Évaluation des TIC par les usagers en milieu professionnel
pratiques du Minitel et du micro pour rechercher de l'information à distance
Brigitte Guyot
Les TIC sont les « technologies de l'information et de la communication », entendues dans une acception très large par les auteurs de l'étude ici résumée. Le Centre d'études et de recherches en sciences de l'information de l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques a réalisé un certain nombre de travaux, dont certains ont donné lieu à publication, notamment sur l'attitude des usagers face à la recherche d'information, et, plus généralement, face au « monde » de l'information.
Des interviews « brutes »
Le document se présente en deux parties : dans la seconde, sont retranscrites de façon littérale quelques-unes des interviews qui ont servi de base à la rédaction du document proprement dit. « Brutes », elles ne se réfugient pas dans le confort commode des statistiques, ni même des questionnaires trop orientés, du style « oui/non/ne sait pas ». Les intervieweurs se sont efforcés de saisir l'appréhension souvent mouvante et parfois confuse que les professionnels venus d'horizons fort divers, publics comme privés, et placés à des niveaux de responsabilité hétérogènes, peuvent avoir de la recherche d'information « en ligne », terme qui, d'ailleurs, n'a souvent pour eux guère de signification.
Si l'on regrette le propos un peu décousu de leurs déclarations, rançon de la démarche des concepteurs de l'étude, on ne peut qu'approuver cette attention enfin portée au fameux « utilisateur final », dont on parle beaucoup, mais qu'on connaît et étudie beaucoup moins. Ce terme même d'« utilisateur final » est justement battu en brèche par Brigitte Guyot, qui souligne que « dans la mesure où l'individu assure maintenant, dans certains cas, la quasi-totalité du processus [de recherche], peut-on encore parler d'utilisateur final ? ».
Approximations et fausses « croyances »
L'étude elle-même, divisée en cinq parties, s'efforce, sinon de répondre à la question, du moins d'en décerner les contours. Là encore, on pourra déplorer un propos largement impressionniste, parfois un peu anecdotique, mais qui évite le recours à des précisions arithmétiques forcément illusoires, s'engageant franchement dans la voie d'une démarche résolument personnelle, au plus près des interviews elles-mêmes, avec ce qu'elles peuvent comporter d'approximations voire de fausses « croyances ».
Les auteurs soulignent que de plus en plus d'usagers ont accès à des services d'information « en ligne » : Minitel, cédéroms, autres serveurs, Internet bien sûr. Les attitudes sont contrastées, voire contradictoires : le Minitel est perçu comme pratique, convivial, ou, tout à l'opposé, déjà dépassé. On s'attarde curieusement sur « l'actualisation » des cédéroms, qui n'est pourtant pas si évidente que cela.
Internet est bien sûr dans tous les esprits, mais il est encore loin d'être dans tous les bureaux : l'étude (effectuée il y a déjà un an) souligne le décalage entre la profusion médiatique et la réalité... connectique. Du coup, Internet est un pourvoyeur de fantasmes qui est en lui-même un révélateur sur les attentes, les rêves des usagers ; chez ceux qui l'utilisent, en revanche, on perçoit une certaine déception, ou plutôt, de nouvelles attentes que le réseau des réseaux ne peut pas encore satisfaire.
La notion de médiation
La notion de « médiation », qu'on pourrait résumer brutalement par l'utilité, au sein d'une entreprise ou d'une administration, de l'existence d'un centre de documentation, amène des réflexions rassurantes... au moins pour les professionnels. « La relation humaine comble les non-dits que ne comprend pas la machine », écrit Brigitte Guyot. Autrement dit, on ne demande pas au documentaliste de devenir à son tour une machine (contrairement à ce que bien des discours voudraient nous faire croire...), mais au contraire de préserver l'« interpersonnel » [sic], où se trouve la réelle pertinence du travail documentaire.
C'est vers ces fonctions de « conseil... courtage... aide » que se trouve l'avenir de la profession, même si nombre d'actions vont être profondément modifiées par le développement du « en ligne ». Brigitte Guyot rappelle à juste titre que, si l'annuaire électronique n'a pas remplacé l'annuaire papier, il faut peut-être modérer les discours technologiques à la mode sur l'avènement des réseaux informatiques et la disparition des intermédiaires.
Mais il est bien certain que les usagers, « pro » ou « réticents », sont souvent en situation d'attente, donc d'insatisfaction. D'une manière souvent plus aiguë que les professionnels, ils perçoivent le monde de l'information comme un monde « mental », où la réalité, le concret, sont souvent niés par des représentations fantasmatiques, des peurs, des appréhensions, mais aussi des joies, parfois irraisonnées...
Le mérite de cette petite étude « ethno-méthodologique » est de montrer que « l'utilisateur final » ne se constitue ni en catégories, ni en méthodes parfaitement délimitées, mais qu'il reste avant tout humain, un individu qu'il faut, n'en déplaise à nombre de sociologues prompts aux schématismes, appréhender dans ses propres et uniques caractéristiques.
Cette constatation, dans un univers si hautement technicisé, est finalement rassurante.