Nouveaux outils de la connaissance et partage des savoirs

André Garcia

La Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou a invité le 14 mai un public de professionnels et usagers de bibliothèques pour une journée raccourcie mais dense de réflexion sur les nouveaux outils de la connaissance et le partage des savoirs. Les débats ont été diffusés par France Culture et on les trouvera aussi dans la bibliothèque numérique de la BPI.

Des maîtres de la recherche, dont Édouard Brézin, présentent une brillante introduction aux sciences contemporaines, exploitant notamment le rapport de la revue Science sur la perspective de 125 questions non résolues. Plus tard, dans l’après-midi, ont lieu de longs débats sur la neurobiologie, l’imagerie médicale, et même la localisation de l’âme. On en retrouvera le fil dans les ouvrages réputés des orateurs, Jean-Didier Vincent et Olivier Houdé. Passionnantes en elles-mêmes, ces présentations allongeaient un peu le fil à tirer en direction des usagers de bibliothèques.

Techniques d’information et de mise en relation

Directeur de la recherche à l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique), Claude Puech est plus proche de notre sujet lorsqu’il reprend un descriptif du nouvel environnement des techniques d’information et de mise en relation, avec ses stratégies possibles : intelligence artificielle, nouveaux canaux de diffusion, boucles de rétroaction. Il développe les méthodes de visualisation, par exemple pour l’analyse des réseaux sociaux.

On peut ajouter ici que la visualisation des réseaux de concepts, appuyés sur les thésaurus de mots-clés (taxonomie) et les banques d’abstracts, fournirait au lecteur un excellent outil de recherche. Les moteurs actuels, depuis Altavista jusqu’à Google, balaient internet à la recherche de chaînes de caractères et produisent une information surabondante pour laquelle il faut ensuite laborieusement trouver et construire du sens. Partir au contraire des questions du chercheur (méta-questions du type quoi, pourquoi, etc., plus familles de questions de diagnostic et d’action nées des métiers d’ingénieur, de médecin, d’analyste financier, de stratège militaire, etc.) produirait un branchement plus direct et personnalisable vers les corpus d’informations d’internet et surtout des idées pertinentes. Donc une satisfaction plus rapide du lecteur.

Jérôme Bindé propose en fin de matinée les vues prospectives de l’Unesco. Ce n’est qu’en milieu d’après-midi que Claudia Lux, présidente élue de l’Ifla rappelle la nouvelle problématique des professionnels : acquisition des savoirs hors lecture (son, image, vidéo, lecteur vocal, etc.), recherche du contexte, recherche associative, débats possibles à proximité de la salle de lecture muette, utilisation du web et des blogs pour la recherche et la formation…

Comment la bibliothèque épousera-t-elle les réseaux du savoir ?

Le tout dernier débat s’ouvre enfin sur « Comment la bibliothèque épousera-t-elle les réseaux du savoir ? ».

Catherine Dhérent propose une vue originale sur l’archivage et surtout le « Records Management » à la Bibliothèque nationale de France.

Frédéric Kaplan présente les travaux conduits à Lausanne sur les nouveaux e-books, les techniques d’annotation du livre et une table de lecteur projetant le texte sur un tableau facile à compléter, commenter, partager.

Pierre Beaudoin expose les résultats et projets de la fondation Wikimedia : diffusion libre de la connaissance, contenus gérés par les utilisateurs, contenus réutilisables. Bien sûr, les nombreuses versions multilingues de Wikipédia, mais aussi le dictionnaire, la galerie de photos, les wikisources (collection de textes numérisés en code texte), les citations, etc.  : tout ceci est gratuit et sans publicité.

Arnaud Beaufort présente l’effort développé par la BnF depuis la proposition de Google de numériser les fonds des grandes bibliothèques. La réaction conduite par la BnF en faveur d’un projet européen se poursuit par la numérisation des fonds libres de droits (livres choisis, jusqu’ici principalement numérisés sous forme d’images non transformables) et un projet d’accord avec éditeurs et libraires sur la mise à disposition d’ouvrages plus récents. Il s’ensuit un débat sur les résultats comparés de la puissante et professionnelle BnF et de ses concurrents commerciaux (Google) ou coopératifs (Wikimedia). On pensera par exemple aux avancées décisives réalisées dans les deux dernières années sur le marché français de la lecture par Google et Amazon, dans tout ce qui concerne l’assistance à la sélection du livre, aux commentaires coopératifs sur réseau, aux services de flux RSS, etc. Légitimement préoccupée de la protection du patrimoine imprimé, la BnF apparaît un peu timide sur les modalités d’appropriation et de partage des contenus par le lecteur, raison d’être du bibliothécaire.