Le public des départements Richelieu de la Bibliothèque nationale de France

Enquête auprès des lecteurs en juillet-octobre 1997

Marie-Edmée Michel

Romuald Ripon

Cet article rend compte des principaux résultats d'une enquête menée de juillet à octobre 1997 auprès de 2 341 lecteurs des départements spécialisés de la Bibliothèque nationale de France, sur le site Richelieu. Y sont analysés les différents types de lecteurs, le taux de satisfaction, les réactions au transfert à Tolbiac et à la création de l'Institut national d'histoire de l'art.

This article gives an account of the principal results of an inquiry carried out from July to October 1997 into 2,341 readers in the special departments of the Bibliothèque nationale de France on the Richelieu site. Analyzed here are the different readers, their degree of satisfaction, the reactions to the transfer to Tolbiac and to the creation of the Institut national d'histoire de l'art.

Dieser Artikel gibt die wichtigsten Ergebnisse einer Umfrage unter 2431 Lesern wieder, die von Juli bis Oktober 1997 in den Fachabteilungen der französichen Nationalbibliothek-Richelieu durchgeführt wurde. Es werden die verschiedenen Leserkategorien, ihr Zufriedenheitsgrad, ihre Reaktionen auf den Transfer nach Tolbiac und die Gründung des nationalen kunsthistorischen Instituts analysiert

Dans le cadre du projet de redéploiement et de modernisation des départements spécialisés 1 de la Bibliothèque nationale de France dans le site de Richelieu, au côté du futur Institut national d’histoire de l’art, et après le transfert des collections d’imprimés et de l’audiovisuel à Tolbiac, la Direction des collections spécialisées 2 (DCS) avait souhaité mieux connaître ses publics et leurs attentes.

En effet, l’enquête réalisée par Louis Harris et l’École normale supérieure en 1992-1993 auprès des lecteurs de la Bibliothèque nationale n’avait pas porté une attention particulière aux départements spécialisés, parce qu’ils n’étaient pas directement concernés par l’ouverture du site de Tolbiac et les résultats, fragmentaires et peu exploitables pour les collections spécialisées, ne permettaient pas de cerner les attentes des publics face au projet Richelieu, alors lointain. Quant à l’enquête de la SOFRES, réalisée en 1994-1995, elle ne concernait que les futurs publics de Tolbiac.

Aussi dès 1995, l’objectif de faire réaliser une étude de ses publics fut retenu par la direction des collections spécialisées et la réalisation en fut confiée à Junior ESSEC en 1997.

Méthodologie

L’étude prit la forme d’une enquête auprès de tous les lecteurs des départements spécialisés, qu’ils soient concernés directement ou non par le futur redéploiement sur le site Richelieu, réalisée par questionnaires distribués en six vagues d’une semaine, du 30 juillet 1997 au 31 octobre 1997. Les questionnaires furent élaborés par un groupe de travail émanant des départements, piloté par la mission de développement avec l’aide de la direction du développement culturel.

La première difficulté fut de mettre au point des questionnaires tenant compte de la spécificité des divers départements tout en gardant une certaine cohérence de présentation pour permettre une exploitation groupée. Une autre difficulté fut d’estimer le nombre des questionnaires à distribuer en se basant sur les seules statistiques d’entrées dans les salles de lecture qui ne traduisent pas le nombre d’individus physiques et qui ne tiennent pas compte de la multiplicité des séances de travail d’un même lecteur au cours de l’année. La troisième difficulté fut d’élaborer avec Junior ESSEC un cadre de regroupement des réponses ouvertes et de discerner le général, propre à une synthèse d’ensemble, du particulier qui s’inscrivait dans une synthèse de département.

Environ 3 500 questionnaires furent distribués dans les onze salles de lecture des départements spécialisés (Arsenal/Arts du spectacle, Maison Jean Vilar, Cartes et plans, Estampes et photographie, Réserve des Estampes et photographie, Manuscrits occidentaux, Manuscrits orientaux, Monnaies, médailles et antiques, Musique, Bibliothèque-musée de l’Opéra). Les questionnaires, rédigés en français et en anglais, comprenaient au maximum 30 questions.

Synthèse des principaux résultats

La synthèse générale de la Direction des collections spécialisées et les onze synthèses propres à chacun des départements se présentent selon le même plan : rappel du contexte, signalétique, comportement des lecteurs, satisfaction des lecteurs, attentes des lecteurs, conclusions.

Les annexes qui concernent les autres bibliothèques fréquentées, les remarques des lecteurs et leurs attentes ne figurent que dans les synthèses des départements.

L'enquête a touché 2341 lecteurs des collections spécialisées. Elle a confirmé la prééminence en termes de fréquentation des Manuscrits occidentaux (28,5 % des questionnaires rendus), l’importance des Estampes et de la photographie (12 %), de l’Arsenal (11,3 %), des Arts du spectacle (11,1 %), de la Musique (10,7 %) et des Cartes et plans (7 %), l’existence de lectorats plus modestes à la Bibliothèque-musée de l’Opéra (4,7 %), aux Monnaies, médailles et antiques (4,4 %), à la Maison Jean Vilar (3,8 %), aux Manuscrits orientaux (3,7 %) et à la Réserve des Estampes (3 %).

Nous ne présentons ici que les principaux résultats d’ensemble, en signalant les écarts qui se sont révélés les plus significatifs entre différents départements.

Accès et pratiques

C’est l’Université qui informe en premier lieu (43 %) sur l’existence du département fréquenté, devant les organismes de conservation (bibliothèques, musées, ar-chives, etc., 24 %) et d’autres sources de nature professionnelle pour la plupart. Les amis, le hasard et Internet comptent très peu dans ces moyens d’informations.

