Biblioteche Oggi

mensile di informazione e debattito

par Philippe Marcerou
Nuova serie, 7 numéros (janv.-sept. 1999). Milano : Editrice bibliografica. Abt annuel : 130000 lires/ 67,14 euros. Étranger : 195000 lires/100,71 euros.

A bien des égards, Biblioteche Oggi : mensile di informazione e debattito (Bibliothèques d'aujourd'hui : mensuel d'information et de débat) remplit en Italie les mêmes fonctions que le Bulletin des bibliothèques de France (BBF). Il s'agit d'une revue mensuelle (dix numéros par an, dont deux numéros doubles, en janvier-février et en juillet-août), éditée et diffusée par une société privée, Editrice bibliografica, sous la responsabilité de Massimo Belotti. Les thèmes traités couvrent la totalité de la chaîne du livre vue sous l'angle bibliothéconomique : management des bibliothèques, publics et services, nouvelles techniques de l'information et de la communication, production éditoriale, patrimoine et fonds documentaires, lecture publique et lecture universitaire.

Comme c'est le cas pour le BBF, chaque numéro de Biblioteche Oggi est composé de cinq ou six articles de fond traitant de sujets d'actualité. On trouve parfois un dossier thématique, une tribune libre, des notes bibliographiques et des articles courts sur les congrès et journées d'études du moment. Par ailleurs, la revue fait une part importante à la publicité pour des fournisseurs de matériel ou de données, des congrès, des publications nouvelles.

Management et bibliothéconomie générale

L'année 1999 a été marquée, pour Biblioteche Oggi, par de très nombreux articles de fond sur le management des bibliothèques et la bibliothéconomie générale : une vingtaine d'articles au total. Les problématiques exposées sont assez largement comparables à celles traitées par le BBF.

Sous l'influence de jeunes chercheurs, comme Anna Galluzzi, l’Italie est en train de développer progressivement une réflexion sur la qualité et l'évaluation des bibliothèques. On peut signaler par exemple un article remarquable d'Alessandro Sardelli, paru dans le numéro de juillet-août, dont le titre est « ISO 9000 : technique de la qualité et bibliothèques ». De même, notons, en mars, un important article d'Ennio Michele Tarantola, « Quantifier les ressources » ; en juin, « Bibliothèques universitaires et évaluation » de C. Dumontet; et dans le numéro de juillet-août, « Mesurer la qualité » de Roberto Montali et « On expérimente le Système qualité à Wirral », relation d'une expérience dans le nord-ouest de l'Angleterre.

La gestion du changement est également une thématique importante cette année. On peut passer rapidement sur un billet anecdotique paru dans le numéro de mai, « La Créativité comme valeur ajoutée » de M. S. Rasetti ou sur l'article, plus riche, d'Antonio Scolari, paru en juin, « L'Efficacité contre la facilité ». En revanche, dans le numéro d’avril, « La Formation comme support du changement organisationnel » de Meris Bellet, Carla Cavicchioli et Augusto Vino, en juin, « Les Changements dans les bibliothèques universitaires » de Carlo Revelli, et surtout, en septembre, « Changer la gestion et gérer le changement » de Laura Vannucci, constituent trois pièces marquantes dans l'édifice intellectuel qui se dessine à la lecture de Biblioteche Oggi cette année.

La réflexion sur les réseaux documentaires et la coopération entre bibliothèques apparaît en Italie comme embryonnaire et partielle. On note pourtant quelques articles qui semblent être parmi les premiers publiés sur ces questions en Italie : en janvier, « Les Bibliothèques spéciales dans le système national », une note courte de A. Fontana Aschero; et en mars, « La Coopération n'est plus un mythe » d'A. M. Tammaro.

La question de la législation et des bibliothèques de lecture publique est traitée dans deux articles : dans le numéro de juillet-août, « Les Lois et les bibliothèques » (I. Pellicoli, P. Traniello, G. Solimine); et en septembre, « Liberté aliénée, subordonnée, relative, absolue ? » (Carlo Revelli).

En fait, il est clair que les bibliothécaires italiens sont à la recherche d'un modèle. Le modèle qui semble avoir leurs faveurs est actuellement le modèle français, notamment dans le domaine des constructions de bibliothèques de lecture publique, et, à un degré moindre, le modèle anglais (dans le numéro de juillet-août sous la plume d'Ivana Pellicoli, « La Confrontation des modèles »). Successivement, sont parus cette année, en avril, un article d'Antonella Agnoli, intitulé « Des bibliothèques comme nous en voudrions », et une enquête « En visite dans les médiathèques françaises » qui décrivent plusieurs constructions et prennent en exemple les réalisations françaises récentes (Bordeaux, Poitiers, Orléans, Saint-Étienne, La Rochelle), aux Pays-Bas (La Haye) et au Danemark (Copenhague).

