Journée nationale sur l’accès au livre et à la lecture

Enssib – 7 décembre 2017

Sarah Debonnet

Le 7 décembre 2017 a eu lieu à l'Enssib une journée consacrée à l'accès au livre et à la lecture, co-organisée par l’association BrailleNet et l'Arald (Agence Rhône-Alpes pour le Livre et la Documentation). Cette journée a eu la particularité de rassembler les différents métiers de l’ensemble de la chaîne du livre : de l’éditeur au libraire, en passant par le bibliothécaire ou le transcripteur. La présence de toutes ces professions témoigne combien chacun a un rôle à jouer dans le domaine de l’accessibilité.

État des lieux : l’accessibilité aujourd’hui

La journée a démarré sur un constat assez saisissant : aujourd’hui, seuls 8% des livres sortis en librairie sont accessibles aux publics empêchés de lire. Claire Leymonerie, du ministère de la Culture, a d’abord rappelé le cadre législatif récent concernant l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes handicapées. La réforme de cette exception, en date du 7 juillet 2016, a pour but d'accroître l’offre des ouvrages accessibles : définition plus large du périmètre de l’exception, obligation pour les éditeurs de déposer, dans un délai plus court, les fichiers dans un format structuré type XML, dépôt systématique des livres scolaires, meilleure mutualisation des documents adaptés via la nouvelle plateforme Platon (Plateforme de Transfert des Ouvrages Numériques) effective début 2018.

L’acte européen d’accessibilité est, quant à lui, toujours en cours de négociation : il devrait cependant être effectif courant 2018. Il vise à harmoniser les règles d’accessibilité au sein du marché unique européen (diffusion au standard EPUB par exemple). Cet acte s’inscrit dans une volonté plus globale de réaliser une société numérique inclusive, qui s’étend au-delà du livre numérique.

Avant les premiers ateliers, Alex Bernier, de l’association BrailleNet, a dressé un état des lieux de l’accès au livre et à la lecture. Il a rappelé combien l’arrivée du format Daisy a constitué un net progrès pour l’accessibilité, et que les fonctionnalités de ce format étaient actuellement reversées dans l’EPUB. Si de plus en plus d’éditeurs adoptent ce format et qu’ainsi les grands prix littéraires sont facilement trouvables dans un format accessible, il faut néanmoins souligner que c’est beaucoup plus compliqué pour les livres jeunesse ou encore les ouvrages universitaires. L’offre d’ouvrages adaptés est très réduite au regard des demandes formulées par les lecteurs, auxquelles les organismes d’adaptation ont du mal à répondre, en particulier dans des délais courts. À terme, les éditeurs devraient s’occuper des ouvrages simples tandis que ces organismes se concentreront sur les ouvrages complexes. Alex Bernier conclut en rappelant qu’il faut que les outils d’accès à ces ouvrages adaptés (sites Internet, plateformes etc.) soient eux aussi accessibles.

Au milieu de la matinée, Alizé Buisse, de l’Arald, a présenté Lectura + , portail de valorisation du patrimoine écrit et graphique, en particulier de la presse écrite ancienne. Elle a expliqué comment tout le contenu du site, ainsi que le site lui-même, ont été rendus accessibles, grâce à une structuration minutieuse des pages des journaux numérisés, notamment via le format EPUB 3.

Inciter les professionnels à une meilleure prise en compte de l’accessibilité

La journée s’est poursuivie avec différents ateliers dans lesquels les participants ont été invités à échanger. Les trois ateliers de la matinée avaient pour thème « Publier », « Acheter » et « Orienter ».

Dans le premier, co-animé par Luc Audrain (Hachette Livre) et Alex Bernier, il a beaucoup été question de l’importance de la structuration des documents (documents XML, standard EPUB) tant pour les ouvrages adaptés par les transcripteurs que pour les éditeurs, dès le début du travail de publication.

Dans l’atelier « Acheter », Philippe Lenepveu (Tosca Consultants) et les participants ont rappelé combien il était important de proposer un site ou une application nativement accessibles, ce qui pourrait passer par exemple par l’inscription de règles d’accessibilité dans un cahier des charges.

Le dernier atelier de la matinée, « Orienter » (Françoise Martinelli, université Lyon ), s’est focalisé sur le nécessaire soutien des pouvoirs publics pour encourager les différentes démarches mises en œuvre pour l’accessibilité.

L’après-midi a commencé avec une démonstration de plusieurs outils de lecture utilisés par les aveugles, malvoyants et dyslexiques : plage braille, synthèse vocale sur smartphones, livres de la maison d’édition Mobidys…

Les trois thèmes des ateliers de l’après-midi ont été : « Lire », « Mutualiser » et « Inciter ». Dans l’atelier « Lire », animé par Fernando Pinto Da Silva (European Digital Reading Lab - EDRLab) et Marion Berthaut (Mobidys), il a été souligné la difficulté à trouver un reader adapté, en raison de la multiplicité des formes de handicap. Et, dans le même temps, un reader universel serait-il adapté à tout type de besoin ?

L’atelier « Mutualiser » était présenté par Chloé Cottour (Exception handicap, BnF) et Nicolas Églin (Centre Technique Régional pour la Déficience Visuelle, CTRDV). Il a bien sûr été question de la mutualisation des documents adaptés, avec la plateforme Platon et la Bibliothèque Numérique Francophone Accessible (BNFA) par exemple, mais il est apparu qu’il était également nécessaire de mutualiser les méthodes de travail, tant les adaptations, et donc les pratiques, peuvent varier d’un centre à l’autre.

Enfin, dans le dernier atelier de la journée, « Inciter », animé par Sophie Martel, les participants ont été amenés à proposer plusieurs idées pour encourager les professionnels de la chaîne du livre à prendre davantage en compte l’accessibilité. Parmi celles-ci, citons la formation des différents acteurs, l’élaboration d’un cahier des charges de l’État, le risque de sanctions en cas de non-respect des règles fixées, l’incitation financière (CNL, aides régionales).

Une nécessaire mobilisation de l’ensemble de la chaîne du livre

En conclusion, Alex Bernier a rappelé les points majeurs abordés durant cette journée. Il a d’abord souligné le besoin important de formations pour les professionnels concernés (éditeurs, transcripteurs, mais aussi métiers du web).

Si l’approche de l’adaptation est aujourd’hui « artisanale », il sera nécessaire de passer à une approche davantage « industrielle » pour son efficacité, notamment pour répondre à des besoins concrets, pour les étudiants par exemple. Dans le même ordre d’idée, il a également été question d’évoluer vers des pratiques globales et communes en faveur de l’accessibilité (cahiers des charges, normes…). Il faut alors valoriser ces bonnes pratiques (labels, certifications…).

Si beaucoup reste encore à faire, nous nous situons à un moment charnière dans le domaine de l’accessibilité du livre, car beaucoup d’acteurs sont impliqués : éditeurs, diffuseurs, transcripteurs, développeurs web… comme l’a montré la présence de toutes ces professions à cette journée. La collaboration entre professionnels est primordiale dans ce domaine afin de mutualiser et diffuser les bonnes pratiques.