Stratégie éditoriale de la BM de Lyon

Le nécessaire et le suffisant

Gilles Éboli

La Bibliothèque municipale de Lyon éditorialise bon nombre de ses activités en print et en numérique, mais cette éditorialisation fait-elle sens et donc stratégie ? À travers les activités d’édition classiques (catalogues d’exposition, éditions et revue savantes) ou plus innovantes (magazine, webzine, service de questions / réponses), l’itinéraire suivi décrit la présence effective du nécessaire à l’existence d’une politique éditoriale et se clôt par une interrogation sur le suffisant en guise de pistes et voie de développement.

Lyon Municipal Library manages much content related to its activities in print and digital form, but does the process make sense and form a cogent strategy? From typical publishing activities such as exhibition catalogues, publications, and scholarly journals to more innovative forms such as magazines, webzines, and an “ask a librarian” service, the article identifies the existence of a publishing policy as the bare minimum required and concludes with an exploration of paths for future development.

Multiforme, l’activité éditoriale de la Bibliothèque municipale de Lyon (BmL) s’articule depuis plusieurs années maintenant autour de quelques axes forts, régulièrement revisités, mais qui tirent une bonne part de leur pertinence dans leur cohérence à laquelle s’ajoute – ce n’est pas à négliger dans ce domaine – leur durée. La cohérence, c’est celle que donne (action culturelle, politique documentaire…) le projet d’établissement ; la durée, c’est celle que s’est donnée la Ville en matière de lecture publique, avec l’affirmation d’une volonté à l’œuvre sur plusieurs mandats et dans une constance de direction. Toutefois, cette articulation et ces axes font-ils stratégie ? L’établissement a-t-il su et sait-il réunir le nécessaire et le suffisant pour la définition d’une stratégie éditoriale, son écriture et sa mise en œuvre ?

Sans verser dans l’autocélébration mais avec la volonté de rendre un hommage appuyé aux prédécesseurs (sans remonter à Henri-Jean Martin – qu’on évoquera toutefois –, je pense à Patrick Bazin et à Bertrand Calenge dont je reprends ici bien des vues  1), on peut soutenir que le nécessaire, au cours des années, a bien été réuni et c’est ce qu’on voudrait examiner pas à pas, support par support et activité par activité, pour cerner un premier contour de cette stratégie. Ce parcours nous permettra de nous interroger ensuite sur le suffisant, le but étant, à nouveau, non pas de s’autoflageller au cas bien probable d’insuffisances, d’« en cours » et d’inachevés, mais d’annoncer peut-être, après examen donc et pour clore l’itinéraire, quelques pistes de développement.

Listons rapidement périmètres et supports traditionnels : signalement et valorisation (catalogues et bibliographies, éditions scientifiques et beaux livres, revues et bulletins d’information), événementiel (catalogues et livrets d’exposition, actes de colloques et journées d’étude, recueils de textes produits par l’action culturelle), édition numérique (catalogue en ligne, bibliothèque numérique, expositions virtuelles, dossiers éducatifs en ligne, conférences filmées, blogs, webzine), tout l’arsenal bien décortiqué par le mémoire d’Elsa Gabaude  2 est au rendez-vous. Pour des raisons que chacun devinera, nous nous limiterons à quelques pièces seulement de cet arsenal, nécessaires et suffisantes, elles, pour rendre compte de l’essentiel. Ici, nous n’oublierons donc pas en première approche les catalogues venant en appui des divers colloques et expositions auxquels l’institution participe ou qu’elle organise directement (nous n’abordons cependant pas les éditions à usage purement interne : intranet, lettres d’information, blogs documentaires…), ni les éditions de l’IHL (Institut d’histoire du livre, auquel la BmL participe activement), ni enfin Gryphe, la revue « patrimoniale » de la BmL. Nous aborderons dans un second temps des éléments peut-être plus constitutifs du projet lyonnais, à savoir Topo (le magazine de la Bibliothèque), L’influx (son webzine), que compléteront, pour leur partie production de contenus, le Guichet du Savoir (le service questions/réponses de la BmL) et Numelyo (la bibliothèque numérique de Lyon).

