Questions culturelles, questions de société

Regards sur la région Rhône-Alpes

Geneviève Dalbin

Les bibliothèques publiques sont confrontées à de vastes besoins culturels et sociaux qui les incitent à développer des stratégies nouvelles, qui prennent en compte les mutations sociologiques et les modifications des conditions de production et d'appropriation du savoir. S'appuyant sur des exemples pris en Rhône-Alpes, cet article se propose de revenir sur les lignes de force qui font la spécificité du rôle de la bibliothèque en tant qu'espace public : devoir de mémoire, pluralisme, démocratisation du savoir, tissage du lien social, accès à la création... Face à une crise de civilisation, elle affirme des valeurs qui visent à donner un sens au monde où nous vivons.

Public libraries are in front of large cultural and social needs which urge them, at the moment of choices, on developing new strategies, taking in consideration the sociological changes and alterations of the conditions of production and appropriation of konwledge. Relying on examples taken in Rhône-Alpes, this article intends to recall the lines of cogency which are the proper character of the part of the library as a public space : duty of memory, plurality, democratization of knowledge, intermixture of the social bond, approach to creation... Coping with the crisis of civilization, it asserts values that aim at giving a meaning to the world where we live.

Die öffentlichen Büchereien werden heute konfrontiert mit breiten kulturellen und sozialen Bedürfnissen, die sie zur Entwicklung neuer Strategien verführen. Es handelt sich darum, soziologische Veränderungen zu betrachten sowie den Wandel, der die Wissensproduktions- und Aneignungsbedingungen betroffen hat. Der Aufsatz gibt Beispiele in der Region Rhône-Alpes und schlägt sich vor, die spezifischen Kraftlinien der Rolle der Bibliothek als öffentlicher Raum vorzulegen: Erinnerungsverpflichtung, Pluralismus, Wissensdemokratisierung, Weben der sozialen Bande, Zugriff zum Kunstverstand... Einer Zivilisationskrise gegenüber muß die Bibliothek auf eine Wertordnung bestehen, die unserer zeitgenössischen Welt eine Richtung geben mag.

Nunc adeamus bibliothecam, non illam quidem multis instructam libris, sed exquisitis. 1

Erasme

L’importance du rôle que tiennent les bibliothèques dans la vie culturelle et sociale semble aujourd’hui une évidence : force est de constater que le principe du droit de tous à l’éducation et à la culture, conquis dans le sillage de l’école publique gratuite et obligatoire, a entraîné dans les dernières décennies un fort développement des bibliothèques publiques, les plaçant au carrefour des politiques de la culture, de l’éducation, de la ville et de l’action sociale. Emplacement stratégique pour un équipement culturel qui s’est révélé, si l’on en juge à sa fréquentation, d’une rentabilité sociale indiscutable.

La symbolique forte attachée au lieu depuis l’origine – réceptacle des productions du savoir et de la pensée, enceinte vénérable qui attire ou repousse – s’est accompagnée d’une multiplication des enjeux démocratiques sur l’accès à la lecture, donc à la connaissance et au pouvoir, dans une société qui est dite de l’image, mais qui est, plus encore, une société de l’écrit. Sans lecture – quels qu’en soient les modes, traditionnels ou non – point de salut... Et l’antique image de la bibliothèque-sanctuaire s’est effacée au profit de la figure de la médiathèque moderne, sorte de nouvelle maison de la culture, résonnant des pas de bataillons d’écoliers et bientôt parcourue par un vaste public.

Bibliothèque, mémoire et patrimoine écrit

L’institution est à présent aux prises avec l’intense variété des besoins culturels et sociaux qui s’expriment dans la cité : conservation et valorisation du patrimoine écrit, sensibilisation à la création, à l’art, aux avancées scientifiques et technologiques, à la diffusion des idées et des cultures, propositions multiples pour la formation, l’information, les loisirs des individus... lourdes tâches...

Au centre d’exigences complémentaires et souvent contradictoires, bien peu de bibliothèques sont en mesure de répondre de façon satisfaisante à tous les besoins – le principe de réalité faisant rapidement fi de l’utopie –, d’où l’interrogation de nombreux professionnels sur l’évolution de l’institution : quels choix opérer, quelles stratégies définir face au tourbillon des mutations, qu’elles soient sociologiques ou qu’elles concernent les conditions de production et les modes d’appropriation du savoir ?