C'est ainsi que s'est forgé progressivement en Italie un curieux concept, celui de la bibliothèque idéale, dite la « bibliothèque accueillante » (la biblioteca amichevola). Un article lui est consacré en avril, « Le Concept de bibliothèque accueillante » (Giovanni Solimine), ainsi qu’une journée d'études. Le modèle recherché, celui d’une bibliothèque où le public se sente à l’aise, peut expliquer les références constantes aux projets de constructions cités plus haut.

Services et publics

Parallèlement à la réflexion qui est menée depuis quelques années en France sur la place du public et sur les services qu'il est en droit d'attendre de la bibliothèque et que celle-ci doit être capable de lui offrir, ce thème est apparu comme particulièrement développé cette année dans Biblioteche Oggi.

En effet, dans le numéro de décembre 1998 et dans celui de janvier 1999, Luca Ferrieri a lancé une polémique sur « Les services payants ». De même, un autre article, de R. Ventura, n'hésite pas, dans le numéro de juillet-août, toujours sur un ton provocateur, à parler de « La Qualité des services et [du] benchmarking [qui] entrent dans les bibliothèques ». Dans le même numéro, Rino Clerici et Elisabetta Sperati retournent la perspective et traitent des services offerts par les bibliothèques aux bibliothécaires : « Quand le client est le bibliothécaire ».

Les problématiques spécifiques des bibliothèques de lecture publique ont largement occupé les colonnes de Biblioteche Oggi : en janvier, « Les Lecteurs en bibliothèques et à l'extérieur » (Carlo Revelli); en mars, « La Double vocation d'une bibliothèque communautaire » (Rino Pensato); en juillet-août, « Bibliothèques et malades » (Carlo Revelli).

Plusieurs articles sur les publics sont parus cette année : en mars, « À quand un usager capable de gérer le prêt soi-même ? »; en avril, « La Bibliothèque à l'école » de Carlo Rivelli; et dans le même numéro, « Une Bibliothèque publique sans public » d'Antonio Sambataro. On note aussi des relations d'expériences : en juin, « La Communauté des lecteurs se réunit à Venise ». Des articles à portée plus générale posent la question de l'amélioration des services au public grâce aux nouvelles technologies : en mai, « Bibliothécaires, technologie et services pour le public » de Wilfrid Lancaster; et en juin, « Les Nouvelles technologies pour la gestion du profil de l'usager » de Corrado Pettenati. La question de la place de l'usager dans la bibliothèque a atteint une telle place que, dans le numéro de septembre, R. Vicchiet se demande : « Mais l'usager a toujours raison ? ».

NTIC et Multimédia

Les nouvelles techniques de l'information et du multimédia occupent une place considérable dans les colonnes de Biblioteche Oggi en 1999. On peut distinguer des articles sur l'utilisation des nouvelles techniques, des pages consacrées aux documents multimédia et des questions liées à l'édition numérique.

Parmi les articles concernant l'apport des nouvelles techniques à la bibliothéconomie, on peut citer : en janvier, « Les Logiciels pour les archives bibliographiques » (Francesco Dell'Orso); en mars, « L'Utilisation des bases de données bibliographiques pour l'analyse factuelle » (Marco Giarratana et Piero Cavalieri); en mai, « EndNote pour gérer des données bibliographiques sur PC et Macintosh et faire des recherches grâce au protocole Z39.50 » (Francesco Dell'Orso).

La question de la bibliothèque et du numérique est traitée, sous des angles extrêmement divers, dans « Les Serials librarians à l'ère du numérique » de Enrico Martellini (mars), « Droit et technologies à l'ère du numérique » (mai), « Quelle bibliothèque numérique ? » de Patrizia Cotoneschi et la relation d'un congrès à Bologne consacré à « La Bibliothèque numérique » (juin).

Les produits multimédias et Internet font l'objet de plusieurs articles et deux numéros leur sont consacrés presque en totalité (mars et mai). Dans le numéro de mars, on trouve : « L'Horizon change pour les professionnels du livre » (Svenja Pokorny et Pier Giacomo Sola), « Diffusion et usage des CD-Rom » (Carlo Revelli), « Créer des documents multimédias : un défi possible ? » (P. Crespi) et « Internet 2 » (A. Banchieri). En mai, ont été publiés : « Intégrer les sources électroniques » (Elena Boretti), « Visualizing Subject Access for 21st Century Information Resources » (A. Salarelli), « Des Fichiers informatiques aux ressources électroniques » (S. Tartaglia) et « Lilith sur Internet et sur CD-Rom » (P. Codognotto et E. Galateri).

