2es Rencontres européennes de la littérature pour la jeunesse

Céline Meyer

Les 2es Rencontres européennes de la littérature pour la jeunesse se sont tenues à la Bibliothèque nationale de France (BnF) le 3 décembre dernier. Créées à l’initiative de La Joie par les livres et de la section française d’Ibby (International Board on Books for Young People) 1, ces rencontres sont désormais biennales. La première édition avait eu lieu les 27 et 28 novembre 2008  2

Les rencontres, ouvertes par Jacqueline Sanson et par l’écrivain Anne-Marie Garat, ont commencé par l’exploration des chemins de la création en Europe. Nous avons suivi la circulation des textes et des auteurs du XIXe siècle à nos jours et nous sommes entrés dans trois grandes écoles d’art européennes, de Barcelone à Bratislava.

Circulation des textes et des auteurs en Europe, du XIXe siècle à nos jours

Avec beaucoup d’humour, Mathilde Lévêque a exhumé le premier auteur de best-sellers en Europe, deux cents ans avant J.K. Rowling et Harry Potter : le chanoine Schmid (1768-1854). Aujourd’hui tombé dans l’oubli, il fut pourtant l’un des écrivains pour enfants les plus lus et les plus traduits au XIXe siècle, loin devant la Comtesse de Ségur et Jules Verne. Un exemple intéressant pour comprendre comment s’est construit un classique européen, esthétique conformiste, exportable, à la croisée de plusieurs modèles littéraires.

Plus proche de nous, Tomi Ungerer fut présenté par Christine Hélot comme un auteur polyglotte qui n’a pas ses langues dans sa poche. Celui qui écrit aussi bien en français qu’en allemand, en anglais ou en alsacien, a toujours refusé de répondre à la question : « Dans quelle langue écrivez-vous en premier ? » Cet éclairage très bien documenté sur le plurilinguisme de Tomi Ungerer permet de prendre conscience du lien consubstantiel entre langue et culture, langue et histoire, langue et créativité.

Bart Moeyaert, auteur plusieurs fois récompensé, traduit dans dix-sept langues et lui-même traducteur, a exposé quant à lui son parcours original et sa vision du livre jeunesse en Europe. Il a insisté sur la regrettable disparition des critiques de livres pour enfants dans les grands journaux.

Styles, enseignements et influences de grandes écoles d’art européennes

Arnal Ballester, Bernd Mölck-Tassel et Dušan Kállay sont trois professeurs d’illustration, mais aussi d’éminents illustrateurs. Ils enseignent respectivement à l’Escola Massana, l’école d’art et de design de Barcelone, à la Haute École des sciences appliquées de Hambourg et aux Beaux-Arts de Bratislava. Après avoir nous avoir é-m-e-r-v-e-i-l-l-é-s par leur œuvre et par les travaux de leurs étudiants, ils ont reconnu qu’il est difficile d’enseigner l’illustration lorsque l’on est soi-même illustrateur, les élèves ayant une tendance naturelle à l’imitation et à l’admiration. Au professeur de les stimuler pour qu’ils expriment leur vision personnelle du monde. L’enseignement de l’histoire de l’illustration joue également un rôle important, alors même que l’illustration n’existe pas pour les historiens d’art ! Cet enseignement relève encore de la seule volonté du professeur d’illustration, qui va apporter ses propres livres et se tenir informé par la fréquentation des foires européennes.

Éditer en Europe aujourd’hui

La seconde partie de la journée a été centrée sur les pratiques d’édition en Europe et sur trois projets de promotion du livre pour enfants en Italie, en Estonie et au Portugal.

Jacoby & Stuart  3 est une jeune maison d’édition née à Berlin en 2008. Blexbolex, Rotraut Susanne Berner, Aljoscha Blau, Wolf Erlbruch, Axel Scheffler et Jutta Bauer font partie de son catalogue, riche de plus de 70 titres. Selon Edmund Jacoby, le marché allemand, qui touche une clientèle de plus en plus bourgeoise et féminine, est dominé par les livres étrangers, essentiellement anglo-saxons.

Dwie Siostry  4 est aussi une jeune maison, indépendante, créée il y a cinq ans en Pologne. Les trois copines (Joanna Rzyska, Jadwiga Jdryas et Ewa Stiasny) réalisent un formidable travail de promotion des meilleurs auteurs contemporains et de réédition des classiques polonais d’avant 1989, comme Krystyna Boglar, Julian Tuwim, Zbigniew Lengren et Jan Marcin Szancer. Toutefois, les moyens de la population et des bibliothèques sont si faibles qu’en dehors de Varsovie, les livres des « Deux sœurs » sont inaccessibles.

José Oliveira dirige depuis plus de vingt-cinq ans les éditions jeunesse de Caminho  5, rachetées en 2007 par Leya, premier groupe éditorial au Portugal. Il a fortement contribué à développer le livre jeunesse dans son pays (Alice Vieira, António Torrado…), mais sa vision de la création est assez pessimiste dans un contexte de crise économique et de concentration du secteur du livre.

Trois projets autour du livre : OPLA, Ilustrarte et l’Estonie

Umberto Massarini (Italie) et Eduardo Felipe (Portugal) ont montré deux projets qui étayent l’idée que l’on peut trouver de l’Art (avec un grand A) dans les livres pour enfants. OPLA  6 réunit un patrimoine unique de livres d’artiste pour enfants, tandis qu’Illustrarte  7 est une biennale d’illustration qui a attiré plus de 1 500 illustrateurs de 60 pays pour sa quatrième édition. Enfin, Mare Müürsepp a présenté divers organismes et projets  8 pour la promotion de la lecture en Estonie (1,3 million d’habitants).

Anne-Marie Chartier a conclu le colloque sur les questions de circulation, de traduction et de compréhension de la littérature. La journée devait prendre fin au Salon du livre jeunesse de Montreuil autour de l’actualité d’Ibby France  9 (lauréats français de la liste d’honneur d’Ibby, nominés pour le prix Andersen 2010…). •