Catalogues

L’activité d’édition de catalogues d’expositions et d’actes de colloques (nous éludons bibliographies, livrets d’accompagnement et autres outils de communication plus quotidiens, par manque de place et non d’intérêt, on l’aura compris) a connu ces dix dernières années un ralentissement significatif. L’impact du numérique sur le print s’ajoute ici à des environnements budgétaires moins porteurs, comme au constat parfois amer pour les bibliothèques, tiré à la vue des trop nombreux exemplaires (on n’ose pas dire « invendus ») toujours en place sur leurs rayonnages après de trop nombreuses années : des publications coûteuses, chronophages, qu’on ne sait pas distribuer et qui n’ont pas de public. Constat en réalité bien sévère que viendra tempérer un projet éditorial plus adapté, sinon plus humble, en tout cas revisité et hybridé.

Trois exemples récents avec Shadi Ghadirian : rétrospective 3 tout d’abord, catalogue accompagnant l’exposition consacrée à cette jeune et talentueuse photographe iranienne. Ici, les arguments sont faciles : la photographie qui appelle d’évidence le papier, le thème ensuite d’une actualité grandement partagée (la femme en Iran aujourd’hui) et constatée puisque le catalogue a été largement diffusé et vendu, le fait ensuite qu’un mécène en ait assuré financièrement la charge.

Lyon sur tous les fronts : une ville dans la grande guerre ensuite  4. On retrouve ici d’autres grands ressorts des politiques éditoriales des bibliothèques : la commémoration (centenaire 14-18), le signalement (l’exposition reposait sur un fonds spécifique de la BmL, créé par le maire Édouard Herriot dès avant la fin du conflit) et la valorisation (exposition) d’un fonds.

Dernière illustration avec Les arts du texte : la révolution du livre autour de 1500 5. Autre schéma classique de bibliothèque patrimoniale, dans un format plus « fonds ancien et histoire du livre » qu’on s’attend bien à trouver à Lyon, sur les terres d’Henri-Jean Martin, pour l’apparition du livre. Particularité éditoriale, le catalogue est publié en partenariat avec la bibliothèque universitaire de Leipzig qui l’a aimablement et entièrement financé… Hommage était aussi rendu à Henri-Jean Martin, une journée d’étude ponctuant le projet à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition. Enfin, singularité lyonnaise, pour la première fois de son histoire, la totalité des livres exposés, numérisés par Google, étaient accessibles sur le site de l’exposition complétant le catalogue. Rappelons du coup une évidence qui ne l’est pas : toutes les expositions ont leur versant numérique sur Numelyo 6 (voir supra) ; et soulignons aussi une valorisation revisitée par le projet d’établissement avec cette mise à l’heure des échanges internationaux et de la révolution numérique.

L’Institut d’histoire du livre

Aussi singulières et encore une fois très lyonnaises, les éditions liées à l’Institut d’histoire du livre (IHL). Imaginé dès les années 1960 par Henri-Jean Martin (encore lui !), finalement créé à Lyon en 2001, l’Institut regroupe autour de la BmL plusieurs institutions ayant une tradition d’excellence dans le domaine du livre et de l’écrit : le Musée de l’imprimerie et de la communication graphique, ancien service de la BmL, dont les collections témoignent de l’importance de Lyon dans l’histoire de la production imprimée depuis le XVe siècle, ainsi que trois grandes écoles, l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib) à Villeurbanne, l’École nationale des chartes à Paris et l’École normale supérieure (ENS) de Lyon. Citons : « L’Institut d’histoire du livre privilégie une approche comparatiste mettant l’accent sur les échanges et les transferts culturels. Son rôle est d’offrir un cadre interdisciplinaire favorisant le développement de travaux dont l’objet, au-delà de l’histoire du livre au sens strict du terme, concerne la communication écrite. […] L’Institut d’histoire du livre souhaite également contribuer au rayonnement du patrimoine écrit de la ville de Lyon…  7 »

