Carel, Consortium pour l'acquisition de ressources en ligne

Bilan d'étape

Sophie Danis

En 2002, dans le cadre de l’action territoriale dévolue aux établissements publics, la Bibliothèque publique d’information (Bpi) propose aux bibliothèques publiques de participer à un consortium pour l’achat de ressources en ligne. Il s’agit de favoriser l’intégration de ressources en ligne onéreuses dans l’offre documentaire des bibliothèques de lecture publique, dans un contexte 1 qui voit s’amorcer le déclin de l’offre des cédéroms multimédias et croître l’accès à Internet dans ces établissements, cependant que les abonnements à des ressources en ligne restent marginaux (61 pour 37 bibliothèques en 2002).

Carel, groupe informel sans statut juridique, s’appuie sur un comité de pilotage auquel participent plusieurs bibliothèques ainsi qu’un représentant de la Direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture ; la Bpi en assure la coordination (négociation avec les éditeurs et information des établissements) 2.

Participants à Carel en 2005

  • 60 bibliothèques municipales (36 en 2003) ;75 réponses pour 2006 3 ;
  • 21% de villes de plus de 100 000 habitants ;
  • 4 % de villes de plus de 50 000 habitants ;
  • 30 % entre 20 000 et 50 000 habitants ;
  • 15 % de moins de 20 000 habitants ;
  • 60 % en Ile-de-France et Rhône-Alpes ;
  • 7 régions non concernées

Profil moyen de l’établissement participant :

  • Budget d’acquisition par habitant : 3,86 €
  • Personnel : 45
  • Inscrits/population : 23 %
  • Postes informatiques : 14
  • Surface : 4 000 m2

L’offre de Carel et son utilisation

Trente titres sont proposés : encyclopédies, dictionnaires, bases de presse, bibliographies, musique, autoformation, bases juridiques, outils pédagogiques pour les jeunes, réservoirs de notices… Les tarifs annuels vont de 60 à 6 000 €.

Les participants à Carel annoncent 235 abonnements : une moyenne de 4 par établissement ; de 1 à 15 abonnements selon les établissements ; 21 bibliothèques sur 60 ont plus de 4 abonnements.

Le classement des titres place largement en tête les encyclopédies, Électre et les bases de presse. Le « panier de la ménagère » de base comprend : une ou deux encyclopédies, Électre, une base presse, un produit d’autoformation, un produit pour les jeunes. Le coût moyen est de 5 000 €.

Évaluation

Les prix pratiqués par les éditeurs pour un usage collectif des ressources demeurent le premier obstacle à l’expansion des collections ; le rapport coût/consultation peut rester élevé et à tout le moins variable d’un établissement à un autre (0,12 € à la Bpi, jusqu’à 1,50 et même parfois 5 € ailleurs, pour un article lu dans Europresse). La documentation en ligne réclame un intense travail de médiation pour inciter le public à une large consultation, ce qui n’est pas le cas de la navigation libre d’Internet, plus facile à mettre en œuvre. La demande exprimée reste faible, celle des bibliothécaires comme celle des usagers, la valeur ajoutée ne s’impose pas comme une évidence.

Si des progrès existent dans la transparence de prix identiques négociés pour toutes les bibliothèques qui se réclament de Carel, la lecture des tarifs reste ardue pour nombre de bibliothécaires, avec des critères encore compliqués et pluriels, bien que le nombre d’accès simultanés tende à se généraliser comme base de calcul.

Échecs et succès sont notamment fonction de la concurrence entre fournisseurs : ainsi de la fourniture de notices, pour les échecs, et des bases de presse, pour les succès. Il est toujours difficile de parler de « remise » en l’absence presque générale de prix de référence affiché ; c’est parfois l’éditeur qui demande à la Bpi d’avancer un tarif, dont on connaît mal les composantes (coûts de production, des accès, des droits, marges…), à la différence du livre. Seul celui de la version cédérom du produit, quand elle existe, peut fournir une base. Les résultats de la négociation, pour spectaculaires qu’ils puissent être dans quelques cas, restent incertains.

Par ailleurs, Carel n’a pas encore la puissance nécessaire pour obtenir des remises substantielles. Le nombre de bibliothèques n’est pas suffisant et nous ne pouvons pas nous engager sur leurs commandes effectives, n’étant pas un groupement d’achat. Nous représentons un marché encore très embryonnaire : un éditeur s’est retiré au vu du faible nombre d’intentions d’achats annoncé.

La lourdeur de la gestion de l’offre en ligne est en outre fortement ressentie par les bibliothèques, sensibles aux coûts en temps-homme et en matériel, à l’instabilité des accès et des logiciels. Cette activité proposée sur place exige des développements techniques pour des services associés comme les espaces personnels de travail et de sauvegarde, les impressions, voire la récupération des données par l’usager.

Enfin, Carel dépend du contexte éditorial : un marché peu homogène et encore fluctuant, avec des groupes internationaux où les marges de manœuvre sont faibles pour le client, et des éditeurs encore à la recherche de stabilité. S’ajoute à cela une édition française généraliste encore restreinte, qui peine à trouver son équilibre financier et appréhende encore mal le marché des bibliothèques.

Évolutions

Cependant, Carel est un axe prioritaire du programme de co-opération de la Bpi, qui prend en compte les besoins des bibliothèques publiques. En termes d’organisation, il faut développer l’aspect coopératif du travail, en proposant une plate-forme de mutualisation des compétences et des expériences qui permettra d’échanger sur les produits, les usages, les problèmes techniques ou commerciaux rencontrés et qui favorisera la veille documentaire partagée ; on peut envisager à moyen terme de partager les négociations. L’ADDNB (Association pour le développement de la documentation numérique en bibliothèque), membre actif du comité de pilotage, travaille actuellement sur ce projet. La Bpi peut améliorer la fonction d’information critique sur les produits (analyse comparative, plateau technique nécessaire, etc.) dans les dossiers fournis sur son site, et augmenter le nombre de journées de présentation-formation.

Sur l’offre éditoriale à proposer, l’analyse de la demande des bibliothèques conduit à développer les produits d’autoformation pour différents publics, en complétant l’offre payante par une sélection efficace de ressources gratuites. Il faut tenir compte du succès des offres de presse, travailler sur la musique en ligne, compléter la documentation pour les jeunes, favoriser le prêt des livres numériques. Suivre l’évolution du marché, élargir l’offre, et parvenir à une baisse sensible des coûts, tels sont les objectifs activement poursuivis.

Novembre 2005