèrent les frais supplémentaires comme peu élevés.

Si nous examinons maintenant l'attitude de la Bibliothèque du Congrès, nous trouvons une réaction très différente. Les catalogueurs comprenant tout l'intérêt de cette pratique furent cependant unanimes à considérer ce travail comme épuisant et décevant. Épuisant à cause de la limite de temps si stricte, avec un horaire des opérations à tenir à jour, causant une tension continuelle pour un travail par ailleurs difficile puisqu'il est effectué sur des épreuves. Décevant, parce qu'en dépit de tous les efforts, les résultats étaient presque toujours inexacts. Dans un catalogage ordinaire une erreur une fois constatée peut toujours être corrigée en refaisant les fiches. Tandis que dans le catalogage à la source l'erreur demeure à perpétuité fixée sur le livre. On doit réfléchir, en effet, au problème posé par un travail accompli sur un ouvrage inachevé n'ayant pas encore reçu sa forme définitive et, par conséquent, à partir de renseignements incomplets. Le téléphone, là comme à tous les autres stades de l'expérience, venait au secours du catalogueur pour lui permettre d'obtenir rapidement de l'éditeur les précisions qui lui manquaient. Mais les lacunes des épreuves ne pouvaient pas toujours être discernées; par exemple, l'absence d'une préface non signalée par la page de titre ou par la feuille de renseignements; l'absence des illustrations ou celle de la table. Parfois, c'était le texte lui-même qui manquait. Enfin des modifications pouvaient être apportées à la page de titre immédiatement avant le tirage ou n'être signalées qu'après l'établissement de la notice de catalogue. Les tables, en particulier, étaient souvent envoyées après le catalogage, ce qui rendait les indications de pagination inexactes. Pour y parer on finit par omettre la pagination dans l'épreuve de la fiche envoyée à l'éditeur auquel on donnait d'autre part des instructions très précises pour imprimer les indications de pagination au moment du tirage. Une autre difficulté vint souvent de la date d'édition. Un ouvrage devait sortir en 1958. En fait l'impression en était retardée et il portait la date de 1959! Citons l'exemple d'un éditeur qui avait décidé de distribuer les fiches avec chaque exemplaire vendu du livre. Toutes les incertitudes avaient été dissipées, une épreuve de la fiche renvoyée par l'éditeur avec son approbation et les 17 000 fiches imprimées, expédiées et facturées. Mais lorsque le livre lui-même parvint à la Bibliothèque du Congrès, on s'aperçut que la page de titre portait un sous-titre ajouté au dernier moment! Au total, pour tous les ouvrages ayant subi le C. I. S., 235 000 fiches furent inutilisables ce qui représentait une perte de 1 500 dollars qui furent d'ailleurs remboursés à la Bibliothèque du Congrès par la subvention du « Council on library resources ». Et, malgré ces nombreuses corrections et reprises du travail, nous avons vu plus haut que la moitié des fiches contenaient des erreurs. Aussi la conclusion du rapport était-elle défavorable au catalogage à la source. Pour couvrir toute la production américaine il faudrait cataloguer 120 titres par jour. Or si, au cours de l'expérience, la bibliothèque traitait en moyenne II titres et 18 en période de pointe, au prix d'un travail harassant, la généralisation du catalogage à la source exigerait du personnel supplémentaire, des locaux (qui n'existent pas) et une dépense annuelle de 250 000 à 300 ooo dollars. D'ailleurs, sur les 20 ooo titres publiés annuellement, il n'y en a pas plus de 4 à 6 ooo qui aient une grande diffusion et par suite le catalogage à la source effectué sur les autres n'aurait que très peu de bénéficiaires. Ne pourrait-on trouver, concluait le rapport, des solutions de rechange qui, à un moindre coût et sans tant d'efforts, rendraient des services à peu près analogues ? Le rédacteur John W. Cronin le pense et expose deux procédés dont l'idée avait été émise au moment où prenait fin l'expérience de la Bibliothèque du Congrès. Le premier consisterait dans une nouvelle présentation des listes d'ouvrages publiées déjà par le Publisher's Weekly avant que les livres ne soient parvenus à la Bibliothèque du Congrès. Ces listes seraient désormais constituées à l'aide de véritables notices de catalogue, portant les indices de la classification Dewey et suivies d'une brève analyse 1. Les notices pourraient être reproduites directement sur fiches de catalogue. La seconde solution de rechange intitulée SACAP (selection, acquisition, cataloging and processing) est proposée par la « Bro-Dart Industries » et s'appliquerait aux 4 ooo ouvrages analysés par le Library Journal. Ces ouvrages feraient chacun l'objet d'un bon de commande en plusieurs exemplaires et les bibliothèques recevraient par abonnement le service de ces bons. Un des exemplaires permettrait de demander le livre à l'éditeur, un autre la fiche à la Bibliothèque du Congrès, un troisième exemplaire étant conservé comme fiche provisoire de catalogue. Une seconde étape consisterait à envoyer à tous les souscripteurs, pour chaque titre commandé, un stencil préparé à partir de la fiche de la Bibliothèque du Congrès. A l'aide de ce stencil, les bibliothèques pourraient tirer elles-mêmes le nombre d'exemplaires qui leur seraient nécessaires. C'est sur cette perspective que s'achève le rapport de Cronin.