Collections et catalogues

À l'inverse de ce qu'on constate en France depuis quelques années, il ne semble pas que la question des collections et de l'accès du public à ces collections soit au centre des problématiques italiennes. Deux articles ont été consacrés à ce sujet dans le numéro de septembre, « Les Nouvelles méthodologies pour une croissance qualitative des collections » (Laura Corazza) et « Les OPAC italiens » (A. De Robbio).

En revanche, les questions liées au catalogage, à l'indexation et aux bases bibliographiques semblent intéresser vivement les bibliothécaires italiens. En janvier, on note « Cataloguer les ressources électroniques » (Mauro Guerrini) et la relation de « L'Abrégé de la classification décimale de Dewey » d'Annie Béthery.

Un dernier groupe d'articles traite des catalogues et des réservoirs bibliographiques : en septembre, « La Conversion rétrospective du CUBI » (Gloria Cerbai Ammannati) et « Enquête comparative sur les bases bibliographiques » (Antonella De Robbio).

Enfin, au sujet du dépôt légal, il faut signaler tout particulièrement le remarquable article de fond de Giuseppe Vitiello, « Dépôt légal et services bibliographiques nationaux » (numéro de mars).

Patrimoine

Les bibliothèques publiques italiennes sont, globalement et traditionnellement – au point qu’il leur a souvent été reproché de n'être que cela –, très sensibles à la conservation et, à un degré moindre, à la valorisation du patrimoine écrit et graphique. On peut distinguer ici plusieurs séries d'articles : des relations d'événements et de ventes publiques spectaculaires, des articles sur l'histoire de fonds prestigieux, des recettes pratiques et, enfin, des essais à portée plus générale.

Dans cette dernière catégorie, on peut signaler, en janvier, « Conserver et valoriser la littérature populaire » de L. Cappelli et, surtout, le remarquable article de Luigi Crocetti sur la question de la mémoire : « Mémoires générales et mémoires spécifiques », en mai. Dans le numéro du mois de juin, Angela Nuovo pose la question : « Pourquoi un site italien sur le livre ancien ? ».

Parmi les articles à finalité pratique, notons : en mai, une fiche sur le livre récemment paru d'A. Giardullo « La Conservation des livres », ainsi que les deux articles du numéro de septembre consacrés, l'un à « Un espace pour la conservation » (L. Rossi) et l'autre aux « Sept péchés à ne pas commettre » (G. Guasti).

Enfin, la partie événementielle et l'historique des fonds sont abordés dans six articles de tailles et d'ambitions diverses : en janvier, « La Vente à Londres du "Fragment Parson" » de Piero Scapecchi et « La Bibliothèque dispersée des comtes Piloni di Belluno » de Giovanni Grazioli; en mai, « Du privé au public : la bibliothèque Ricardo et Fernando Pivano » de Francesca Ghersetti; et dans le numéro de juin, « Le Parcours difficile des périodiques de la bibliothèque braidense » (Franco Alloatti et Carlo Carotti), « La Bibliothèque des Jésuites de Genève » (Renato Iannacchino) et « Le Marché du livre ancien ». Dans le numéro de juillet-août enfin, on trouve un article de L. Luperi : « Manières d'écrire : technologies et pratiques de l'écriture des manuscrits au CD-Rom ».

Édition et varia

Comme le BBF, Biblioteche Oggi traite aussi des sujets divers liés à l’économie et à la chaîne du livre : dans le numéro d’avril, « Cinquante ans de livres pour tous », en juin, « Longue vie au livre ». Par ailleurs, quelques articles courts ont été consacrés cette année à des problématiques plus générales encore : en avril, « Une Métaphore de la recherche », en mai, « Les Difficultés économiques sur la longue période ».

Dans un contexte bibliothéconomique italien marqué par une très grande disparité des moyens entre les bibliothèques les mieux et les moins bien dotées, une difficulté évidente à travailler à des buts communs et une réticence structurelle et ancienne aux réseaux, Biblioteche Oggi est donc un carrefour où s'échangent des informations sur ce qu'il y a de plus neuf dans les bibliothèques italiennes. Le simple examen des titres d'articles permet de dégager l'image de la bibliothèque idéale telle qu'elle semble être envisagée en Italie : une bibliothèque ouverte vers l'extérieur, travaillant en réseau avec les différents partenaires locaux et nationaux, chargée de mettre en valeur un patrimoine riche et divers, mais aussi d'accueillir le mieux possible un public le plus large possible. Malheureusement, il semble clair que, pour la plupart des rédacteurs des articles publiés cette année dans Biblioteche Oggi, il y a encore loin de la réalité au modèle.