Éditorial

Annie Le Saux

Les politiques d’acquisition au XXIe siècle n’ont plus guère à voir avec celles d’il y a quelques décennies. De nombreuses questions sont venues s’ajouter à celles, traditionnelles, des choix raisonnés, de la pluralité des collections, de leur cohérence, de l’équilibre entre l’offre et la demande, du désherbage… Évolution technologique oblige, en premier lieu, mais aussi restrictions budgétaires, offre exponentielle, réforme récente du Code des marchés publics et, surtout, bouleversement des modèles économiques, qui « s’étend[ent] et s’enfle[nt] », comme la grenouille de La Fontaine. Dans un mouvement inexorable, dans ce contexte électronique et en particulier dans les bibliothèques universitaires et de recherche, la notion d’acquisition glisse vers celle d’accession, celle d’usage remplace celle de collection, l’éphémère se substitue dangereusement au pérenne, la logique de flux supplante celle de stock et le joli terme de « bouquet » associé aux périodiques électroniques sous-tend, en partie, une uniformisation des acquisitions et des fonds…

Face à la pression de grands groupes économiques toujours plus puissants, les professionnels s’organisent, se regroupent, partagent, mutualisent et rationalisent : Cadist, consortiums et groupements d’achat, carte documentaire géographique, disciplinaire ou nationale, autant d’outils collectifs qui travaillent au renforcement des réseaux, à la complémentarité, la visibilité, l’accessibilité et l’archivage de la documentation. L’élaboration de chartes, de plans de développement des collections, la formulation d’objectifs dans les établissements, la définition de compétences et de fiches de poste pour les acquéreurs témoignent, de leur côté, de la volonté des professionnels de réagir à la seule approche commerciale et de lui opposer une démarche construite, volontaire et évolutive axée sur le contenu de l’offre et sur l’élaboration d’une politique documentaire équilibrée.