La diffusion des thèses électroniques

Juliette Doury-Bonnet

Le groupe Recherche de l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS), créé en janvier 2005 autour des problématiques de l’IST (information scientifique et technique), a organisé le 7 juillet dernier, à l’amphithéâtre Poincaré du ministère délégué à la Recherche, une journée d’étude sur la diffusion des thèses électroniques. Diane Le Hénaff (Institut national de la recherche agronomique, Inra) introduisit les débats en soulignant que cette diffusion, choix politique du ressort de chaque établissement, répond à l’objectif de rendre visible et accessible à toute la communauté scientifique un document scientifique validé mais non publié.

État des lieux et perspectives

La France compte 312 écoles doctorales et 10 000 thèses sont soutenues chaque année. Danièle Duclos-Faure (Sous-direction des bibliothèques et de la documentation) remarqua que la thèse est un document complexe, à la fois document administratif, pour la diffusion duquel un avis favorable émis par le président du jury est indispensable, et une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur. Le directeur d’un établissement peut refuser la diffusion d’une thèse, même en cas d’accord du président du jury, et une autorisation, révocable, est nécessaire pour chaque support.

La Direction de l’enseignement supérieur est responsable de l’application des textes réglementaires relatifs au dépôt, au signalement et à la diffusion des thèses. Le texte de 1985 est désormais caduc. La circulaire du 21 septembre 2000 émet des recommandations : production d’un texte structuré, signalement dans le Système universitaire de documentation (Sudoc), archivage local et au Centre informatique national de l’enseignement supérieur (Cines), etc. Deux chaînes sont mises en place : Sparte (Système de production et d’archivage de thèses électroniques) de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes) et Cyberthèses.

En 2004, un bilan montra une « application limitée » des recommandations (645 thèses en ligne dont 360 en XML…), mais mit l’accent sur deux points positifs : les thèses en ligne sont très consultées et la sensibilisation à la nécessité de la diffusion croît. Les difficultés décelées sont organisationnelles (faiblesse des moyens humains, manque de motivation des doctorants, multiplicité des services à coordonner) et techniques.

Une nouvelle circulaire est parue le 29 mars 2005, tenant compte des problèmes rencontrés. La diffusion rapide devient l’enjeu prioritaire et la structuration en XML passe au second plan. Ce nouveau dispositif, qui réaffirme la maîtrise de la politique de valorisation des thèses par les établissements de soutenance, donne de la souplesse pour répondre aux situations locales, mais signale des contraintes répondant à des enjeux nationaux, en particulier le dépôt de la thèse électronique validée par l’établissement, avec des métadonnées normalisées (TEF), grâce à l’application nationale Star (Signalement des thèses, archivage, recherche), outil de work flow initié par l’Abes et le Cines.

Un nouvel arrêté est prévu pour la fin de l’année 2005.

Les programmes en cours en France et au Royaume-Uni

Daniel Charnay rappela le contexte de la création du Centre de communication scientifique directe (CCSD) en 2000 : fabriquer des archives multidisciplinaires, internationales, gratuites et ouvertes à tous les chercheurs ; protéger les documents et garantir l’archivage à long terme. 4 000 thèses ont été déposées depuis, dont 1 500 en 2004. Outil de collecte et de diffusion, le serveur de thèses TEL (Thèses en ligne), « fruit du hasard et de la nécessité », sera prochainement intégré dans le serveur d’articles HAL (Hyper article en ligne) : une seule requête permettra d’accéder aux thèses et aux articles. Le projet européen de thèses en ligne Etol (European Thesis on line) est « un peu au point mort ».

La technique doit reposer sur un projet politique, a souligné Jean-Paul Ducasse (université Lyon II). Il a évoqué la philosophie de la plate-forme d’édition Cyberthèses, devenue Cyberdocs 2 en 2003 : accès ouvert, structuration du document, interopérabilité, logiciels libres. À une question du public concernant un éventuel rapprochement de Star et de l’outil lyonnais Oget (Outil de gestion électronique des thèses), il répondit qu’il était « trop tôt pour évoquer un modèle unique »/CITATION et insista sur les notions de proximité et de partage des compétences. Il regretta l’absence des Français des organisations internationales et appela de ses vœux un renforcement des relations internationales.

Pascal Aventurier retraça l’expérience de l’Inra qui a fait le choix de la chaîne Cyberthèses. Comme les autres intervenants, il mit l’accent sur la nécessaire formation des doctorants, pour les aider à produire des documents électroniques conformes, et insista sur le rôle du spécialiste en IST.

Enfin, Christine Ollendorff (École nationale supérieure d’arts et métiers) présenta le projet fédérateur Pastel réalisé au sein de l’association d’écoles d’ingénieurs parisiennes ParisTech dans le but d’assurer une visibilité plus grande aux thèses soutenues : « Littérature grise dans le web invisible, les thèses ont pris des couleurs », se félicita-t-elle. Spécificité pour ce projet qui concerne les sciences dures et des travaux vite périmés, la préoccupation de pérennité est absente.

Un coup de projecteur fut donné sur un exemple étranger. Susan Copeland et Andrew Penman (The Robert Gordon University, Aberdeen) présentèrent l’évolution de la gestion des thèses au Royaume-Uni et plus particulièrement deux projets majeurs, financés par le JISC (Joint Information Services Committee), Electronic Theses dont les recommandations furent mises en œuvre en janvier dernier dans le programme Ethos (Electronic Theses Online Service).

Saluant ce premier débat public sur le sujet, Jean-Paul Ducasse, au cours de son intervention, avait noté le caractère transitoire de la situation actuelle : « Chantier de démolition ou de reconstruction : on tâtonne, on compare… » Christine Stotzenbach (université de Marne-la-Vallée) conclut la journée sur l’évolution des comportements des usagers et des professionnels.