L'accord OCLC-DBMIST

Martine Darrobers

L'OCLC (Online Computer Library Center) n'est plus à présenter aux bibliothécaires français 1. 6 000 adhérents, 13 millions d'enregistrements bibliographiques, 200 millions de localisations ont donné au pionnier des catalogues collectifs les dimensions d'un géant... La base bibliographique OCLC intègre des documents en 245 langues : une répartition 80/20 au profit de l'anglais, mais on ne compte pas moins de 700 000 documents en français.

Ce sont ces quelque 700 000 notices qui ont motivé la signature à la fin 1985 d'un accord de coopération entre l'OCLC et la DBMIST, accord par lequel les deux organismes s'engagent à unir leurs efforts de recherche afin de construire des banques de données réparties, échangeant des informations sur leurs données, leurs logiciels et leurs systèmes en vue de surmonter les obstacles techniques. Pourquoi un tel accord ? Pour répondre aux nécessités actuelles de la recherche, affirment les deux partenaires. Ce n'est plus simplement la production de documents qui est internationale, mais c'est aussi la consultation qui, de plus en plus, se dissémine à travers le monde; chercheurs et étudiants ne se contentent plus de la seule description bibliographique du document mais souhaitent avoir des informations sur son contenu et sur sa localisation, en attendant la fourniture électronique du document. Aussi l'action de coopération qui vient d'être lancée ne se limite pas seulement à la diffusion et à l'élargissement des services actuels mais concernera aussi des projets de recherche.

Une première action vient de s'engager : deux terminaux volants circulent déjà dans les bibliothèques de la région parisienne. Objectif : cerner l'importance des recoupements entre la « force de frappe » documentaire française et la base OCLC. C'est dire que les principaux établissements français participent à l'expérience : la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque publique d'information, le Centre de coopération de Massy pour la base LIBRA, représentent le versant des bibliothèques publiques. Parallèlement sont (ou seront) analysées les collections de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, de Paris IX Dauphine, de la Bibliothèque interuniversitaire de Jussieu, de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine, des bibliothèques de la Sorbonne et du Muséum. A partir de cet échantillon il sera possible d'extrapoler l'importance des recoupements sur l'ensemble des disciplines, en balayant les différents niveaux d'acquisitions et en intégrant même les fonds anciens. La série de tests est loin d'être achevée mais les premiers résultats apparaissent déjà édifiants : les études préliminaires menées à Paris IX et à Sainte-Geneviève ont montré que plus des deux tiers des notices récentes étaient affichées dans la base OCLC.

ElectrochOCLC

D'ores et déjà il est possible d'anticiper les réactions devant les perspectives ouvertes par cette opération. Pour : en traversant l'Atlantique, l'OCLC nous mettrait le pied à l'étrier pour la réalisation des catalogues collectifs nationaux si longtemps attendus. Contre : l'OCLC en France, c'est la porte ouverte à l'impéralisme américain qui voudra nous imposer ses points et ses tirets après nous avoir déjà imposé son système de classement... On peut s'interroger sur la pertinence de cette opposition : plutôt que la défense du « cataloguons français », ne serait-ce pas plutôt le statut du catalogage traditionnel - cette technique quelque peu ésotérique bien faite pour satisfaire l'individualiste irréductible qui sommeille en chacun de nous - qui serait au cœur du débat ? Pourtant le catalogage « bien de chez nous » mène un combat d'arrière-garde. Certes l'informatique ne détruira pas les catalogues mais, à tout le moins, elle dépossèdera le catalogueur d'une grande partie des joies ineffables que procure l'élaboration des vedettes et l'emplacement de la ponctuation... Par ailleurs, même si, dans l'immédiat, elle entraîne un regain de la normalisation des données traditionnelles, elle amènera, tôt ou tard, une mise à plat de la logique et des processus de catalogage. Le catalogue en ligne consultable par le public - lorsqu'il existera réellement 2 -sonnera l'heure de vérité des notices dont le contenu et la présentation seront jaugés à l'aune de leur utilisation véritable : le catalogue démystifié en quelque sorte, dépouillé de « ce je ne sais quoi et du presque rien» qui donnait au travail technique le label de scientificité lié à la fabrication d'un instrument abscons...

Nul n'en disconviendra, il faut un catalogue, et un catalogue normalisé. Mais est-il nécessaire de réutiliser les mêmes concepts que ceux qui ont servi au xvme siècle, lorsque les catalogues de bibliothèques étaient des catalogues de salles de vente 3 - la description matérielle de l'ouvrage primant l'analyse de son contenu ? D'aucuns diront qu'on a évolué. Voire, mais alors pourquoi tant s'exciter sur la meilleure façon de décrire les ouvrages ? Et si, pour une fois, on se mettait à penser le catalogue en termes d'accès...