5es Rencontres artlibraries.net

Hélène Raymond

Les 5es Rencontres artlibraries.net se sont tenues à Paris du 27 au 29 septembre 2012  1. Co-organisées par les membres d’artlibraries.net, ces rencontres ont été accueillies jeudi 27 par le Centre allemand d’histoire de l’art, voisin de l’INHA (Institut national d’histoire de l’art), et vendredi 28 par le musée des Arts décoratifs. Le troisième et dernier jour était consacré, selon la jeune tradition de ces rencontres, à la visite d’institutions partenaires, soit par leur participation effective au collectif artlibraries.net, soit par leur vocation à y participer.

Une thématique centrale a structuré le déroulement des conférences pour chacune des deux journées. Au Centre allemand d’histoire de l’art, les réflexions se sont plus particulièrement tournées vers les questions de l’accès aux ressources de la discipline et de l’évolution des collections des bibliothèques d’art, à l’heure du numérique. Aux Arts décoratifs, les débats se sont recentrés sur l’évolution actuelle du catalogue collectif d’artlibraries.net  2, laquelle est fortement déterminée par l’objectif de constituer un outil international de référence bibliographique en histoire de l’art qui poursuive, sous l’appellation de Future of Art Bibliography (FAB), la Bibliographie d’histoire de l’art interrompue en 2010  3.

L’unité de temps et de lieu que les rencontres artlibrairies.net donnent aux échanges permet de marquer les étapes d’un travail international de mise à disposition de contenus affranchis, sur le web, des contraintes spatiales et temporelles. Chaque contribution apporte à l’ensemble des professionnels et des institutions participantes les informations nécessaires aux prises de décision. En ce sens, elles s’adressent prioritairement aux membres actifs ou aux membres potentiels du collectif artlibraries.net. Mais elles sont également des moments de réflexion plus largement ouverts à tous les publics intéressés par l’évolution des outils de recherche en histoire de l’art et par les problématiques de collaboration internationale pour le référencement et la mise en valeur sur le web des bases de données des bibliothèques.

Quels nouveaux outils pour les chercheurs en histoire de l’art ?

Les réalisations en cours dans ce domaine ont été exposées lors de la session inaugurale : « Projets en cours de la communauté d’artlibraries.net », présidée par Rüdiger Hoyer, directeur de la bibliothèque du Zentralinstitut für Kunstgeschichte de Munich.

C’est tout d’abord le Getty Research Portal  4, lancé au printemps 2012  5, qui fut présenté par Kathleen Salomon, directrice adjointe du Getty Research Institut de Los Angeles. Ce portail, qui rassemble actuellement neuf bibliothèques partenaires, donne accès à leurs ressources numérisées en histoire de l’art quand elles sont libres de droits. Ainsi, à travers lui, l’utilisateur est-il conduit vers les plateformes de consultation des bibliothèques numériques de chaque partenaire, jusqu’à un accès au texte intégral des sources sous forme d’ebooks, consultables en ligne et téléchargeables.

C’est ensuite sur les questions de l’archivage du web et de l’évolution des sources primaires de la recherche en histoire de l’art que se sont portées les interventions, suscitant des discussions sur la redéfinition du statut de l’archive quand les procédures de moissonnage se substituent aux pratiques du choix et du classement qui fondent la constitution de l’archive. Paulo Leitão, responsable de la bibliothèque d’art du musée Calouste Gulbenkian à Lisbonne, a présenté le portail d’archivage national Portuguese Web Archive  6 qui, en permettant des recherches par discipline, devient une source importante pour les historiens d’art.

Puis Deborah Kempe, responsable des collections et de la valorisation à la bibliothèque du Frick Art Reference de New York et présidente de la Société des bibliothèques d’art d’Amérique du Nord, a présenté le projet « Reframing Collections for a Digital Age  7 », dont elle est responsable pour le New York Art Resources Consortium  8. Face à l’évolution des techniques d’édition et de diffusion des catalogues de vente, cartons d’invitation de galeries d’art, catalogues d’expositions temporaires et autres ephemera qui circulent aujourd’hui de façon massive et souvent exclusive sous forme numérique, le projet cherche notamment à écarter le danger du « trou noir digital » dans la documentation sur l’art qui se formera si un archivage pérenne de ces sources n’est pas mis en place.

