Libraries and Google®

par Élisabeth Noël
Edited by William Miller, Rita M. Pellen
Binghampton, New York : Haworth Information Press, 2006. – 240 p. ill. ; 23 cm.
ISBN 10 : 0-7890-3125-6
ISBN 13 : 978-07890-3125-9 : 24,95 $

« Les bibliothèques et Google » ! La préoccupation de cet ouvrage collectif 1 est bien ici de positionner ces deux acteurs de l’information, en abordant la relation de fascination qu’entretiennent les bibliothécaires vis-à-vis de Google. Ces regards croisés laissent entendre les voix américaines des pro et des anti-Google 2, pour envisager comment une technologie de rupture (« disruptive technology ») – qui peut être vue comme une menace ou comme une opportunité – amène à repenser la relation des bibliothécaires à leurs usagers.

Ainsi Mark Sandler, dans son passionnant article 3, propose aux bibliothécaires de réfléchir aux services à offrir, et de se diriger vers une numérisation de niche, opposée à celle de masse en cours avec Google Print. Point de vue similaire pour Rick Anderson 4, pour qui les reproches faits à Google (bruit, non-exhaustivité, difficulté de recherche) sont paradoxalement aussi valables dans nos institutions. Un parallèle entre le web et les bibliothèques (disponibilité/fermeture ; recherche dans les pages/par titre ; langage libre/langage « bibliothécaire ») permet de comprendre la disparition de nos lecteurs et la nécessité de mettre en ligne services et ressources de qualité.

À cette vision dynamisante de la menace Google, nous poussant à trouver des voies innovantes, répondent plusieurs discours sur les défauts des outils proposés par Google. Les problèmes de droits d’auteurs inhérents à Google Print, les déficiences dans la recherche et l’opacité sur ce qui relève du « Scholar » dans Google Scholar sont détaillés, ainsi que les problèmes d’utilisation des données d’informations personnelles.

Ces défauts sont analysés de manière lucide, observant plutôt ce qui fait la force de Google (approche simple et intuitive du formulaire unique), pour voir quel avantage en tirer et comment l’intégrer de manière astucieuse dans les services de la bibliothèque et profiter de son attractivité. Par exemple, il est proposé de se servir de Google Scholar comme outil d’entraînement, avant des recherches dans des bases plus sophistiquées, ou d’utiliser Google au début d’une recherche sur un nouveau sujet, pour défricher le vocabulaire spécialisé et les concepts émergents.

Mais si Google reste avant tout une société commerciale, qui joue de son image « cool », les bibliothécaires ont la responsabilité d’offrir une valeur ajoutée, d’apporter plus de services, tout en surveillant et en analysant les outils sans cesse développés dans le Google Labs 5, pour anticiper leurs retentissements sur les bibliothèques dans le futur.

Ainsi perçoit-on la nécessaire redéfinition du rôle des bibliothécaires. Les bibliothèques, dans l’ère de l’Internet et de l’accès au texte intégral, ne sont plus un passage obligé. Le processus de recherche est hors du contrôle des bibliothécaires. Phipps et Maloney envisagent deux voies, soit entrer en compétition avec Google, soit collaborer avec lui. Ils suggèrent donc plutôt de travailler sur les ressources signalées dans Google Scholar pour en faciliter l’accès, à travers des résolveurs de liens, ou de mettre en place des solutions de recherches fédérées. Dawson, à travers des exemples très précis, souligne l’importance de réfléchir à l’optimisation des métadonnées des ressources produites par les bibliothèques, afin d’en améliorer l’indexation dans Google. Une manière comme une autre d’utiliser la force de Google pour le bénéfice des bibliothèques !

Maurice C. York a conduit une revue de littérature 6 sur les guides d’utilisation proposés par Google Scholar, très éclairante sur les positions des bibliothécaires : du déni à l’intégration dans le site web, en passant par un encouragement à l’utilisation. La variété des réponses laisse transparaître la peur de l’abandon des bibliothèques. L’analyse des besoins et des usages des utilisateurs rappelle leur allergie à la complexité des procédures ; s’ils travaillent maintenant plus en ligne qu’en bibliothèques, celles-ci restent le lieu favori pour la fourniture et la mise à disposition de documents. Aux bibliothécaires de sortir des murs de leurs services pour aller à la rencontre des usagers.

On retrouve ici l’ensemble des remarques et critiques faites en France à l’égard de Google, mais les Américains identifient bien mieux le danger que constitue Google Scholar, concurrent des bases de données scientifiques, qui est l’objet d’une majorité d’articles. L’ouvrage, à travers l’analyse des questions soulevées et des défauts des outils, sur un ton enthousiaste ou méfiant, évoque bien les diverses attitudes possibles face à un tel « adversaire » : observer, se méfier – comme plusieurs titres (« Running with the devil ») le laissent sous-entendre –, contrer, contourner ou adhérer. De toute façon, il est nécessaire de changer d’attitude. Au-delà de la menace potentielle sur les bibliothèques et la production savante, c’est donc bien ici d’un appel à l’action lancé auprès des bibliothécaires qu’il s’agit.

  1. (retour)↑  Cet ouvrage rassemble 19 articles publiés simultanément dans Internet Reference Services Quarterly, 2005, vol. 10, no 3/4.
  2. (retour)↑  L’article de Peter Jacso, « Google Scholar : the pros and the cons », Online Information Review, 2005, vol. 29, no 2, p. 208-214, apparaît comme LA référence sur le sujet de Google Scholar.
  3. (retour)↑  Mark Sandler, « Disruptive beneficence : the Google print program and the future of libraries », p. 5-22.
  4. (retour)↑  Rick Anderson, « The (uncertain) future of libraries in a Google world : sounding and alarm », p. 29-36.
  5. (retour)↑  Google labs : http://labs.google.com
  6. (retour)↑  Maurice C. York, « Calling the scholars home : Google scholar as a tool for rediscovering the academic library », p.103-116.