Mission d'étude sur les bibliothèques des musées territoriaux

Note d'étape

Cécil Guitart

Cette courte note vise à faire part des orientations d'un rapport d'étude * établi après quelques déplacements dans les musées d'une dizaine de régions de France et avant le dépouillement d'un questionnaire envoyé systématiquement à tous les musées territoriaux ayant signalé l'existence d'une bibliothèque.

Les limites de l'étude

Délimitation institutionnelle. Cette étude porte sur les bibliothèques des musées territoriaux, et non sur les musées nationaux, - délimitation importante pour sa cohérence. Elle s'appuie sur les 509 bibliothèques de musées territoriaux classés ou contrôlés, qui ne bénéficient pas forcément de la même tutelle technique de l'Etat (les muséums d'histoire naturelle sont contrôlés par la mission musée du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche). Les musées territoriaux déclarant une bibliothèque sont très différents dans leur spécialisation. Ils sont regroupés selon la typologie adoptée par la Direction des musées de France (DMF) :
- musées des beaux-arts, incluant l'archéologie et l'art contemporain, au nombre de 175 (34 %) ;
- musées de société, comprenant les musées d'art et tradition populaire, les musées d'ethnologie, les écomusées, les musées des sciences et des techniques, les musées d'histoire, au nombre total de 220 (43 %) ;
- muséums d'histoire naturelle au nombre de 36 (7 %) ;
- musées polyvalents regroupant, dans un même lieu, une partie ou l'ensemble de ces spécialisations, au nombre de 78 (16 %).

Cette étude ne prend pas en compte les bibliothèques des écoles territoriales de beaux-arts, et pas davantage celles des centres d'art, des fonds régionaux d'art contemporain (Frac), et autres associations qui ne sont pas des musées ou qui ne sont pas de statut territorial. La question se pose pour la ville de Paris, qui n'émarge pas au régime commun des collectivités territoriales.

Délimitation documentaire. Après quelques mois d'observation, l'on peut constater que les documents rassemblés dans les musées ont des statuts différenciés selon la fonction qui leur est dévolue :
- comme tout organisme qui fonctionne, les services des musées produisent des archives qui ont une fonction documentaire éminente bien qu'elles ne soient pas toujours communicables ;
- le personnel scientifique des musées revendique fortement le besoin d'une documentation organisée, interne à l'institution, de proximité, pour la recherche, constituant l'environnement documentaire des œuvres du musée et/ou articulée sur les projets d'exposition. Cette documentation mobilisée ou susceptible de l'être en permanence ne peut être facilement rendue accessible au public ;
- enfin, le plus souvent avec une visée pédagogique, et pour la diffusion culturelle, les musées disposent de bibliothèques mettant à la disposition du public des collections de documents qui visent à valoriser les collections du musée et à accompagner les expositions temporaires en cours. Ce service tourné vers l'extérieur est fréquemment placé sous la tutelle du conservateur chargé du développement culturel.

Les moyens à mettre en œuvre

Des propositions sont envisagées qui permettraient d'accompagner le développement des bibliothèques de musées sur la base des financements existants :
- utilisation du concours particulier de la dotation générale de décentralisation des communes (DGD) 1 au bénéfice des bibliothèques municipales, et depuis peu des départements 2 ; d'un montant de 350 millions de francs en 1993, réparti en enveloppes régionales, il permettrait pour la 1re part (35 % des crédits) d'aider les communes au fonctionnement des bibliothèques de musées territoriaux, pour la 2e part (65 % des crédits) d'aider à l'investissement (locaux, mobilier, matériel informatique) ; s'agissant des bibliothèques départementales, l'aide (sur un montant disponible total de 31 MF) est limitée aux investissements pour une durée de 3 ans seulement ;
- utilisation des crédits déconcentrés de la DMF et de la Direction du livre et de la lecture (DLL) ;
- conventions de mise à disposition de moyens avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (pour les muséums d'histoire naturelle) et avec les universités si elles souhaitent collaborer avec les musées municipaux des villes universitaires.

