L'Évaluation dans l'administration

par Alain Van Cuyck

Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie (CURAPP)

Paris : PUF, 1993. - 191 p. ; 24 cm.
ISBN 0182-4406 : 70 F

Les textes qui composent cet ouvrage ont été présentés lors du colloque sur « L'évaluation dans la fonction publique, un enjeu pour la modernisation » *.

Deux questions, habituellement envisagées séparément, sont conjointement étudiées : l'évaluation des services publics et l'évaluation des agents.

Les services publics

Cette première partie s'ouvre sur « La notion d'évaluation ». L'auteur, à travers un rapide historique, y développe les spécificités du concept tout en le différenciant des notions voisines telles que l'audit ou le contrôle. Il rappelle les trois dimensions économique, sociale, éthique, constitutives de sa démarche et s'interroge sur ses usages sociaux.

Luc Rouban met ensuite en relief les demandes et les réticences différenciées des différents services vis-à-vis de cette procédure, dresse le parallèle entre la situation de la France et celle des Etats-Unis et développe les effets politiques. Henry Noguès met en évidence, à partir d'exemples concernant les centres sociaux, les établissements d'hébergement des personnes âgées et le revenu minimum d'insertion (RMI), les difficultés de la démarche, à savoir le nécessaire processus d'apprentissage collectif, le dispositif institutionnel, le recueil et le dispositif informationnel qui doit pouvoir s'appuyer sur les situations antérieures à l'évaluation. Bemard Nemitz développe le rôle, les principes, la démarche et les thèmes du Comité national d'évaluation (CNE) tout en rappelant que le monde universitaire fait également l'objet d'autres évaluations. L'auteur plaide dans sa conclusion pour une meilleure cohérence des différentes évaluations, pour un meilleur suivi décisionnel et une parfaite transparence des procédures. Dominique Cochart évoque les problématiques de la légitimation, de la rentabilité et de l'exploitation des potentialités, mais, également la scientificité des procédures et leurs effets.

Franck Bachelet, à partir d'une étude quantitative, plaide non pas pour une sociologie de l'innovation, mais pour une sociologie des innovateurs. Pour lui, le groupe des innovateurs se caractériserait par la jeunesse (moins de 34 ans), le fait d'être diplômé, d'appartenir aux hiérarchies intermédiaires, de se montrer critique par rapport aux pratiques actuelles d'évaluation des agents, ouvert aux valeurs managériales et aux objectifs explicites de la modernisation et soucieux de participer à l'exercice du pouvoir décisionnel. L'innovation serait une des logiques possibles pour les acteurs dépourvus d'ancienneté de se doter d'une certaine légitimité.

Les agents publics

Henri Rouanet, préfet de région, rappelle la philosophie de la circulaire du 23 février relative au renouveau du service public, en insistant plus particulièrement sur l'affirmation de deux principes directeurs : la revalorisation du potentiel humain et la nécessité de l'évaluation des agents publics.

Calliope Spanou rappelle que tout système d'évaluation, s'il impose des contraintes, est lui-même pris dans un réseau de contraintes agissant autant sur les évaluateurs que sur les évalués. En premier lieu parce que les techniques s'insèrent dans un cadre organisationnel déjà structuré de rapport de pouvoir, établissant une relation évalueur/évalué sur laquelle pèsent à la fois des contraintes de types formels (entretiens, notes), mais également informels - dimension sociale, rapports humains - et sur laquelle pèse la contrainte des rôles en présence : « l'évaluation risque de réactiver des éléments conflictuels et de déranger les conditions d'exercice du rôle politique ». Hervé Chavas fait une analyse différenciée des procédures d'évaluation de neuf directions générales d'entreprises et d'administration. Ainsi sont distingués sur le plan professionnel la validation des acquis, le suivi de l'activité et l'analyse du parcours. Quatre objectifs implicites sont répertoriés : asseoir les décisions de gestion du personnel, instaurer ou renforcer le dialogue, faire évoluer les pratiques professionnelles de l'encadrement et mieux connaître le personnel. Enfin, après avoir explicité l'émergence de l'évaluation par des logiques environnementales, l'auteur s'intéresse à la conduite des procédures et à ses impacts. Jean-Claude Placiard s'interroge sur la validité de l'évaluation individuelle dans un contexte fondamentalement collectif et organisationnel. C'est sur le devenir de la notation que s'interroge Daniel Foumier. Il rappelle la dimension de régulation entre élus et salariés et sa nécessaire inscription dans le cadre d'un projet politique. Arsène Declerc nous livre un aperçu de la méthodologie mise en place chez notre voisin européen dans le cadre de la modernisation des services publics. La « radioscopie », nom générique de cette démarche, est un ensemble d'indicateurs s'intéressant aux rapports coût/produit des administrations qui gagne très certainement à être connu. Maximin Emagna s'intéresse aux dispositifs mis en place dans la plupart des pays développés, à savoir la mesure des performances et le système de rémunération au rendement. Il y présente et évoque les deux dispositifs, ainsi que leurs limites.

Enfin, après une synthèse des différents positionnements sur la notation, syndicalistes et représentants de l'administration donnent en quelques lignes leurs avis d'acteurs institutionnellement engagés pour ou contre l'articulation de la notation et de l'évaluation.

Jacques Chevallier, dans la synthèse générale, rappelle que « le thème de l'évaluation doit être pris au sérieux dans la mesure où il entraîne une inflexion durable des représentations et des pratiques administratives » et insiste sur l'apport des textes tout en en dégageant les concepts clés.

Au moment où tout concourt à faire de l'évaluation un « impératif catégorique de la modemisation » de la gestion publique, l'intérêt de ce travail est très certainement d'avoir posé sur l'évaluation un regard différencié, large et critique du concept, sous le prisme d'approches diverses et variées, montrant bien que tout n'a pas été dit sur cette notion multiforme en construction permanente.

  1. (retour)↑  Amiens, le 17 avril 1992.