Enfin, Olivier Bonfait, professeur d’histoire de l’art moderne à l’université de Bourgogne, président de l’APAHAU (Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités  9) et rédacteur en chef de la revue de l’INHA, Perspective, a conclu cette première journée en apportant le point de vue du chercheur. Il a notamment voulu affirmer les principes d’universalité et de gratuité d’accès à la bibliographie d’histoire de l’art dont l’élaboration sous-tend les travaux d’artlibraries.net, rappeler l’importance du critère chronologique en soutenant la possibilité, pour l’utilisateur, de classer les sources par périodes artistiques, et proposer un modèle collaboratif de référencement des publications qui pourrait inclure les contributions des chercheurs.

Quelle nouvelle structure pour artlibraries.net ?

L’ouverture de la seconde journée est revenue à Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France et d’Europeana, qui a présenté les projets de la Bibliothèque numérique européenne  10  : renforcement de sa dimension scientifique, constitution d’un corpus sur la Grande Guerre, projet Regia d’un corpus de manuscrits royaux du Moyen-Âge et prise en main par le projet Arrow de la gestion des droits des contenus numérisés. Par la dimension internationale de ces projets et par leur ambition, la contribution de Bruno Racine a su introduire la thématique de la journée « Future of Art Bibliography et artlibraries.net : un accès disciplinaire aux ressources globales », conduite par Véronique Goncerut Estèbe, conservatrice au musée d’Art et d’Histoire de Genève.

Tout d’abord, dans la perspective de dresser un état des lieux propice à la réflexion sur l’évolution du Virtual Catalogue for Art History, Jan Simane, directeur de la bibliothèque du Kunsthistorisches Institut de Florence  11 et président de la section « Bibliothèques d’art » de l’Ifla, a rappelé les objectifs fondateurs du collectif artlibraries.net et les contraintes économiques auxquelles il doit faire face au moment où le projet du Future of Art Bibliography demande un accroissement de la structure actuelle de son catalogue et une meilleure visibilité de ses services pour la communauté des historiens d’art à laquelle il s’adresse.

La solution proposée d’une entrée du catalogue d’artlibraires.net dans OCLC a ensuite été exposée par Eric van Lubeek, directeur général d’OCLC Europe, Bruce Washburn, ingénieur-conseil en informatique d’OCLC Recherche en Californie, et Janifer Gatenby, responsable du programme « Metadata » d’OCLC Leiden aux Pays-Bas. Permise par l’utilisation du module API  12, la création sous WorldCat d’un groupement de bibliothèques spécialisées en histoire de l’art permettra de passer de la structure actuelle du métacatalogue d’artlibraries.net, dont la multiplication des cibles rend longues et peu souples les procédures de recherche, à une structure appuyée sur la puissante infrastructure et sur la base de données unifiée de WorldCat.

Enfin Uwe Dierolf, directeur assistant du département IT du Karlsruhe Institute of Technology, a présenté le module « Art Libraries Discovery Experiment  13 », qui opère de façon encore expérimentale, et à titre d’exemple, la fusion du catalogue d’artlibraries.net dans WorldCat, tout en maintenant un périmètre délimité et identifiable des bibliothèques d’art participantes. L’étape suivante consistant en l’intégration des bibliothèques, essentiellement européennes, participant d’artlibraries.net mais non encore présentes dans WolrdCat.

En conclusion, c’est d’abord la bibliothèque comme lieu d’élection de la recherche qui a été mise à l’honneur par Martine Poulain, directrice de la bibliothèque de l’INHA, dans sa présentation des tenants et aboutissants documentaires et spatiaux de la nouvelle bibliothèque de l’INHA. Son ouverture à l’horizon 2015 dans la prestigieuse salle Labrouste verra la mise à disposition en libre accès de 250 000 documents engageant, par l’excellence de l’outil et sa grande capacité d’accueil, une nouvelle période pour la recherche en histoire de l’art en France. Puis, c’est la place centrale tenue par les chercheurs dans tous les projets d’artlibraries.net qui a été affirmée par Irena Murray, directrice de la British Architectural Library au Royal Institute of British Architecs, à Londres, ouvrant, pour finir, la réflexion sur la question, présente en creux tout au long des discussions, des nouvelles générations de chercheurs en histoire de l’art et de l’évolution de leurs pratiques que les bibliothèques doivent à la fois projeter et accompagner. •