Vive la crise du disque !

Emmanuel Torregano

Paris, Les Carnets de l’info, 2010, 172 p., 25 cm
ISBN 978-2-9166-2837-0 : 21 €

La crise mondiale du disque commencée au début des années 2000 est-elle le premier acte d’un cataclysme général, dévastant successivement l’industrie de la vidéo, puis celle du livre ? Analyser les raisons pour lesquelles le marché du disque physique s’est effondré peut aider à prévenir un tel cataclysme, si on sait en tirer les leçons. C’est, en somme, le message simple que véhicule l’ouvrage du journaliste Emmanuel Torregano, construit pour l’essentiel à partir d’entretiens avec cinq « acteurs » français du secteur : quatre producteurs, dont Patrick Zelnik (Naïve) et Pascal Nègre (Universal), et le patron de la Sacem, Bernard Miyet. Si les causes de la crise sont connues et bien identifiées, les avis sur les responsabilités divergent. De ce côté, le livre laisse insatisfait, non parce qu’il ne désigne pas les coupables, mais parce qu’il peine un peu à faire la synthèse des points de vue. La forme choisie (les entretiens sont découpés et mixés, pour obtenir un effet de débat malheureusement assez artificiel) ne favorise d’ailleurs pas cette synthèse. Cependant, le livre essaie de dessiner, à travers les entretiens, des pistes de sortie de crise souvent intéressantes, et remet clairement en perspective les enjeux économiques. Le paradoxe apparent, souligné par de nombreux commentateurs (Jacques Attali en premier), c’est que la vie et la création musicale ne semblant pas être entrées en crise à la suite du disque, on croit volontiers qu’elles sont à l’abri. C’est oublier que le système économique sur lequel repose le secteur de la musique aujourd’hui, spectacle vivant compris, est si étroitement intriqué avec celui du disque que, tôt ou tard, la maladie va s’étendre à tous les membres. L’enjeu du numérique, en l’occurrence, c’est aussi de reconstruire un système qui ne soit pas uniquement économique. Vaste programme.

 

Yves Alix