Dans le monde des bibliothèques, cependant, l'expérience en cours avait suscité beaucoup d'intérêt et éveillé beaucoup d'espoir. Dans les réunions professionnelles, les bibliothécaires y avaient maintes fois fait allusion. L'ALA, en janvier 1960, avait émis un vœu favorable à l'extension du C. I. S., estimant que les solutions de rechange dont nous venons de parler n'auraient pas les mêmes avantages. L'ALA faisait trois recommandations :
I° qu'un programme national de catalogage à la source soit immédiatement entrepris par la Bibliothèque du Congrès avec la coopération aussi complète que possible des éditeurs ;
2° si une simplification des informations catalographiques s'avérait nécessaire, que priorité soit donnée à l'inclusion des renseignements qui ne sont pas immédiatement visibles sur la publication elle-même ;
3° qu'une attention particulière soit accordée aux constatations faites au cours de l'enquête auprès des usagers.

Au cours de la conférence de Montréal, en juillet 1960, un nouveau plan fut demandé « en dépit de la position justifiée de la Bibliothèque du Congrès estimant qu'elle ne peut pas accomplir un programme complet de catalogage à la source. (On entend par programme complet l'établissement, à un prix de revient raisonnable, de renseignements catalographiques précis, soit complets, soit limités, pour tous les titres publiés par tous les éditeurs) ». Une déclaration invitant la Bibliothèque du Congrès à étudier un programme de rechange pour un catalogage à la source limité plutôt qu'un programme exhaustif et complet fut alors établie avec les propositions suivantes :
« I° la coopération de tous les éditeurs intéressés doit être recherchée; mais le programme ne doit pas être établi comme concernant tous les éditeurs ni tous les titres publiés par les éditeurs coopérant au programme ;
2° l'assistance et la coopération des organismes fédéraux qui ont une activité permanente d'édition doivent être recherchées de façon extensive et une législation appropriée doit être recommandée pour s'assurer et la coopération des organismes fédéraux à un tel programme et les subventions nécessaires pour le mettre à exécution;
3° les renseignements catalographiques donnés dans le catalogage à la source doivent être limités à ceux qui ne sont pas évidents immédiatement dans le document catalogué. » La présidente du comité de recherche et de méthodes de catalogage, Janette E. Hitchcock concluait : « le catalogage à la source tel qu'il est en cours dans l'expérience n'est pas faisable. L'enquête sur les réactions des usagers a révélé un grand enthousiasme pour cette idée telle qu'elle a été émise, mais on n'avait pas prévu l'expression d'opinions sur des programmes de rechange. Un catalogage à la source partiel peut être faisable. Si un programme partiel est désiré par les usagers, ceux-ci devraient encourager le bibliothécaire du Congrès à l'entreprendre. »

Mais ce programme limité fut lui- même repoussé par le « Librarian of Congress », M. Mumford, en ces termes : « Nous avons tendu nos ressources au maximum en soustrayant de la place et un temps considérable en faveur d'un grand nombre de projets spéciaux, les uns durant l'expérience étendue du catalogage à la source et les autres depuis. Ces projets doivent être poursuivis. Afin de consacrer nos efforts à ces opérations en cours, malgré le manque de place et les limitations de personnel qui en découlent, nous nous voyons forcés d'éliminer tout nouveau projet. »

A notre connaissance, le véritable catalogage à la source, c'est-à-dire l'impression de la notice de catalogue sur le livre lui-même ou sur une fiche vendue obligatoirement avec tous les exemplaires, ne semble donc pas, à l'heure actuelle, pratiqué dans le monde autrement que de façon isolée par quelques entreprises d'édition. L'expérience la plus approfondie, la plus étendue et la plus prolongée est celle qui a été accomplie aux États-Unis en 1958 et 1959 et que nous venons d'étudier. Or, nous voyons qu'il y a peu de chance pour que cette tentative soit renouvelée, au moins prochainement. Cet essai, toutefois, n'a pas été le seul. Un peu partout l'intérêt de la question a suscité des initiatives. Pour ne pas allonger cette étude et sans examiner ce qui a pu être proposé autrefois ou tenté en France, nous nous contenterons d'évoquer rapidement quelques expériences récentes en divers pays.

