Histoire et civilisation du livre

revue internationale, no 2, 2006

par Noëlle Balley
Genève : Librairie Droz. – 424 p. : ill.; 24 cm.
ISSN 1661-4577
Abonnement (1 numéro par an) : 90 francs suisses (institution) ; 60 francs suisses (particulier)

Pour sa deuxième livraison, la revue internationale Histoire et civilisation du livre que dirige Frédéric Barbier confirme ses grandes qualités scientifiques et formelles : rigueur érudite et richesse des contributions, typographie agréable, apparats critiques en tous genres, illustration abondante (quoique parfois un peu floue : inconvénients du numérique…). Après un premier numéro consacré au livre juridique, le dossier thématique de la revue s’intéresse à l’histoire de l’imprimerie et du livre lyonnais. On nous pardonnera peut-être de ne pas en donner une recension exhaustive et d’insister sur les contributions qui ont retenu notre attention.

Histoire du livre à Lyon

Les auteurs s’inscrivent explicitement dans la suite des travaux du regretté Henri-Jean Martin 1, et lui rendent le meilleur des hommages en rappelant et surtout en poursuivant son œuvre. C’est sa carrière de chercheur, de L’apparition du livre à l’histoire des médias et de la communication, que retrace Jean-Dominique Mellot dans son article introductif, « Qu’est-ce qu’un livre ? Qu’est-ce que l’histoire du livre ? », et le dossier lyonnais suit les traces de celui qui fut l’inventeur de l’histoire du livre, le directeur de la bibliothèque municipale de Lyon et le co-fondateur de son musée de l’Imprimerie.

Au cours du « beau seizième siècle », l’imprimerie lyonnaise connaît son âge d’or, avant de sombrer dans une longue décadence. Au cours des deux siècles suivants, dans l’incapacité de rivaliser avec leurs confrères parisiens qui bénéficient largement des permissions et privilèges accordés par le pouvoir, les libraires lyonnais se reconvertissent dans la contrefaçon. Aux XIXe et XXe siècles, comble de déchéance, ils se spécialisent dans l’édition catholique. Au XXe siècle enfin, les Lyonnais se souviennent de leur splendeur passée en se livrant aux recherches érudites et en créant un musée. Telle est, grossièrement résumée, l’histoire du livre à Lyon, telle qu’elle subsiste dans la mémoire collective et telle que la retrace ce dossier thématique.

Les éditions clandestines

Mais, s’il confirme effectivement les grandes lignes de ce parcours, le dossier d’Histoire et civilisation du livre s’emploie à les enrichir et à les nuancer. En croisant les méthodes de la cartographie, de la bibliographie matérielle (désormais appuyée sur des banques d’images en ligne, dont il faut déplorer que les bibliothèques n’aient pas eu l’initiative), de la muséologie et de la prosopographie, il apporte de nouveaux éclairages sur l’histoire du livre lyonnais en insistant à juste titre sur la période dite de décadence, celle des éditions clandestines. Retraçant de manière concrète et vivante les conditions de fabrication et les réseaux de la contrefaçon, l’article d’Anne Béroujon est un véritable régal : devant tant de vitalité et d’inventivité déployées par ces artisans qui tentent de survivre à la concurrence tout en échappant aux contrôles, on est presque tenté de parler d’un âge d’or de la contrefaçon. D’autres contributions, qui intéresseront davantage un public de spécialistes, montrent tout le parti que l’on peut tirer d’un examen minutieux du matériel typographique pour l’identification des éditions contrefaites. Tant d’érudition suggère qu’il est temps de réfléchir aux outils que les bibliothèques, par les technologies informatiques et numériques, pourraient offrir à de telles recherches, trop souvent freinées par l’imprécision des catalogues et des descriptions d’exemplaires.

Implantation des imprimeurs lyonnais

Deux articles fort intéressants font appel à la cartographie, pour retracer les déplacements géographiques des imprimeurs et éditeurs lyonnais d’incunables (Philipe Nieto) et confirmer que la mythique rue Mercière n’était pas le seul lieu d’implantation des officines lyonnaises (Jean-Dominique Mellot). D’autres contributions, parfois plus anecdotiques, retracent des itinéraires personnels : ceux des cousins Duplain, Lyonnais implantés à Paris qui connaîtront un destin contrasté, du libraire catholique Emmanuel Vitte ou du notable érudit Julien Baudrier, second auteur, après son père Henri, de la célèbre Bibliographie lyonnaise. Les volets, miraculeusement conservés, de la librairie Girardet, offrent un précieux témoignage sur les techniques publicitaires du siècle des Lumières, et Hélène-Sibille Beltran présente les collections du musée de l’Imprimerie de Lyon ainsi que son centre de documentation.

Un index nominum et locorum et une bibliographie de seize pages proposée par Sheza Moledina et Dominique Varry en complément de celles qu’offraient les Études lyonnaises, à la fin des années 1960, viennent clore ce dossier lyonnais de plus de 300 pages.

Parmi les études et travaux d’histoire du livre proposés en seconde partie du volume, un article de Marie-Dominique Leclerc sur les ex-libris manuscrits et notes dans les impressions de grande diffusion, à l’illustration émouvante, confirme la forte implantation urbaine des almanachs et autres Bibliothèque bleue. Greta Kaucher propose une édition, malheureusement non commentée, du plan de travail dressé par Charles-Joseph Panckoucke pour les collaborateurs du Mercure de France. Quant à l’article de Claire Madl sur l’« art de mourir » du comte de Hartig 2, il relève davantage de l’histoire littéraire que de l’histoire du livre. Enfin, le volume se clôt sur une série d’excellents comptes-rendus critiques.

  1. (retour)↑  Henri-Jean Martin, dir., Cinq études lyonnaises, Paris-Genève, Droz, 1966, et Nouvelles études lyonnaises, Genève, Droz, 1969.
  2. (retour)↑  François, comte de Hartig, Poèmes moraux et méditations qui fortifient contre la crainte de mourir.