La conjuration pour des accès thématiques aux catalogues

Dominique Lahary

Les catalogues en ligne ne répondent pas aux besoins du public. La recherche devrait pouvoir se faire par texte libre en langage naturel ou par thèmes, sous forme d’arborescences. Des logiciels et interfaces existent déjà pour offrir au public un accès thématique aux catalogues, à l’image du libre accès aux collections dans la bibliothèque.

On line catalogues do not meet public needs. Searching should be available in free text using natural language or by subject using tree configuration. Software and interfaces already exist to allow the public subject access to catalogues, mirroring the open access to library collections.

Online Kataloge entsprechen nicht den Bedürfnissen ihrer Benutzer. Die Suche sollte mittels Freitext, der auf natürlicher Sprache beruht, oder über eine thematische Annäherung in Form einer Baumstruktur möglich sein. Es gibt schon passende Software und Schnittstellen, um Benutzern einen thematischen Einstieg zu Katalogen zu ermöglichen, die dem freien Zugang zu Bibliothekssammlungen ähneln.

Los catálogos en línea no responden a las necesidades del público. La búsqueda debería poder hacerse mediante texto libre en lenguaje natural o por temas, bajo forma de arborescencias. Softwares e interfaces existen ya para ofrecer al público un acceso temático a los catálogos, a imagen del libre acceso a las colecciones en la biblioteca.

« Beaucoup de gens, probablement la plupart, doivent, pour trouver quelque chose, savoir au préalable que c’est là. »
Georg Christoph Lichtenberg 1

Il faut bien se l’avouer : nos catalogues en ligne, tels qu’ils se présentent désormais sur la Toile, en concurrence avec les librairies en ligne et surtout avec les outils de recherche, ne peuvent apparaître au plus grand nombre que comme les instruments primitifs qu’ils sont devenus. Objets archéologiques qu’on ne peut comprendre que si l’on connaît leur origine : les diverses formes de répertoires, en fascicules ou sur fiches, ont été conçues en un temps où les supports de l’information secondaire étaient organisés en fonction de leur rareté. Ce n’est plus du tout ainsi que tout un chacun, quidam ou universitaire de haut niveau, cherche et surtout trouve de l’information sur Internet.

Si l’on inventait aujourd’hui les catalogues de bibliothèques, on s’y prendrait bien sûr autrement. Tout d’abord, on ne condamnerait pas les interrogateurs au silence sous prétexte de leur éviter le bruit 2. Cette crainte étant enfin levée, on se rappellerait que les internautes ont essentiellement deux façons de chercher : par texte libre en langage naturel ou par thème.

La première est majoritaire. Elle suppose que l’on puisse chercher sur le texte intégral, ou, à défaut, sur les résumés et les tables des matières. Le langage de l’interrogateur sera toujours plus proche de celui du document susceptible de l’intéresser que cet intermédiaire codifié qu’est un langage documentaire précoordonné.

Mais la seconde façon de chercher a aussi son intérêt. Les bibliothécaires ont au moins un mérite : ils classent leurs documents. Certains même entretenaient, avant l’informatisation, des catalogues systématiques dont les fiches étaient rangées selon l’ordre d’une classification. Ils ont donc les données nécessaires pour proposer à leurs usagers des recherches arborescentes, pour peu que des interfaces idoines soient élaborées. Selon le même principe, d’autres accès thématiques peuvent être imaginés, qui sont autant de vues vers la collection permettant de la balayer sans avoir à formuler une requête. C’est l’équivalent sur écran de la déambulation dans les rayons d’une collection organisée qu’on avait bellement désigné par l’expression « libre accès ».

Autrement dit : l’utilisateur peut parler en langage naturel, mais il ne parle pas le langage documentaire ; ce dernier doit donc être préformulé, notamment sous forme d’arborescence. Quelques fournisseurs nord-américains de systèmes intégrés de gestion de bibliothèque (SIGB) proposent d’ailleurs des recherches guidées selon ce principe, en particulier dans des interfaces pour enfants.

Nous sommes quelques-uns à avoir, en novembre 2002, lancé un petit manifeste (voir encadré). Il n’a pas de nom, ou plutôt il en a plusieurs. L’un d’entre eux est à la fois politiquement incorrect (il comporte un nom de marque) et jargonnant, mais c’est lui qui est le plus utilisé : « les Opac à la Yahoo ».