Sans avoir l’ambition de faire le point sur le rôle de la bibliothèque dans toute sa complexité, il peut être utile, depuis ce lieu d’observation et d’action aux côtés de l’ensemble des professionnels – une agence régionale pour le livre et la documentation –, de revenir sur le lien entre l’offre culturelle originale des bibliothèques publiques et la demande sociale, exprimée ou non. Quelques exemples collectés dans la réalité concrète de Rhône-Alpes éclaireront ce propos.

La fonction première des bibliothèques est le devoir de mémoire, et donc de conservation, pour les lecteurs de demain, d’un patrimoine composé de documents rares et précieux : des archives et bibliothèques d’écrivains (comme le fonds Stendhal, à Grenoble ; Roger Vailland, à Bourg-en-Bresse ; Alain Borne, à Montélimar...), des fonds spécialisés (comme le fonds chinois, à Lyon ; le fonds vénitien, à Roanne...) et bien d’autres collections prestigieuses sont l’objet d’une valorisation attentive. Chaque année, des questions spécifiques sont abordées à l’occasion d’un colloque national sur le patrimoine écrit qui se tient à Roanne, organisé par la ville, l’Arald et la FFCB. Le colloque s’accompagne, sur place, d’une expérience pilote de « classes-patrimoine » menées par la bibliothèque, sur le modèle des « classes-lecture »...

Entre consumérisme et élitisme

Si la bibliothèque est avant tout un espace public, c’est un lieu qui se distingue d’autres, comme la librairie, par exemple. Il est inutile de reprendre ici des évidences comme : un service public, au service du public, opposé à une initiative privée, en prise directe avec des logiques économiques et commerciales.

Ceci posé, en a-t-on saisi toutes les chances, en a-t-on tiré toutes les heureuses conséquences pour les différents acteurs de la chaîne du livre et pour les lecteurs ? Voilà un lieu qui se situe hors de tout rapport marchand à la culture, dont l’indépendance doit permettre théoriquement de privilégier l’équilibre des choix, la qualité des contenus, la diversité des collections, loin de l’influence des intérêts politiques et économiques : brouillage des médias, censures directes ou insidieuses, pression des grosses maisons d’édition, primat des livres dits « d’actualité » (et qui, à peine nés, sont déjà très vieux, comme le dit avec justesse un véritable éditeur installé dans la Loire).

Certes, il faut composer avec les souhaits des lecteurs : mais chacun sait qu’il est impossible, de toute façon, de souscrire totalement à la demande, et qu’il serait folie que d’acheter plusieurs dizaines de prix Goncourt qui moisiront demain dans la réserve, ainsi que d’autres acquisitions à la suite des lancements publicitaires et matraquages abusifs.

En revanche, a-t-on réellement pris la mesure du rôle que peut jouer la bibliothèque, du soutien qu’elle peut apporter à toute une partie de l’édition, celle de création et de savoir – qui n’a que bien peu à voir avec la précédente, que ce soit pour choisir les livres, pour les composer et les réaliser, ou pour les faire voyager vers leurs destinataires ? Est-on suffisamment attentif aux auteurs, aux éditeurs qui travaillent parfois à la porte de l’institution, et qui, dans une région, participent de la vitalité des échanges culturels ?

A titre d’exemple, « Une région très livre », à Grenoble, manifestation organisée depuis dix ans par les bibliothèques, des librairies de l’agglomération et l’Arald, a choisi d’examiner toute l’année les ouvrages publiés par les auteurs et éditeurs liés à la région et d’inviter ces derniers, durant quinze jours, à participer à des rencontres, lectures, cafés littéraires... Pour informer les bibliothécaires, l’Arald édite régulièrement, outre son journal, Actualité Rhône-Alpes du livre, un répertoire, 103 écrivains rencontrent leur public, et une bibliographie rétrospective des livres et revues parus dans l’année.