Dans ce cadre, une activité éditoriale est naturellement, pour ainsi dire, venue se greffer sur l’IHL en partenariat, naturel dira-t-on encore, avec les éditions de l’ENS. À la clé, une collection, « Métamorphoses du livre », dirigée par Dominique Varry, riche aujourd’hui d’une petite quinzaine de titres qui illustrent bien à eux seuls le projet : L’Écho de la fabrique : naissance de la presse ouvrière à Lyon, 1831-1834 ; L’hébreu dans le livre lyonnais au XVIe siècle ; L’imprimerie : histoire et techniques ; Éditer Rousseau : enjeux d’un corpus (1750-2012), etc. La collection est dirigée par l’IHL mais toute la gestion logistique revient aux éditions de l’ENS, l’Institut contribuant financièrement à l’équilibre financier de cette entreprise éditoriale bien caractérisée et pour tout dire indispensable dans le domaine de l’histoire du livre pour lequel la BmL est pôle associé de la BnF.

Gryphe

Gryphe, revue de la Bibliothèque municipale de Lyon, est lancée en 2000, en collaboration avec l’Association des Amis des Bibliothèques de Lyon d’alors sur une formule éditoriale innovante dans l’univers des bibliothèques et ne faisant pas l’économie d’objectifs apparemment contradictoires : « valoriser les collections de la BmL sans tomber dans un localisme excessif… proposer des articles scientifiquement irréprochables tout en ne rebutant pas le large public des amateurs éclairés grâce à des textes courts, percutants et bien illustrés », écrivait Patrick Bazin. Autre innovation, pour les bibliothèques évidemment : le rédacteur en chef n’est pas bibliothécaire mais… journaliste !

Une courte histoire pour cette revue mais avec d’ores et déjà des rebonds : un changement de formule à l’été 2009, la revue passant à une périodicité semestrielle et doublant sa pagination, tout en conservant une large place à l’iconographie et en mettant une thématique à l’honneur dans chaque numéro. Mais seul le numéro 22, Pouvoir de l’image, image du pouvoir, paru en juin 2009, illustre cette nouvelle formule, puisque la parution s’interrompt… immédiatement ! Il faut attendre juin 2013 pour voir Gryphe renaître de ses cendres avec un projet affiné dans tous les sens du terme : de nouveaux concours d’abord prenant le relais de l’ancienne Association, avec l’IHL et l’Enssib ; une mise en cohérence ensuite des actions comme des projets : le numéro 23 de Gryphe s’annonce dans son éditorial résolument en phase avec… Numelyo, la bibliothèque numérique qui vient d’ouvrir, et avec les expositions et événementiels (en juin 2013 Ré-création, un événement jeunesse venant un peu bousculer, quoique, les habitudes éditoriales de la revue qui devient annuelle). Et à nouveau, à l’aune du projet, excellence numérique et valorisation patrimoniale pour étayer un modèle lyonnais.

Topo

Topo, le magazine de la BmL  8, vient tout juste en cette année 2018 d’effectuer une nouvelle mue avec son numéro… 133 ! Particularité essentielle de ce magazine : c’est un magazine ! De plus, ce magazine de bibliothèque est écrit… par des bibliothécaires (près de 120 contributeurs) ! Ces deux précisions ne sont pas de pure forme : elles renvoient de fait à un modèle de bibliothèque comme à un modèle, si on peut dire, de bibliothécaire. Ce modèle de bibliothèque confirme l’établissement dans son rôle de médium, médium actif et engagé, au bon sens du terme, et au service des publics.