Un lecteur sur cinq découvre pour la première fois le département dans lequel il a répondu, alors que plus d’un tiers le fréquente déjà depuis plus de 5 ans. Les autres lecteurs (43 %) ont une ancienneté moyenne allant de 6 mois à moins de 5 ans. Les fidèles et habitués sont donc plus nombreux que les nouveaux venus, mais ces derniers existent et comptent même pour près de 40 % des lecteurs de la Maison Jean Vilar et du département des Cartes et plans.

86 % des lecteurs se rendent dans un département pour au moins une demi-journée, dont 39 % pour la journée entière. Environ la moitié des lecteurs du département des Manuscrits occidentaux et de l’Arsenal y restent en général du matin jusqu’au soir.

Plus des trois quarts viennent pour une recherche s’inscrivant dans le cadre d’un travail universitaire (en tant qu’étudiants ou enseignants) ou de leur métier. Plus rares sont ceux qui ont un objectif de recherches personnelles ou de loisir.

Environ la moitié des lecteurs a eu recours à l’assistance du bureau des renseignements le jour de l’interrogation. La plupart des demandes concernent la recherche d’un document (29 %), l’utilisation des catalogues (26 %) et des problèmes de cote (16 %).

Les trois quarts des lecteurs fréquentent d’autres salles de lecture de la BnF, les autres salles du site Richelieu étant les plus visitées (80 % des répondants vont aussi dans le département des livres imprimés de la salle Labrouste). En revanche, moins de 1 % avait déjà fréquenté le haut-de- jardin à Tolbiac au moment de l’enquête.

De même, 86 % fréquentent d’autres bibliothèques dans le cadre de leurs recherches, conformément à leur lieu de résidence (un quart à l'étranger, la grande majorité sur Paris et ses abords immédiats).

Des appréciations généralement positives

L’appréciation des lecteurs sur l’accès aux salles de lecture de la Direction des collections spécialisées, les conditions de travail ou les services documentaires sont plutôt bons dans l’ensemble, avec des taux de satisfaction presque toujours au moins égal à 70 % (bon ou très bon) (cf. tableau ci-dessus).

Les taux de satisfaction varient cependant d’un département à l’autre, mais rarement dans des proportions très importantes. Par exemple, la signalisation de la salle de lecture laisse 30 % de non-satisfaits parmi les lecteurs de la réserve des estampes et de la photographie, tout comme pour ceux de la Bibliothèque-musée de l’Opéra, contre environ 10 % seulement des lecteurs de la bibliothèque de l’Arsenal et de celle des Arts du spectacle.

La plus mauvaise impression d’ensemble concerne les lecteurs de microformes, mais seule la moitié des interrogés en a fait part, ces appareils de lecture étant il est vrai peu nombreux et inégalement répartis dans les divers départements et les collections de microformes insuffisantes par ailleurs.

Transfert à Tolbiac et création de l’Institut national d’histoire de l’art

Plus des deux tiers des lecteurs (68 %) étaient au courant du transfert des imprimés et périodiques vers Tolbiac, les étrangers relativement moins, tout comme les lecteurs de la Maison Jean Vilar (18 %), des Arts du spectacle (48 %) et de la Bibliothèque-musée de l’Opéra (55 %), c’est-à-dire là où la part des lecteurs se rendant à Richelieu est la plus faible.La plupart des lecteurs ayant connaissance du transfert (84 %) déclaraient qu’ils iraient à Tolbiac pour consulter ces documents.

Toutefois, les conséquences négatives de ce transfert, telles qu’elles ont été envisagées et exprimées par les lecteurs, sont sept fois plus nombreuses que les positives, mais n’ont été formulées finalement que par 40 % de l’ensemble des personnes interrogées.

Les problèmes liés à une perte de temps sont les plus fréquemment évoqués (35 % des récriminations), seuls 2 % trouvent ce transfert regrettable, voire désastreux, ou bien disent qu’ils iront voir ailleurs… Bref, une partie du public grogne, mais suivra quand même dans la mesure où la consultation des imprimés et périodiques demeure indispensable aux lecteurs des départements des collections spécialisées.

La bibliothèque du futur Institut national d’histoire de l’art (INHA) sera installée dans une partie du bâtiment de Richelieu. Cette perspective semble plutôt appréciée par les lecteurs de la DCS. Les deux tiers d’entre eux (64 %) déclarent qu’ils comptent utiliser les collections de cette bibliothèque. Bien sûr, ce sont surtout les lecteurs du département des Estampes et de la photographie (90 %), ceux du département des Monnaies, médailles et antiques (83 %) et ceux des manuscrits orientaux (72 %) qui se sont déclarés les plus enthousiastes.

En conclusion

L'étude sur les publics des collections spécialisées a permis de mieux connaître ce lectorat, ancré dans ses habitudes de travail et dans un environnement séculaire, mais ouvert aussi sur l'élargissement de son paysage documentaire et sur la modernisation des services qui lui sont offerts.

L’ouverture du rez-de-jardin en octobre 1998 a marqué un fléchissement de la fréquentation de certains de ces départements dans un premier temps, mais une reprise s’amorce. De nouvelles habitudes de travail se créent, intégrant le nouveau site de Tolbiac. Reste à savoir comment la création du futur Institut national d’histoire de l’art modifiera la composition et les pratiques des lecteurs des départements de Richelieu.

Mars 1999

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Profil des lecteurs

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Appréciations données par les lecteurs

  1. (retour)↑  Les départements spécialisés, appelés maintenant départements Richelieu, au sens large du terme, sont au nombre de sept : Bibliothèque de l’Arsenal ; Arts du spectacle ; Cartes et plans ; Estampes et photographie ; Manuscrits ; Monnaies, médailles et antiques ; Musique.
  2. (retour)↑  Cette direction est aujourd’hui fondue dans la Direction des Collections.