La responsabilité des institutions, d’une agence régionale du livre, comme d’une bibliothèque, est avant tout dans l’engagement pour la pensée, la création littéraire et scientifique, afin de permettre aux vrais livres de continuer à exister, d’être découverts, reconnus, parce que achetés, promus et conseillés. Si la bibliothèque n’est pas ce lieu de résistance à la prolifération du « n’importe quoi » et du « presque rien », (soucieux d’occuper avant le voisin le maximum de surface de vente), alors qu’elle peut choisir les livres à diffusion – et donc lecture – lente, puisque son stock n’a pas la même obligation de rotation rapide qu’en librairie, si les voix neuves des créateurs ne peuvent plus s’y faire entendre, si elle laisse mourir, dans le silence, les petites maisons d’édition, les ouvrages à faible tirage ou ceux des auteurs discrets, alors ce qui fait la spécificité d’une bibliothèque est nié : elle ne tient pas sa place distinctive dans l’offre culturelle. Qu’est-ce qui l’empêchera, dans l’avenir, à son tour, d’être balayée par la même logique implacable, dans laquelle les impératifs économiques auront pris le pas sur l’exigence sociale et culturelle ? On la jugera inutile, trop coûteuse, comparée à d’autres moyens d’accéder rapidement et en direct à l’information, à la connaissance...

De la démocratisation du savoir

Certains objecteront que la moindre qualité de certains livres est compensée par un effet de « marches », par des publications qui, comme dans une montée d’escalier, permettraient à un public peu lecteur d’accéder, par paliers successifs, aux sommets que représentent des ouvrages jugés difficiles. Ainsi se trouveraient justifiés des achats de médiocre qualité, du tout-venant, pour un lectorat sous-estimé d’office, jugé incapable du moindre effort, alors qu’il suffirait qu’on l’y incite, ou qu’il s’y sente autorisé.

Outre le fait que les « bons » livres ne sont pas tous difficiles – ouf ! –, ceux qui le sont vraiment ne seront jamais accessibles de cette façon, et on peut alors réfléchir à la manière d’en permettre l’accès. La Fête du livre de Bron, conçue et réalisée depuis dix ans par la bibliothèque municipale dans la proche banlieue lyonnaise, en constitue un bon exemple. Elle invite pendant trois jours des philosophes, des scientifiques, des écrivains, des directeurs de collection à débattre avec le public de thèmes particuliers qui touchent autant aux sciences humaines qu’à la littérature, tout en permettant l’achat de livres proposés par les libraires. Dans les bibliothèques d’Annecy (L’Espace littéraire), de Lyon (L’Écrit Parade), des auteurs animent des rencontres régulières avec d’autres écrivains ; pendant le Festival de jazz à Vienne, la bibliothèque propose, dans le même esprit, « Fenêtre sur cour ».

Si donc la bibliothèque est le lieu d’une expérience spécifique pour le lecteur, c’est dans une conception culturelle, où le chemin est plus important que la consommation de biens. Elle tient compte, dans ses offres, de l’histoire individuelle et familiale, soucieuse des particularismes, de l’imaginaire des communautés, des repères intellectuels et affectifs de chacun, attentive à la demande non exprimée, à la demande à susciter... Car la tradition, l’originalité des bibliothèques françaises résident dans ce lien privilégié à la notion d’éducation, de formation, d’épanouissement, qui justifie la confiance du lecteur, sa possibilité de demander conseil, d’être orienté dans sa recherche, de se voir offrir le meilleur. Les propositions des bibliothèques, de ce point de vue, sont nombreuses, et l’Arald apporte sa contribution avec, par exemple, des expositions itinérantes : « Nicole Claveloux et Cie », regard sur trente ans de travail de l’artiste, « D’un regard l’autre », éloge de la lecture réalisé avec vingt écrivains contemporains...

Multimédia et médiation

Aujourd’hui, la constante évolution des dispositifs de traitement de l’information fait basculer l’organisation des savoirs, leurs référents stables, et laisse augurer d’autres rapports au texte et à l’image que l’ordre traditionnel du livre dont parle Roger Chartier 2. Les bibliothèques intègrent, au fur et à mesure, les évolutions majeures de ces dernières années. La croissance des supports électroniques et informatiques ne concerne plus seulement les outils de gestion ; ces supports commencent à être utilisés, également, comme vecteurs de nouvelles modalités de lecture.