Mais de quel service parle-t-on ? Il s’agit ici en fait d’un service qui a toujours existé et qui est la base même des bibliothèques mais que la révolution numérique a remis en perspective, sinon à l’ordre du jour. En effet, l’envahissement du virtuel conduit la bibliothèque, en perte de monopole d’accès à l’information, à davantage se concentrer désormais sur un accès équitable, citoyen, à tous les savoirs disponibles : de façon à première vue paradoxale, cette mission peut prendre d’abord la forme d’une création de rareté, d’une curation, comme on voudra. Exemple typique à la BmL : à l’heure où finalement Google démonopolise la collection d’imprimés de la BmL, celle-ci crée Numelyo : une bibliothèque numérique de médiation – ce que n’est pas bien évidemment Google Livres – traçant des chemins pour mieux partager, inviter à la découverte, ouvrir des appétits, bref, créer de l’envie en créant de la rareté.

On va revenir sur Numelyo mais on devine l’impact sur le métier : pour créer cette envie, le bibliothécaire doit éditorialiser la production acquise (ou pas), écrire ses choix, les porter pour le public… exercice d’engagement et de transparence professionnels inhabituel, même si les textes ne sont pas signés mais assumés collectivement par l’établissement et sa direction. Topo, comme toute la politique éditoriale de la BmL, rend compte de ce projet cinq fois par an auprès de 15 000 lecteurs. Et le cahier des charges de sa récente refonte a voulu renforcer ce point qui en est l’essence. Certes, Topo comporte un agenda recensant l’ensemble des rendez-vous proposés par les 16 bibliothèques du réseau ; certes encore, Topo comporte une partie « Bm pratique » donnant les clés d’usage desdites 16 bibliothèques ; certes enfin, « photo.bm » met en avant dans Topo les richesses du patrimoine, ici photographique ; mais l’essentiel et la singularité du projet résident bien dans la partie éditoriale, magazine, dans les articles écrits par les 120 bibliothécaires (au sens générique du terme) contributeurs qui éditorialisent collections, services et rendez-vous de la BmL.

L’Influx

L’influx, webzine de la BmL  9, est lancé en 2017 : son origine remonte à avril 2006 quand la BmL mettait en ligne un magazine d’actualité intitulé Points d’actu ! et sous-titré « des repères pour comprendre l’actualité ». C’est, on le devine, une suite logique du Guichet du Savoir (cf. infra) : celui-ci étant basé sur la demande, Points d’actu reposera, lui, sur l’offre, le public visé restant le même et relevant de la sphère de l’« honnêteté culturelle ». Comme Points d’actu et Topo, L’influx se présente comme un magazine, organisé en rubriques thématiques. Traitant de sujets d’actualité, il « fonctionne comme un signal, une mise en perspective d’un événement ou d’une thématique vus à travers les collections et les compétences des bibliothécaires ».

Destiné à tout public, L’influx se positionne comme un agitateur de neurones qui apporte un éclairage ou un approfondissement sur une actualité locale, nationale ou internationale. Aussi, neuf thématiques ont été sélectionnées afin de proposer un champ de réflexion le plus large possible : Sciences et numérique, Santé, Société et idées, Musique, Arts, Arts vivants, Littérature, Mondes, Lyon et région.

Quelques règles éditoriales sont observées : avec pour première règle de jouer sur la temporalité, les bibliothécaires – contrairement aux journalistes – pouvant s’appuyer sur une épaisseur chronologique à portée de main dans leurs collections. La deuxième règle découle de la première avec la mise en perspective de l’actualité étudiée. De ce point de vue, les bibliothèques sont particulièrement bien placées, qui brassent la mémoire documentaire de la société. Troisième règle, faire preuve d’une originalité dans le choix du point de vue…