Pour l'essentiel, les procédures d'utilisation de ces moyens de financement sont rodées, ce qui rend plus facile leur mobilisation. Ils sont gérés à un échelon déconcentré, en concordance avec la nature des dossiers à instruire.

Il suffirait donc de procéder à une sensibilisation des futurs instructeurs de ces dossiers : les Directions régionales des affaires culturelles (Drac) et leurs conseillers pour ce qui concerne le ministère de la Culture et de la Francophonie, en précisant ces nouvelles orientations dans les circulaires d'application des DGD (une ligne à ajouter !) et du mode d'emploi des crédits déconcentrés. Les Drac resteraient naturellement maîtresses des priorités dans l'attribution des aides. En contrepartie de cette réelle possibilité de compensation des charges des collectivités territoriales et compte tenu de l'état de sous-développement de la plupart des bibliothèques de musées (notamment leur manque criant de personnel qualifié) et de l'impossibilité pour la plupart des collectivités de s'impliquer davantage dans un effort de développement durable, il est préconisé de demander aux villes de créer des emplois correspondant au montant des crédits attribués, soit en réelle création d'emploi (délibération municipale à l'appui du dossier), soit en déploiement (attesté par arrêté d'affectation).

Mobilisation des financements existants

Cette première condition est préalable à la seconde qui consisterait à demander une ouverture de ces services au public, et à une troisième qui recommanderait que ces bibliothèques entrent au moins dans un réseau local de documentation avec la bibliothèque municipale de la ville et, le cas échéant, la bibliothèque universitaire, et si possible, participent à un réseau régional de coopération animé par les structures régionales de coopération impliquées sur de tels dossiers. Pour résumer, il n'est pas demandé de moyens d'incitation et d'accompagnement autres que ceux qui existent déjà, mais une mobilisation des financements existants sur des actions qui peuvent être prises en compte pour peu que soit élargie « l'éligibilité » des dossiers aux bibliothèques de musées territoriaux (communes pour la plupart et départements quelquefois). Afin de prendre en compte les difficultés financières des collectivités locales, l'investissement minimum demandé aux villes n'excédera pas les avantages financiers apportés par les mesures envisagées.

Précautions à prendre/Démarches à entreprendre

Afin de pouvoir afficher ces mesures, il est envisagé de prendre l'attache des administrations concernées par ce dossier :
- il faudra s'assurer de l'accord de la DGCL (Direction générale des collectivités locales, au ministère de l'Intérieur) via la DLL qui pilote pour le ministère de la Culture le dossier DGD ;
- vérifier l'intérêt porté aux bibliothèques de muséums d'histoire naturelle par la mission musée de la Direction de l'information scientifique et technique et des bibliothèques (DISTB) au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ;
- informer et sensibiliser les directeurs régionaux des affaires culturelles et leurs conseillers concernés par ce dossier (conseillers au livre et aux musées).

Ces quelques mesures qui font appel, rappelons-le, aux seuls financements existants, permettraient de créer en France une centaine d'emplois de professionnels de bibliothèques et de conforter la situation de quelques autres dont le statut n'est pas en adéquation avec les fonctions et les responsabilités qu'ils assument. Les créations d'emplois aujourd'hui sont suffisamment rares pour que cela soit souligné ! Elles favoriseraient la mise en réseau de ces services souvent isolés et parfois complètement oubliés, - alors qu'ils possèdent toujours des collections d'un grand intérêt et souvent irremplaçables -, et permettraient enfin d'amorcer le rattrapage d'un retard considérable par rapport aux pays industrialisés et de créer les conditions d'une coopération internationale inenvisageable aujourd'hui.

Au moment où l'on parle de Bibliothèque nationale d'art, cette « mise en mouvement » des bibliothèques des musées territoriaux, ce développement par la périphérie, renforceraient la crédibilité de ce projet.

  1. (retour)↑  Cécil Guitart a été chargé par la Direction des musées de France d'une étude sur les conditions de développement des bibliothèques des musées des collectivités territoriales.
  2. (retour)↑  Loi n° 86-29 du 9 janvier 1986.
  3. (retour)↑  Un dispositif analogue vient d'être institué pour les départements : loi n° 92-651 du 13 juillet 1992.