Une coopération se construit autour de la conception de nouveaux outils à usage collectif. Afin de faciliter la recherche et l’accès aux documents, une quinzaine de bibliothèques de la région se sont rassemblées, dès 1993, pour réaliser, avec la bibliothèque municipale de Lyon et l’Arald, l’édition du CD-Rom Mémoire et actualité de la région Rhône-Alpes, où sont répertoriés leurs fonds locaux. Un autre projet réunit la bibliothèque de Lyon et l’Arald dans la mise au point d’une base de données multimédias sur le patrimoine littéraire contemporain : accessible par tous sur le réseau Internet, elle a vocation à devenir une mémoire vivante et interactive.

Attentive à proposer des contenus de qualité face à la standardisation éditoriale (aux inforoutes, elle préférera peut-être les chemins de traverse), la bibliothèque s’oriente vers des supports d’information innovants, des modes d’accès au savoir encore peu usités dans l’espace public. Elle peut être, de ce point de vue, la garante d’un usage partagé de ces pratiques novatrices de lecture, d’écriture, pour éviter que ne se creusent de nouveaux fossés entre les usagers qui auront les moyens de se servir individuellement de ces techniques et les autres ; son rôle d’incitation, de formation de l’individu au sein de la collectivité s’en trouvera renforcé.

Un nœud de partenariats

La volonté de rapprocher du livre des publics divers a conduit les bibliothèques à multiplier les relations avec d’autres partenaires : les professionnels de la petite enfance (crèches, centres de protection maternelle et infantile), pour prendre en compte les compétences, les appétits affectifs et culturels des tout-petits ; les partenaires de l’action sociale, pour mener des initiatives auprès des lecteurs qui ne peuvent se déplacer (13 bibliothèques en Rhône-Alpes pratiquent le portage de livres à domicile). La bibliothèque municipale de Chambéry a développé un service où les nouvelles technologies apportent de l’aide aux mal-voyants.

Par ailleurs, partenaires précieux, certaines librairies continuent de faire aussi le choix d’un travail culturel, souvent économiquement difficile pour elles, et combien important pour tous. Il peut être utile de rappeler, là aussi, le rôle que la bibliothèque joue dans le maintien de ce « commerce » des livres, dans tous les sens du terme, grâce à de véritables échanges avec les libraires. D’ailleurs, les relations fructueuses entre libraires et bibliothécaires s’expriment non seulement, statistiquement, au travers des acquisitions de livres (en France, 60 % des achats en valeur des bibliothèques sont faits dans des librairies situées dans un rayon de moins de 75 km), mais aussi dans l’expérience commune des salons et fêtes du livre, ou des échanges d’auteurs : des pratiques qui rapprochent les bibliothèques des autres acteurs de la chaîne du livre, éditeurs, auteurs, traducteurs... L’Arald, pour sa part, s’attache à favoriser ce dialogue, en organisant des rencontres, comme celles de Saint-Étienne, en juin dernier, qui ont permis de se pencher sur le devenir de la librairie en France et nourriront la prochaine publication d’un Code de bons usages entre librairies et collectivités.

Quant au lien entre bibliothèque et éducation nationale, il a toujours été fort, au risque, pour la bibliothèque, de se faire « phagocyter » par l’école et de se transformer en annexe destinée à servir les besoins scolaires : d’où le déni des bibliothécaires, attachés à l’image d’un lieu, où la liberté individuelle du lecteur, ses cheminements propres, les découvertes et les plaisirs dus aux hasards de sa curiosité ne rencontrent d’autres bornes que les règles – incontournables – de fonctionnement de l’établissement. Cependant, des collaborations autres que les accueils de classes se tissent : travail dans un centre pour des séjours de « classe-lecture » (Grenoble), fonds de livres destinés aux éducateurs et enseignants (Grenoble, Bourg-en-Bresse...).