Le processus de médiation induit par L’influx avait également conduit Bertrand Calenge et les équipes à affronter deux questions essentielles : l’exposition du bibliothécaire, et la définition de son métier. Les bibliothécaires n’empiètent-ils pas sur le métier de journaliste, voire sur celui d’éditeur ? « Il a d’abord fallu rassurer », a pu écrire Bertrand : non, un bibliothécaire ne devient pas un journaliste, il met en perspective les recommandations qu’il propose, celles générées par l’actualité comme les autres. Il n’a pas non plus les mêmes contraintes d’innovation permanente. Il dispose surtout de deux énormes atouts : les quantités de savoirs qu’il acquiert et traite, ainsi que sa connaissance fine d’une population qu’il rencontre chaque jour.

Le Guichet du Savoir

Emblématique de l’offre BmL, Le Guichet du Savoir 10 participe aussi, évidemment, d’une politique éditoriale et il faut revenir sur sa genèse en 2004 et son état des lieux un quart de siècle plus tard. Le Guichet ouvre en mars 2004 et sa naissance se place à une croisée de chemins bibliothéconomiques. Tout d’abord, le glissement observé dans ces années charnières, de la notice du livre au contenu même du livre (pour aller vite). Ce glissement questionnait alors les bibliothèques à un double titre : « Proposent-elles seulement des documents secondaires (les notices) et des contenants (les documents primaires), ou sont-elles capables de se positionner par rapport à des contenus, donc à entrer dans les documents eux-mêmes ? Sont-elles seulement des metteurs en ordre d’un savoir codifié (via les classements et les catalogues) ou sont-elles capables d’inventer de nouvelles modalités d’accès à ces contenus  11 ? »

Dans le même temps, un déficit de l’offre était relevé avec une interrogation sur les raisons d’un fléchissement de la proportion de la population emprunteuse dans les bibliothèques municipales. C’est pour répondre à ce double défi que Le Guichet du Savoir fut élaboré fin 2003 sur cinq principes essentiels : la non-discrimination du public et de ses questions, la fourniture d’une réponse précise et argumentée, la garantie d’un délai maximal de réponse, la publication de l’ensemble des questions et réponses et enfin la mobilisation de tous les bibliothécaires pour ce service.

Au bout d’un an de fonctionnement, Le Guichet du Savoir avait ainsi répondu à environ 4 800 questions de tous ordres, les questions et réponses étant accessibles en ligne et pouvant connaître plus de 450 000 lectures en un an ! En 2018, le nombre de questions/réponses a conservé le même rythme (après un premier lifting en 2012 pour cause de fléchissement, un second est d’ores et déjà programmé, pour les mêmes raisons) et la totalité des réponses conservées dans le réservoir du Guichet dépasse aujourd’hui les 65 000 unités. Inutile sans doute de développer sur ce sujet déjà bien connu, si ce n’est pour redire l’élan initiateur à tous points de vue du Guichet, avec le principe contributeur qui va s’enchaîner logiquement et nourrir L’influx, ou, on va le voir, Numelyo.

Numelyo

Fallait-il inclure Numelyo, la bibliothèque numérique de la BmL  12, dans la stratégie éditoriale de l’établissement ? Sans aucun doute, et on peut même dire que Numelyo à elle seule rend compte de cette stratégie. Petit point tout d’abord sur l’affaire Google qui a permis Numelyo. L’affaire, c’est donc cet accord, tant décrié à l’époque (2007-2008), passé par la Ville de Lyon avec Google pour la numérisation de la (quasi) totalité de son fonds imprimé (1450-1920), soit 430 000 volumes. Terminée en décembre 2017, cette opération a rendu disponible sur Google Livres ladite collection, première mondiale pour une bibliothèque publique de cette envergure. Les documents étant désormais disponibles sur Google Livres, quelle stratégie conduit alors la BmL à vouloir Numelyo ? Tout simplement sa nature comme son projet : sa nature, c’est la mission de service public que la Ville se doit d’accomplir autour de cette numérisation. En clair, contextualiser ces œuvres numérisées, les inclure dans des parcours de découverte, bref, accompagner le plus large public pour un vrai partage de son propre patrimoine. C’est une donnée que Google n’a pas prise en compte et un défi que le service public se devait de relever, et pas seulement en réponse aux attaques dont le contrat a pu faire l’objet.