Les Opac à la Yahoo

Convaincus que :

  • l’important n’est pas de chercher mais de trouver,
  • le silence est pire que le bruit,
  • le libre accès aux rayonnages doit trouver son équivalent sur un écran,
  • les annuaires de sites et ressources du web sont un modèle à suivre,

les conjurés suivants sont résolus à explorer toutes les possibilités offertes par leurs logiciels et interfaces de bibliothèque actuels et futurs pour fournir au public des accès thématiques aux catalogues.

Signataires au 11 avril 2005 :

  • Aline Calenge, Bibliothèque départementale de Saône-et-Loire
  • Alain Caraco, directeur des bibliothèques municipales de Chambéry (Savoie)
  • Quentin Chevillon, Bibliothèque municipale de Saint-Cyr-l’École (Yvelines)
  • Victoria Courtois, responsable NTIC à la Bibliothèque départementale du Val-d’Oise
  • Élisabeth Derderian, Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne (Rhône)
  • Sylvain Fontaine, Médiathèque des Ulis (Essonne)
  • Régis Faivre, directeur de la Bibliothèque départementale du Doubs
  • Michel Fauchié, chargé de développement TIC/Multimédia, Médiathèques de La Roche-sur-Yon (Vendée)
  • Dominique Lahary, directeur de la Bibliothèque départementale du Val-d’Oise
  • Daniel Le Goff, directeur de la Bibliothèque départementale de prêt de l’Aisne
  • François Lemarchand, directeur de la Médiathèque d’Agneaux (Manche)
  • Pierre Louis, directeur de la Bibliothèque municipale de Metz (Moselle)
  • Marie-Christine Pascal, directrice de la Bibliothèque municipale de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire)
  • Richard Roy, Bibliothèque municipale de Reims (Marne)

Publié sur : http://membres.lycos.fr/vacher/profess/accesweb.htm

    J’avais, lors d’une journée d’étude en mai 2000, montré que la page d’accueil de ce service bien connu était l’exact équivalent, sur un écran, d’une bibliothèque en libre accès 3. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : le répertoire de Yahoo n’occupe guère qu’une portion congrue tout en bas d’une page où explosent les services, dont un moteur de recherche. Mais les recherches thématiques arborescentes continuent à être proposées par de nombreux portails de recherche.

    Que veulent les conjurés ? Deux choses :

    • populariser le concept ;
    • le mettre en application.

    Des applications, il y en a. Richard Roy en tient la chronique sur la Toile 4. Au moins deux fournisseurs de SIGB propriétaires proposent désormais des accès thématiques : Opsys pour son logiciel Aloès (Bibliothèque départementale de l’Aisne 5, Bibliothèque municipale de Dijon 6) et Decalog pour son logiciel Paprika (Bibliothèque municipale de Vienne 7et plusieurs centres culturels français à l’étranger). Les promoteurs de deux SIGB libres, Koha 8 et PMB 9, ont également inclus, dans leur Opac, la recherche arborescente.

    D’autres implémentations sont réalisées au niveau des interfaces d’interrogation, sans lien direct avec les SIGB. C’est le cas du travail effectué par la société Archimed pour l’Opac de la Bibliothèque municipale de Reims (SIGB Absys). À la Bibliothèque départementale du Val-d’Oise, une adaptation de l’interface DRAweb (SIGB MultiLIS) donne accès à une recherche thématique sur les albums et sur les enregistrements sonores pour la jeunesse 10. Quant au logiciel libre d’interconnexion de catalogue MoCCAM 11, il propose également une recherche arborescente selon la classification Dewey.

    À chacun s’il lui chante de s’emparer de cette idée et de la faire vivre, selon ses moyens et compétences.

    « J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin », avait écrit un Victor Hugo 12 osant substituer un rythme ternaire à la sacro-sainte césure à l’hémistiche. Si nous arrivions, tous ensemble, à disloquer ce grand dadais de catalogue en ligne, ne rendrions-nous pas un fier service à ses utilisateurs ?

    Avril 2005