International Consortium of Libraries Consortia 2010

Benjamin Bober

C’est à Amsterdam, à quelques kilomètres à vol d’oiseau des sièges européens de mastodontes de l’édition scientifique – Elsevier, Wolters-Kluwer, Brill… – que s’est tenue, du 3 au 6 octobre 2010, la session européenne 2010 de l’International Consortium of Libraries Consortia  1. L’ICOLC est une structure informelle dont le rôle principal est de faire circuler l’information entre les différents consortiums de bibliothèques afin de disposer au niveau local d’un niveau de connaissance du marché au moins égal à celui que détient un éditeur donné lors d’une négociation. Il est alors plus facile de tordre le cou à un des arguments préférés des éditeurs commerciaux qui consiste à dire lors d’une négociation : « Mais vous disposez de bien meilleures conditions que le consortium du pays voisin ! » Pour autant, dans l’idéal, il s’agit également de disposer de quelques coups d’avance par rapport à l’éditeur en disposant de données stratégiques qui ne pourront pas être évoquées ici (je reste par ailleurs volontairement vague sur la nature de ces données). Faire un compte rendu riche et intéressant des débats et échanges qui eurent lieu lors de cet événement sans pour autant dévoiler certains éléments clés relève donc un peu de l’exercice d’équilibriste.

Business as usual

La crise économique internationale a été au centre des échanges de la première session. En guise d’écho au communiqué de janvier 2009 appelant les éditeurs à ne pas augmenter leurs prix entre 2009 et 2010, l’étude sur la hausse réelle des tarifs menée auprès de soixante et un consortiums montre une réalité différente. Même si les consortiums nord-américains ont en moyenne mieux réussi à contenir les hausses que leurs homologues européens et asiatiques, force est de constater que les acteurs de l’édition scientifique, qu’ils soient commerciaux ou à but non lucratif, n’ont pas grandement changé leurs habitudes d’avant la crise. Des hausses spectaculaires, supérieures à 15 %, ont même été constatées. Malheureusement, l’issue de la crise et la fin des coupes budgétaires semblent bien lointaines pour certains pays.

L’édition scientifique, accrochée à ses modèles économiques et à une croissance à deux chiffres, va bientôt être confrontée à une clientèle qui sera bien incapable de suivre cette marche forcée vers plus de services et plus de contenus. Plusieurs collègues des consortiums ont fait remarquer l’inflation artificielle de la production scientifique et l’impossibilité actuelle de distinguer à un niveau macroscopique les articles qui font simplement état de la compétence de leurs auteurs avec des publications qui apportent véritablement des éléments nouveaux à la science. D’autres ont manifesté leur agacement face à certains services inadaptés à leur contexte local et pourtant facturés d’une manière ou d’une autre.

Face à ces critiques, les éditeurs Elsevier, Springer et Brill, qui avaient été invités pour des sessions spécifiques, tiennent un discours rebattu : « Nous œuvrons dans l’intérêt de la science. » Seul Wiley-Blackwell a annoncé sa volonté de trouver un modèle économique qui encourage les bonnes publications et pas simplement plus de publications. Qu’en pensent les chercheurs ? Qu’en pensent leurs évaluateurs ?

La mutualisation, raison d’être des consortiums

Le congrès a été l’occasion de montrer par ailleurs que les consortiums de bibliothèques ne se limitent pas à l’acquisition de ressources électroniques mais cherchent également à mutualiser les moyens de leurs membres.

Au Royaume-Uni, JISC (Joint Information Systems Committee) s’est saisi depuis plusieurs années des questions de l’archivage des revues électroniques, soutenant des mouvements comme l’UK LOCKSS Alliance  2 ou des projets comme PECAN  3, dont le but est de trouver la meilleure solution possible pour accéder au contenu souscrit après une annulation de contrat, ou PEPRS  4, qui vise la construction d’un registre recensant les revues présentant une solution d’archivage pérenne. L’alliance des organismes de recherche allemands s’intéresse également aux questions des revues électroniques mais élargit sa réflexion aux documents numérisés par les bibliothèques.

Une autre collaboration possible réside dans la mise au point d’un système consortial de gestion des ressources électroniques (ERMS). La grande difficulté de tels projets et l’absence de solution véritablement aboutie de la part des fournisseurs font malheureusement que, dans certains cas, les projets ont revu leurs ambitions (Danemark, Suède) ou ont été annulés (Pays-Bas).

Les membres des consortiums ont beau tendre tous vers un objectif commun – la plus large diffusion des travaux de recherches à des conditions acceptables pour tous –, il convient de reconnaître qu’ils sont parfois traversés de tensions internes. Les débats que l’on connaît en France – le consensus à tout prix est-il la meilleure solution ? Faut-il des négociateurs professionnels ? Comment gérer l’hétérogénéité des structures composant le consortium ? – se retrouvent partout ailleurs, sans que les solutions trouvées chez les uns puissent s’appliquer telles quelles chez les autres.

Pour autant, contrairement à ce qu’a affirmé non sans malice le président-directeur général de Springer, les consortiums ont un avenir. Ce qu’on ne fait que percevoir, le réseau canadien de documentation pour la recherche l’a montré grâce une série d’indicateurs sur dix ans, affirmant ainsi sa valeur ajoutée auprès de ses membres et de ses financeurs.