Nous sommes bien ici au cœur d’un projet et d’une stratégie sinon d’édition du moins d’éditorialisation. Parce qu’encore Numelyo répond au projet de l’établissement dans son affirmation d’un nouveau modèle lyonnais : « Il est donc proposé d’établir les fondations de ce modèle tout d’abord sur l’innovation numérique : cette orientation (après le Guichet du Savoir, les Points d’actu, Google…) n’étonnera pas. […] Une priorité à Lyon : la collection avec pour la première fois en Europe la quasi-totalité d’une bibliothèque patrimoniale numérisée. L’enjeu ? Comme dans l’univers matériel, porter une collection qu’il ne suffit pas de ranger sur des rayonnages, même virtuels, auprès du plus large public pour un véritable partage des savoirs. Comment ? Par une médiation numérique faite de contextualisation, de propositions de parcours découvertes avec des Heures de la découverte numériques, etc. […] Deuxième orientation dans un domaine attendu mais revisité : la valorisation patrimoniale. Sur des thématiques fortes liées à l’histoire de la Cité comme à son présent et son avenir (Renaissance, religion, mémoires ouvrières, innovation…), en lien avec la programmation comme avec la numérisation, l’objectif sera de multiplier les propositions plaçant le public en position d’acteur, de diversifier les angles de lecture et d’appropriation par un métissage des formes de la monstration et de la restitution  13. »

On voit poindre ici, et c’est aussi un thème du projet d’établissement, la notion de participation : on l’a vue à l’œuvre en interne avec cette figure de bibliothécaires contributeurs/producteurs de contenus dans la trilogie Topo/L’influx/Le Guichet du Savoir. Elle est encore sollicitée et bien présente dans Numelyo : à travers les appels à contribution en termes de signalement mais aussi à travers… la production de contenus par les publics eux-mêmes. C’est tout le projet et la singularité de Photographes en Rhône-Alpes, créé sur un mode participatif et que la BmL éditorialise : un autre univers en termes de stratégie éditoriale que nous ne pouvons ici qu’évoquer  14.

Au terme de cet itinéraire, il faut tenir notre engagement et nous interroger, après le nécessaire, sur le suffisant. Clairement, beaucoup de chemin a été fait mais il reste quelques encablures : lesquelles ? En première analyse, un chaînon manquant peut apparaître entre un projet d’établissement, publié, et des actions éditoriales, réalisées : en clair, l’écriture d’une déclinaison éditoriale du projet d’établissement permettrait de gagner en lisibilité et en cohérence comme en stratégie de développement : il en va d’ailleurs de même pour les déclinaisons « politique documentaire » et « action culturelle », en cours. Cette déclinaison éditoriale pointerait sans doute quelques lacunes ou « non-dits » de la stratégie en cours : quid d’un Topo en ligne en lieu et place de l’actuel PDF en disant pour quoi faire et comment ? Faut-il envisager un Topo junior (pour quoi faire et comment…) ? Nous avons dit que l’espace de cet article ne permettrait pas d’inclure la problématique du site (et pourtant ! http://www.bm-lyon.fr), de la politique des réseaux sociaux (et pourtant !), de la définition exacte des liens et rapports devant animer print et numérique, des tensions latentes entre stratégie de marque et stratégie d’établissement, entre stratégie centrale et besoins de la proximité, etc. Enfin, sur la diffusion, beaucoup reste à dire et à faire pour que les supports atteignent leurs lecteurs au-delà des circuits courts locaux. Quelques pistes de réflexion déjà empruntées et d’actions pour les années à venir à mener…