Editorial

La nécéssité d’informer et de former les utilisateurs est affirmée de longue date par les bibliothécaires. Plusieurs études ont d’ailleurs montré l’effet positif de la formation à la documentation sur les modes d’ appropriation des connaissances et sur la réussite scolaire ou universitaire *.

La formation n’est pas un supplément d’âme, mais s’inscrit dans une nécessité profonde, celle qui autorise un usage rationnel et averti des sources du savoir offertes par la bibliothèque.

Pourquoi alors cette formation n’est-elle encore bien souvent qu’expérimentale, loin d’être partout et pour tous généralisée ? Sans doute faut-il voir là l’un des nombreux effets pervers d’une conception bien française de la construction et de la reproduction des connaissances, qui laisse entendre que l’une et l’ autre relèvent de la seule excellence personnelle de ceux qui les portent et que, dans une telle affaire, rien ne s’apprend. Il y aurait là du donné, beaucoup plus que de l’acquis. La volonté d’explicitation des codes et des manières de faire ne recueille bien souvent que condescendance et indifférence. On sait au contraire aujourd’hui qu’une telle formation est non seulement indispensàble, mais doit être répétée aux divers échelons d’une scolarité, ces savoir-faire n’étant jamais définitivement acquis. Voilà pourquoi une interrogation sur les registres et les conditions de la coopération entre les bibliothèques et les institutions scolaires est ici proposée.

Au Canada, cette fonction d’information et de formation des utilisateurs est première. Pays neuf, où l’on sait que pour enseigner, il faut aussi apprendre à apprendre et qu’un certain nombre de clés, de méthodes permettent de savoir s’adapter à des univers et des logiques d’ organisation des savoirs différents. La formation des utilisateurs est ici déclinée de diverses manières. Elle peut être profondément intégrée dans les cursus universitaires eux-mêmes, comme à Rouen ou à Grenoble. Elle peut être librement proposée aux usagers d’une bibliothèque publique, comme le fait la Bibliothèque publique d’information depuis de longues années, en essayant de diversifier ses propositions en fonction des besoins de son public et des nouveaux supports proposés, ici les CD-Rom. Nécessité fondamentale, puisque, contrairement à ce que la dernière version d’un triomphalisme techniciste voulait faire accroire, l’accès à l’écrit sur écran, imposant de nouvelles modalités de la conception et de l’ organisation du texte, suppose de nouvelles compétences, et déroute les moins aventuriers des lecteurs. La formation s’adresse aussi bien sûr aux médiateurs. Ici en sont donnés deux exemples, l’un qui est proposé aux bénévoles travaillant avec les bibliothèques départementales de prêt, l’autre qui voit les professionnels de la Médiathèque de la Villette accepter de réfléchir sur la qualité de leur accueil à l’égard des publics. Enfin, la formation passe d’abord par l’information. Tout ce qui rend l’espace de la bibliothèque un peu moins opaque, qu’il s’agisse des médiations humaines bien sûr ou de médiations techniques, comme les bornes interactives dans l’exemple ici proposé, autorisera peu à peu une familiarisation avec l’univers normé de la bibliothèque.

  1. (retour)↑  Voir par exemple L'évaluation des enseignements de méthodologie documentaire à l'Université de Paris VIII, sous la direction d'Alain Coulon, Laboratoire de recherche ethnométhodologique, Université de Paris VIII, 1993.