L'ergonomie des sites web

Marie Ferrazzini

Organisée par l’ADBS (Association des professionnels de la documentation et de l’information) le 15 février dernier, la journée d’étude consacrée à l’ergonomie des sites web a été particulièrement intéressante grâce à la qualité des interventions qui se sont toutes attachées à illustrer les principes théoriques ou normatifs d’une bonne utilisation des sites web par des exemples concrets.

Les consultants et les responsables de projets web sollicités ont fait le point sur les éléments spécifiques à prendre en compte lors de la réalisation d’un site web mettant en ligne des informations textuelles ou multimédias. Qu’est-ce que l’ergonomie d’un site ? Quels sont les critères d’évaluation de la qualité d’un site ? Quel est l’apport des sciences cognitives et de la sémiologie pour le traitement visuel de l’information dans une interface web ? Comment structurer et organiser les données ? Quels enseignements retirer de la conception des sites de la Documentation française 1 ou du Musée du Louvre 2 ?

Les critères de qualité

Après avoir défini l’ergonomie d’un site web (adéquation optimale avec la nature des tâches effectuées par l’utilisateur et facilité d’utilisation selon l’Afnor), Frédéric Fuchs, consultant indépendant, a présenté les critères d’évaluation à prendre en compte. Il a insisté sur l’approche américaine de l’ergonomie, ou « usability », qui place l’utilisateur au centre de tout le processus de conception d’un site. Dans ce processus, la première chose à faire est d’identifier les objectifs que l’on veut assigner au site, les indicateurs de succès, les utilisateurs cibles et les buts de ces derniers. Aux principes ergonomiques doit être joint le feed-back des utilisateurs : les tests utilisateurs sont ainsi la voie royale pour optimiser l’utilisation du site et doivent accompagner chaque étape du projet.

Élie Sloim, de la société Temesis-Opquast, a détaillé les différentes composantes de la qualité des services en ligne : c’est le principe VPTCS, pour qualité de visibilité, de perception, technique, du contenu, des services. Chacun de ces critères est essentiel et relié aux autres. Les standards techniques, en particulier l’utilisation des feuilles de style, permettent d’améliorer la qualité et le projet Opquast recense environ 150 bonnes pratiques qualité.

Le traitement visuel de l’information

Joëlle Cohen, consultante en communication visuelle, a donné, dans un exposé très riche, un éclairage cognitif et sémiologique du traitement visuel de l’information dans les sites web. Utilisant pour exemple des pages d’accueil ou des pages de contenus de différents sites, elle a montré comment la dimension visuelle d’une interface graphique ne relève pas exclusivement du « faire joli » et a prouvé l’importance de l’organisation logico-visuelle, selon les enseignements des sciences cognitives et de la sémiologie, pour faciliter l’accès au contenu du site.

En fin de matinée, les questions des participants ont permis de revenir sur la distinction contenu/présentation : séparés lors de la conception du site, l’interface adoptée doit les réunir et l’internaute ne pas les distinguer. Sur le « faire joli » également : c’est au graphiste que cette tâche est assignée et, dans l’idéal, graphiste et ergonome devraient être associés dans la conception des sites. Enfin, l’importance des tests utilisateurs a de nouveau été soulignée. Les concepteurs de site doivent impérativement connaître leur cible et avoir une démarche pragmatique, réagir en fonction du feed-back des utilisateurs.

L’architecture de l’information

L’après-midi a débuté par l’intervention de Myriam Lalaude, de la société Cap Gemini, sur l’architecture de l’information, qui est un sous-ensemble de l’ergonomie et contribue de façon fondamentale à l’« utilisabilité » des sites web.

Les professionnels de l’information sont par nature des architectes de l’information. L’architecture de l’information définit les fondations d’un site. Elle détermine l’organisation des contenus, la navigation dans le site, le système de recherche : elle participe à l’ergonomie du site.

L’organisation des contenus est la phase fondamentale de la conception du site et elle s’ordonne en trois étapes : l’audit des contenus et des besoins, la catégorisation des contenus (dont l’appellation des rubriques est un élément important), la structuration des contenus.

Ensuite, dans le processus de conception du site, viennent les phases d’organisation visuelle des contenus (le système de navigation) et de mise en place des systèmes de recherche (facilités par la catégorisation des contenus). L’exemple du site psychologies.com, clic d’argent 2005, a permis une analyse raisonnée de son architecture.

D’un site institutionnel à un site marchand

Anne Zourabichvili et Olivier Roumieux ont ensuite rendu compte de l’évolution du site ladocumentationfrancaise.fr, passé de 1996 à 2005 (lancement prévu en juin) d’un site institutionnel à un site marchand, entièrement conçu pour l’internaute, s’attachant à valoriser l’offre commerciale, à fluidifier le passage du gratuit au payant.

Olivier Roumieux a évoqué les aspects techniques de réalisation : le parti pris d’utiliser les feuilles de style pour faciliter le travail des contributeurs et de placer le site sous le signe de l’accessibilité.

En fin de journée, Myriam Prot, chef du service Internet du Musée du Louvre, a présenté le projet de conception et de réalisation du site multilingue du musée, dont le lancement est prévu en juin 2005. Projet stratégique et prioritaire pour l’établissement, il a bénéficié de soutiens financiers importants pour être la nouvelle frontière virtuelle du musée. Il utilise un système de gestion de contenus qui impose des règles et des contraintes aux rédacteurs et des arbitrages souvent peu aisés à l’équipe éditoriale.