Catalogues et fourniture de documents

L'avenir des outils collectifs en France et en Europe

Jean-Philippe Accart

Cette journée d’étude, organisée par Médiadix le 18 octobre dernier, s’inscrit dans la tendance actuelle de mutualisation des ressources documentaires et bibliographiques. Cette tendance ne devrait pas fléchir dans la mesure où, même si la notion de partage et de travail en commun n’est pas nouvelle en bibliothèque et documentation, elle est fortement remise au goût du jour depuis l’arrivée des technologies de l’information. Hormis cet aspect technologique qui marque nos professions, d’autres aspects dominent – notamment l’aspect économique – mais également le fait que dorénavant il faut offrir le maximum de ressources à l’utilisateur. Ce dernier aspect est peut-être le plus important dans la philosophie qui sous-tend les réseaux actuels de l’information depuis l’arrivée d’Internet : aussi riche soit-elle, une bibliothèque (ou un centre de documentation) a besoin de récupérer des informations externes, de proposer à ses lecteurs des sources d’information de qualité, celles-ci devant être présentées et organisées de manière à les rendre attractives à consulter. D’où les réseaux de plus en plus nombreux qui se créent et qui développent une manière de travailler ensemble. Médiadix a eu l’heureuse idée de convier un certain nombre de professionnels à réfléchir à l’évolution des réseaux et des outils collectifs : vont-ils croître ? Cela ne représente-t-il pas trop d’efforts à la fois humains et financiers ? Les réseaux ne sont-ils que technologiques ? Comment vont-ils évoluer ? Toutes les réponses n’ont pu être données durant cette journée, mais certaines tendances fortes se dessinent.

C. Marandas présente les nouveautés du Catalogue collectif de France (CCFr). Après huit années de mise en œuvre, qu’en est-il ? La création de soixante-cinq pôles associés, la conversion rétrospective des catalogues, la collecte partagée du dépôt légal avec vingt-six établissements sont autant de réponses à cette question. Les trois catalogues français (BN Opale Plus, Sudoc, BMR – base des bibliothèques municipales) sont accessibles grâce à une interrogation unique avec la norme Z 39-50 et la cartographie documentaire nationale est dressée avec le Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation (RNBCD) qui permet le prêt entre bibliothèques. Outil de coopération incontournable, le CCFr évolue vers un élargissement de la cartographie documentaire aux musées et aux archives ; le souhait est également de s’ouvrir à la francophonie et à l’international. Une autre évolution serait de proposer un portail de portails régionaux et de donner accès simultanément à différents catalogues en ligne à partir du RNBCD.

S. Barral présente ensuite le Sudoc, catalogue collectif intégrant une fonction de fourniture de documents (monographies et articles de périodiques), accessible sur Internet 1, avec un moteur de recherche puissant permettant des filtres par type de document, langue et date de publication. La base de données est riche de 4,93 millions de notices bibliographiques localisées dans les 3 103 bibliothèques et centres de documentation participants ; le nombre de localisations est, pour sa part, de 13,44 millions. Grâce à Pebnet/Supeb, c’est un outil de prêt entre bibliothèques efficace et un outil de production mutualisé (catalogage partagé notamment). Le Sudoc met en avant une organisation en réseau dense, avec des groupes de travail, des journées réseau, un service d’assistance et des formations initiales et continues. Dans l’avenir, le Sudoc doit étendre la carte documentaire déjà proposée (augmentation des bibliothèques adhérentes) et mettre en place un portail documentaire.

C. Ducharme, de l’Enssib (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques), relate l’expérience du portail documentaire Rhône-Alpes dont il est l’un des concepteurs. Supporté par la Bibliothèque municipale de Lyon et l’Arald (Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation), ce portail comprend huit bibliothèques numériques comprenant des supports d’information très variés provenant de l’université Stendhal-Grenoble ; du secteur industriel de Saint-Étienne ; des manuscrits de la bibliothèque municipale de Lyon ; de l’architecture à Valence… La priorité est donnée aux catalogues avec l’accès Z 39-50, à une présentation thématique des ressources numériques, les signets étant organisés selon la Dewey. Chaque domaine a son propre coordinateur. Hormis les signets, les événements et expositions sont archivés et des produits bibliographiques (bibliographies thématiques, critiques d’ouvrages) sont proposés.

M. G. Wesseling d’OCLC Europe/Pica expose ensuite ce qui est le premier « collectif de bibliothèques européennes » comprenant vingt pays utilisant des formats et normes hétérogènes. Le système central d’OCLC/Pica est CBS4 qui gère ces formats. EUCAT est un programme développé au plan européen avec un point d’accès unique, de type Google, aux index des différents catalogues collectifs : l’objectif ambitieux est d’offrir un catalogue collectif européen. Son originalité est, non pas la récupération des données, mais la coexistence des formats, avec une interface multilingue. Un service de références virtuel, qui rassemble mille bibliothèques à l’heure actuelle de par le monde, dirigera automatiquement les questions posées par les utilisateurs aux différents partenaires.

Le Catalogue collectif des universités de Catalogne (CCUC), présenté par M. Tort et J. Roig, est le fruit de la coopération de huit universités et de la Bibliothèque nationale de Catalogne. Avec deux millions de notices, il offre une grande visibilité des bibliothèques participantes et voit sa consultation augmenter. L’économie réalisée grâce au catalogage partagé est importante. Le catalogue collectif fait partie intégrante d’autres projets du consortium universitaire tels les acquisitions partagées, le prêt entre bibliothèques et les bibliothèques numériques.

Tous ces exemples, plus divers les uns que les autres, permettent un tour d’horizon aux plans français et européen des réalisations en cours et des projets futurs. Dans sa conclusion à cette journée d’étude, Dominique Lahary pose un certain nombre de questions notamment sur les investissements nécessaires pour la réalisation d’outils collectifs, les différents effets collatéraux du travail en réseau (résistance cachée, ajustements non concertés, participation contrainte…), autant de questions qui font réfléchir sur leur avenir.