Demain la lecture ?

Journées du livre jeunesse d’Aubagne

Françoise Peyre

Demain la lecture ? Tel était le thème des 6es rencontres professionnelles des Journées du livre jeunesse d’Aubagne 1. En s’appuyant sur le bilan de douze années de réflexion et d’actions du dispositif ville-lecture à Aubagne, l’objectif était de trouver ou retrouver un élan pour agir dans ce domaine. Trois modules pour cette journée, ponctuée par de courtes séquences filmées des actions menées à Aubagne, après l’intervention d’Alain Hayot, vice-président du conseil régional Paca, délégué à la culture.

Quels partenaires, quels acteurs pour une politique de la lecture ?

Sous forme de dialogue, Marie-Pascale Bonnal, directrice de la BDP de la Creuse et Liliane Rebillard 2, coordinatrice d’Aubagne ville-lecture, rappellent les fondements du dispositif ville-lecture, qui se propose de développer une politique de proximité avec l’écrit. Il requiert des partenaires multiples, s’adresse à tous les milieux sociaux et toutes les classes d’âge. Tous les services municipaux, tous les organismes privés et publics de la commune doivent être mobilisés. La formation en est un outil important car elle permet la création d’une culture commune des acteurs. La médiation est également fondamentale car il s’agit là d’une relation d’échange entre partenaires et non d’une relation entre consommateurs et prestataires. La commune apparaît comme le territoire idéal de cette lutte pour le partage et la solidarité et, dans un territoire comme la Creuse, l’échelon départemental vient en appui de cette dé-marche.

Des interventions dans la salle déplorent le désengagement de l’État et la disparition de la coordination régionale des villes-lecture. Rappelons que le dispositif est né en région Paca, avant d’être repris au plan national par Catherine Trautmann. Pour autant, en région Paca comme dans d’autres régions, la délégation académique à l’action culturelle, la direction régionale des affaires culturelles et le conseil régional continuent de soutenir les communes engagées dans ce dispositif. La lutte contre l’illettrisme est inscrite au contrat de plan État-Région, rappelle Alain Hayot, vice-président du conseil régional délégué à la culture. À Susie Morgenstern, qui demande aux intervenantes comment entretenir une telle motivation, elles répondent en militantes de la cause de la lecture : « en sortant de la bibliothèque », dit l’une, « quand on croit que la lecture est liberté », ajoute la seconde.

Bibliothèque et Éducation nationale : divergences, convergences, concurrence, complémentarité

Pour Viviane Ezratty, (l’Heure joyeuse, Paris), les médias se font peu l’écho d’une production éditoriale foisonnante et de plus en plus importante. La bibliothèque est un lieu de ressources unique, ne serait-ce que par la quantité et la variété des ouvrages qu’elle propose (du petit enfant à l’adolescent…). D’où l’importance de choisir livre en main et de confronter ses opinions dans des comités de lecture interprofessionnels. En bibliothèque, les animations autour du livre se professionnalisent. Cela favorise le dépassement des frontières d’âge et fait de la pratique de ces animations une activité familiale.

Micheline Cellier (IUFM Nîmes) revient sur les instructions officielles de 2002 et l’introduction de la littérature jeunesse à l’école. La littérature est devenue alors un objet spécifique avec des horaires affectés. La publication de la liste d’ouvrages a dynamisé les bibliothèques centres documentaires. Les enseignants sont devenus demandeurs vis-à-vis des bibliothécaires. La publication de ces instructions a posé de nouveaux enjeux pour la formation des maîtres. Aujourd’hui plus de 60 % des candidats choisissent l’option littérature de jeunesse au concours. Ainsi, les enfants sont confrontés à davantage de textes à travers lesquels ils peuvent initier un parcours personnel. Les deux approches de la littérature, celles de l’identification (du côté des bibliothèques) et de la distanciation (du côté de l’école) sont prises en compte. M. Cellier souligne l’importance de formations communes qui permettent des échanges entre bibliothécaires et enseignants.

Quelles propositions de lecture, en termes de textes, supports, pratiques de médiation ?

De nouveaux lecteurs émergent et la lecture du livre n’est pas à opposer à la lecture sur ordinateur. Les médiateurs que sont les enseignants et les bibliothécaires doivent être réceptifs à ces nouvelles formes d’écriture, dit Bernard Friot. Daniel Sansey, du Théâtre du Fauteuil, et François Martin, directeur de la collection « Ciné-roman » chez Actes Sud se proposent d’établir des ponts entre le livre et les autres médias, choisissant une logique d’interaction des supports. Penser le monde à travers la littérature, c’est l’enjeu de la lecture auprès des adolescents.

D’autres rencontres au menu de cette journée : l’Institut Tamer 3, éditeur de livres jeunesse en Palestine, très actif dans le développement de la lecture et de l’écriture et, pour finir en beauté, un moment rare que la rencontre entre deux auteurs de jeunesse : Jacqueline Duhême et Susie Morgenstern…