Quels services pour une bibliothèque accessible à tous ?

Cycle Bibliothèques dans la cité – 13 et 14 février 2014

Mélanie Marchand

Deux journées d’étude ont été organisées à Montpellier le 13 et 14 février 2014 par Marion Lorius et Gilles Gudin de Vallerin (médiathèque centrale Émile Zola de la communauté d’agglomération de Montpellier), et Françoise Hecquard et Annie Dourlent (Bibliothèque publique d’information) dans le cadre du cycle Bibliothèques dans la cité. Elles ont permis de traiter largement la question de la démocratisation des accès. La bibliothèque se doit d’être en prise avec les réalités sociales de la « cité ». Qu’il s’agisse d’espaces, de collections ou de services, favoriser l’adéquation entre l’offre et la demande fonde la légitimité de ce service public.

Les espaces vus de l’intérieur

Pascale Seurin, architecte, a présenté une dizaine de projets très différents, qui se distinguent par une forte réflexion sur l’aménagement intérieur. Parmi les exemples cités, la médiathèque de Poissy (Yvelines), bâtiment de plain-pied de 2 000 m² implanté dans un ancien centre commercial ou encore le Centre culturel irlandais, espace réduit de 100 m² au cœur de Paris, se distinguent par une identité forte. Privilégiant le concept d’accès à l’ensemble du fonds documentaire pour que l’usager ait l’impression d’un « tout unitaire et indivisible », l’architecte apporte une grande attention aux éclairages, en lumière naturelle ou artificielle, aux couleurs vives et chatoyantes ainsi qu’aux matériaux, permettant l’identification intuitive des espaces et la création d’un sentiment d’intimité.

Ignasi Bonet Peitx, architecte dans le réseau de lecture publique de Barcelone, a centré sa réflexion sur la capacité de l’architecture à favoriser une « atmosphère ». Suite à la présentation de trois projets de bibliothèques du réseau, la biblioteca Antonio Marin (El Prat de llobragat), la biblioteca Urgel-Agusti Centelles, la biblioteca camp de l’Arpa-Caterina Albert, il apparaît que c’est une subtile harmonie entre lumière, choix des matériaux et couleurs qui permet cette appropriation par la communauté.

Muriel Laurent, directrice du réseau des médiathèques du Syndicat d’agglomération nouvelle du Val-d’Europe, a exposé quant à elle une démarche pragmatique de réaménagement, fruit de l’observation des pratiques des usagers. L’exemple du pôle presse est emblématique : les collections, éclatées en plusieurs points d’accès incohérents pour le grand public, manquaient de visibilité. Un projet concerté et phasé a permis de proposer aux usagers un pôle presse unique, immédiatement identifiable, tout en maîtrisant les coûts et la mise en œuvre de ce réaménagement de collections.

À l’heure où le concept de « troisième lieu » se lit sur toutes les lèvres, la question de l’aménagement intérieur des bibliothèques est bien un enjeu fondamental. Si le sentiment de confort et de bien-être relève avant tout d’une « atmosphère », son appréciation reste pour autant très personnelle. Des projets colorés et dynamiques de Pascale Seurin au blanc sobre et classique des bibliothèques barcelonaises, on entend des commentaires chuchotés dans la salle, « faute de goût » pour certains, « froid et impersonnel » pour d’autres. Certes, les goûts et les couleurs ne se discutent pas, mais ayant conscience que les tendances évoluent comme la mode, il est essentiel de préserver la souplesse et la flexibilité des espaces.

Les collections en question

Livres Hebdo propose chaque semaine le classement des meilleures ventes de livres en France, reflétant les principales tendances de la demande dans le commerce de détail. Véronique Heurtematte a exposé l’analyse des résultats 2009-2013, tels qu’ils apparaissent dans le top 50 et les classements thématiques. Ces derniers révèlent la prédominance absolue de la fiction, étayée par le poids des best-sellers internationaux et l’impact des adaptations cinématographiques, et cela bien que les prix littéraires, outre le Goncourt, soient peu présents. La mode de l’érotisme soft et du roman populaire s’est confirmée ces dernières années. Pour les bibliothécaires, le positionnement des politiques d’acquisition est mis en question face aux meilleures ventes : reflet des demandes des lecteurs ou contrepoids à apporter, le juste équilibre reste à trouver.

À ces besoins supposés des publics s’ajoute également la pression immédiate de la demande directe de l’usager via les suggestions d’achat. La bibliothèque doit se saisir de cette réalité pour mieux penser sa politique d’acquisition en lien avec son destinataire. Jerôme Pouchol a mis en place à la Médiathèque intercommunale Ouest Provence une organisation raisonnée et structurée de la politique documentaire, « la pol’ doc’ de la MIOP », qui repose sur une charte documentaire détaillée. Cette démarche, largement décrite dans le blog professionnel Bambou, ainsi que les outils tels que les fiches domaines, sont disponibles à l’attention des responsables documentaires. L’acte d’acquisition est ainsi intégré à une démarche bien plus large de mise à disposition et de médiation des contenus. Cette expérience ouvre des pistes de réflexions et d’actions à mettre en œuvre qui prennent d’autant plus d’importance et de sens que les réseaux se développent. La rationalisation des processus de gestion et la mutualisation des moyens sont les garants de la diversité d’une offre pérenne.

Quels services ?

En complément des conférences en plénière et des tables rondes, cinq ateliers ont été proposés afin de réfléchir plus concrètement aux services proposés : « Mixité générationnelle et sociale », « Proximité géographique et sociale : la dimension réseau », « Organiser les acquisitions pour répondre à la demande », « Offre et usage du numérique », « Offre et usage du jeu ».

En conclusion…

Dominique Lahary, grand témoin de ces journées, a insisté sur l’objectif premier de nos missions : améliorer et étendre les services aux usagers. Le premier service rendu par une bibliothèque est bien d’offrir un espace. Il a fait à ce titre l’éloge du poteau « souple et réaménageable » et demandé « plus de place pour les gens, moins pour les collections ! ». Il a proposé dans un second temps de supprimer du vocabulaire professionnel l’usage du terme « collection », extrêmement possessif, pour penser « des flux » et non plus des « stocks ». Il a enfin remarqué les débats non évoqués, tels ceux sur la gratuité ou sur les horaires d’ouverture, qui pourraient donner lieu à d’autres journées d’étude… Le sujet est loin d’être épuisé !