Violences, conflits : renouer le lien social

Situées dans un environnement social défavorisé et face aux phénomènes de violence et d’exclusion, des bibliothèques développent des initiatives novatrices : en Rhône-Alpes, Grenoble et Albertville s’inscrivent dans des actions de fond contre l’illettrisme ; Lyon, Échirolles, Chambéry, Vaulx-en-Velin, Bron et Valence, en particulier, conscientes de l’inadéquation d’une offre passive, ont mis en œuvre des dispositifs d’accueil de publics en difficulté, embauchant ici des « médiateurs », là prolongeant l’activité des bibliothèques par des actions extérieures, bibliothèques à ciel ouvert, collaboration avec des associations, développant des projets culturels avec la population et des programmes de formation et de réflexion pour le personnel... Car les affrontements sont parfois rudes, et la violence contre l’institution, symptôme de la crise actuelle, conduit à des situations critiques, incendies (Vaulx-en-Velin), fermetures d’annexes de quartiers, parfois quelques semaines (Chambéry-le-Haut), ou pendant plus d’un an (Échirolles)...

Il faut naturellement en chercher les causes du côté de la « fracture sociale », expression qui illustre imparfaitement un contexte économique et social, où le chômage, les emplois précaires, le faible pouvoir d’achat d’un grand nombre de familles ne créent pas les conditions d’égalité que la France, pays des Droits de l’homme, inscrivait dans sa Constitution dès 1946 : la nation garantit « l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

Les efforts des bibliothèques suivent ce principe, mais ne peuvent être efficaces que dans un paysage social où le droit à la culture n’est pas implicitement remis en cause. L’identité culturelle, ce qui la fonde, ce qui permet d’espérer une maîtrise des destins individuels, ne relèvent pas d’un luxe, d’une élégance, d’un vague supplément d’âme devant passer par pertes et profits quand les budgets sont serrés : il s’agit de notre existence même, des raisons de vivre ensemble et de construire l’avenir.

Bibliothèque et création : vers un monde du sens

La bibliothèque publique, lieu privilégié de rencontres avec les œuvres, avec les créateurs, entretient avec ceux-ci (en littérature, mais aussi en musique, en peinture...) des relations essentielles, qui en font un véritable lieu de culture.

Par de nombreuses actions, l’Arald est engagée, avec elle et avec d’autres professionnels du livre, dans la promotion de la culture de l’écrit et de la création. Dans un univers où la crise porte sur le lien social et sur le sens, l’œuvre d’art instaure un ordre différent : elle est l’aboutissement d’un chemin qui ne mène apparemment nulle part, sinon à soi-même, mais c’est un parcours essentiel ; elle apprend que la transformation des choses (contrairement à la production d’objets en quantité qui saturent les marchés) n’a de sens que si elle s’accompagne d’une transformation de soi, d’une recherche de la plénitude. L’œuvre postule l’idée de différence et ouvre à la diversité des visions du monde, elle révèle la vision originale d’un individu et repose sur l’engagement personnel dans une signification, une expérience propre.

C’est aussi, dans une société obsédée par la vitesse, une expérience du temps, d’un rythme singulier, qui s’éprouve dans chacun des champs artistiques... Elle est, en marge du brouhaha médiatique, communication vraie avec les autres, foisonnement de significations qui enrichissent le lecteur, le spectateur, dans la confrontation avec sa propre expérience, sa réflexion personnelle. Enfin, elle milite pour l’aventure, le voyage dans l’inconnu, la réinvention d’un monde. Le philosophe Henri Maldiney, en donne, dans le titre de l’un de ses ouvrages, une belle définition : L’Art, l’éclair de l’être 3.

Bibliothèques, agences du livre, n’ont que faire de l’ordre du paraître ou de l’avoir. Elles savent bien, elles qui prêtent, qui échangent, qui suscitent la rencontre, que les biens de la culture et de l’art, de l’ordre de l’être, sont à tous et se partagent sans s’affaiblir. Leur importe, simplement, le devenir d’un monde qui, pour chacun, prenne un sens...

Novembre 1996

  1. (retour)↑  « Allons maintenant à la bibliothèque, pas celle qui possède de nombreux livres, mais celle qui en a d’excellents ».
  2. (retour)↑  Roger Chartier, Culture écrite et société, Albin Michel, 1996.
  3. (retour)↑  Henri Maldiney, L’Art, l’éclair de l’être : traversées, Chambéry, Comp’Act, 1993.