Il y eut quelques essais en Nouvelle-Zélande et au Brésil. D'autre part, une maison d'édition australienne, F. W. Cheschire, reproduit, depuis une dizaine d'années, dans certains des ouvrages qu'elle publie, une fiche de catalogue préparée par l'Université de Melbourne. En Suède, le service des Bibliothèques de Lünd : « Bibliotekstjänst » fait, pour ses acquisitions, son choix sur les épreuves envoyées par les éditeurs, mais les fiches de catalogue sont établies sur les livres dès qu'ils paraissent et ces fiches sont ensuite acquises par les bibliothèques. Ce n'est donc pas du catalogage à la source. Toutefois, le « Bibliotekstjänst » réalise, bien que de façon très limitée, le C. I. S. pour certaines de ses propres publications qui sont vendues avec leurs fiches (auteur, matières, etc...). En URSS, les fiches imprimées sont établies sur les exemplaires du livre ayant reçu sa forme définitive dits « exemplaire de contrôle ». Il n'y a pas là de catalogage à la source. Mais, en Russie, pour les livres destinés aux bibliothèques de lecture publique, un certain nombre d'éditeurs portent, soit au verso de la page de titre, soit après l'achevé d'imprimer, les indications suivantes : vedette, auteur, notice bibliographique, notes. Ce travail est effectué par les éditeurs qui ne consultent la Bibliothèque Lénine que pour des cas particuliers. Depuis peu de temps se pratique dans quelques républiques une forme de C. I. S. En Turkménie, la Chambre du livre effectue ce travail sur les manuscrits pour les ouvrages ayant une certaine valeur scientifique et sur la page de titre pour les livres de vulgarisation. Une fiche est ainsi établie qui sera diffusée en même temps que le livre. Il en est de même en Ukraine. En Lithuanie, le travail est effectué sur l'ouvrage terminé. La diffusion des fiches en même temps que l'ouvrage n'est obligatoire que pour les livres destinés aux bibliothèques publiques. Mais, dans toutes les républiques soviétiques, la mention sur les exemplaires du livre de l'indice de classification, du « signalement de l'auteur », d'une notice bibliographique et d'une annotation est obligatoire depuis le début de 196I. Aux États-Unis eux-mêmes, quelques organismes gouvernementaux ont d'ailleurs dans ces dernières années imprimé des éléments d'identification dans certaines de leurs publications. D'autre part, la « Scarecrow Press » de Washington, sous la responsabilité de Ralph R. Shaw, diffuse les fiches de catalogue en même temps que les ouvrages qu'elle publie. Enfin le nouveau Directeur de la Bibliothèque nationale espagnole, Don Miguel Bordenau, a reconnu l'intérêt qu'il y aurait à créer un service de fiches bibliographiques qui seraient disponibles au moment de l'apparition du livre dont les éditeurs communiqueraient les épreuves sur lesquelles serait effectué le travail. Un tel projet pourrait être réalisé par la collaboration de la Bibliothèque nationale, de l' « Instituto nacional del libro espanol » et des éditeurs.

En terminant nous devons rappeler que les efforts de l'ISO/TC 46 pour aboutir à une norme internationale de la page de titre vont également dans le même sens.

Conclusions. - De ce rapide examen, on peut conclure que la question est assez importante pour mériter d'être étudiée encore. Mais, pour que le catalogue à la source soit possible et donne des résultats proportionnés à l'effort qu'il exige, il faut qu'il soit effectué par une bibliothèque ayant une situation centrale et dont les relations avec les principaux lieux d'édition soient faciles et rapides (de ce point de vue la France est mieux partagée que les États-Unis). S'il importe que la qualité du catalogage soit aussi élevée que possible, il ne s'ensuit pas qu'il soit indispensable de satisfaire toutes les exigences de la bibliographie nationale dans les notices imprimées sur l'ouvrage lui-même. L'indication du nom véritable des auteurs d'ouvrages pseudonymes ou anonymes, ou la mention de la date de naissance de l'auteur ont constitué, nous l'avons vu, le plus gros obstacle au C. I. S. aux États-Unis. Si l'absence de ces indications permettait une pratique généralisée du C. I. S. il n'en résulterait pas une grande gêne pour les usagers. L'expérience américaine a prouvé également que la coopération dans cette entreprise était praticable. Pour les publications officielles en particulier, ou pour les ouvrages très spécialisés, ou encore pour la production de certains organismes éditeurs, de grandes bibliothèques peuvent unir leurs efforts, rendant ainsi la tâche moins lourde. Le « Council on library resources », en rendant possible un essai étendu et prolongé qui a apporté d'utiles enseignements, a mérité la reconnaissance, non seulement des bibliothécaires américains, mais également de ceux de tous les pays.

  1. (retour)↑  Cette formule, qui n'était qu'un projet au moment de la rédaction du rapport, a été réalisée depuis. Voir : B. Bibl. France, 6e année, n° 12, déc. 1961, p. *597, n° 1960.
  2. (retour)↑  Les titres précédés d'un * n'ont pas été consultés pour la rédaction de cette étude.